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Victimes de violences en milieu rural : le paradoxe de la proximité et de l’isolement

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Les spécificités des conditions de vie en zone rurale augmentent les difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences dans leur parcours de sortie de ces violences. Ce constat, partagé par de nombreuses associations membres de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), a amené cette dernière à publier un ouvrage sur ce sujet(1). Celui-ci s’appuie sur deux études menées séparément dans les régions Pays de la Loire et Midi-Pyrénées (avant la nouvelle carte des régions). Son objectif : « Alerter la communauté scientifique, les institutions ainsi que le grand public sur les difficultés spécifiques que rencontrent en milieu rural les femmes victimes de violences, tout en mettant en évidence les possibilités d’accueil, d’accompagnement et de prévention que les associations de la FNSF réalisent et pourraient encore développer. »

Premier point souligné : « les femmes en milieu rural sont autant victimes de violences que celles en milieu urbain », mais ces violences sont souvent « niées ou ignorées [et] par conséquent majoritairement sous-estimées ». Par ailleurs, dans les territoires ruraux isolés, le manque d’information (beaucoup de femmes méconnaissent leurs droits et le 39 19, le numéro d’appel des femmes victimes de violences), l’isolement, les problèmes de mobilité pour certaines et le manque de lieu d’accueil constituent autant de handicaps supplémentaires qui n’encouragent pas les victimes « à venir à la rencontre des structures spécialisées pour sortir du silence et du cycle des violences ». Parmi les difficultés majeures, la FNSF pointe « le paradoxe de la proximité et de l’isolement en milieu rural », la faible densification de ces zones ayant « des répercussions directes sur le quotidien des femmes ». Ainsi, dans des territoires où tout le monde se connaît, les femmes victimes de violences – très majoritairement des violences conjugales – sont confrontées à la négation des faits de la part de leur entourage.Les femmes reçues par les associations évoquent également le manque d’anonymat qui a des conséquences « sur leurs capacités à demander de l’aide », précise la FNSF. D’autant plus que leurs réticences s’expriment à l’égard de « personnes clés en matière de lutte contre les violences conjugales en milieu rural : les médecins généralistes et les gendarmes ».

Manque de sensibilisation

Certaines victimes témoignent du fait que des gendarmes minimisent les faits, « les qualifiant de “conflits” plutôt que de “violences”, de l’absence de formation systématique des professionnels sur le sujet, certains gendarmes refusant par exemple d’enregistrer les dépôts de plainte ». Et cela quand elles parviennent à ce stade de la procédure, une démarche qui reste « difficile » à engager pour de nombreuses femmes en milieu rural. Les professionnelles et les militantes des associations relèvent que les médecins sont peu sensibilisés à ces questions. En outre, lorsqu’un même praticien soigne toute la famille – ce qui est très souvent le cas –, la femme craint d’autant plus de parler des violences subies. A cela s’ajoute, plus qu’ailleurs, la peur du « qu’en dira-t-on ».

Autant de difficultés renforcées par l’isolement géographique qui complique les demandes de soutien de professionnelles, mais également d’accès aux soins. Quant à la décision de quitter son conjoint violent, si elle est déjà une étape difficile à franchir de manière générale, « cela est d’autant plus vrai pour une femme vivant en territoire rural, et pour laquelle viennent s’ajouter un certain nombre de barrières », notamment financières, ces femmes ayant souvent moins de ressources propres qui leur permettraient de subvenir à leurs besoins. « C’est notamment les cas des femmes d’exploitants agricoles ou d’artisans, qui n’ont pas toujours de statut reconnu dans l’entreprise malgré leur rôle important », relève l’étude.

Enfin, lorsqu’il est nécessaire pour une femme de poursuivre son accompagnement dans une structure spécialisée, « elle doit se résoudre à des semaines voire des mois d’attente pour une entrée dans un CHRS [centre d’hébergement de réinsertion sociale] ». De plus, les accueils de jour pour femmes victimes de violences conjugales sont en nombre insuffisant.

Pour la FNSF, l’un des enjeux est donc d’assurer l’égalité territoriale en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier en matière de places d’hébergement d’urgence accessibles et/ou spécialisées mais aussi en matière de relogement. Elle recommande à ce titre de « dresser la carte de France de l’implantation des places d’hébergement/logement d’urgence accessibles et/ou spécialisées pour femmes victimes de violences, et d’accélérer [leur] développement […], afin d’assurer un réel maillage du territoire, notamment dans les territoires urbains et ruraux fragilisés ».

La FNSF insiste également sur l’indispensable travail de réseau, proposant de s’appuyer sur ses « partenaires les plus proches » (les centres d’information sur les droits des femmes et des familles [CIDFF], le Mouvement français pour le planning familial…) « pour constituer des microrelais dans les communes et zones d’habitation les plus isolées composés de personnels sensibilisés (médecin, pharmacien, commerçant, secrétaire de mairie, institutrice, facteur, infirmière à domicile…) habilités à avoir un premier contact avec les femmes victimes de violences conjugales, à évaluer leurs besoins, leur donner les premières informations indispensables et informer l’association spécialisée la plus proche qui se déplacera et pourra proposer un protocole d’accompagnement individualisé ». Il faut aussi, préconise la FNSF, intégrer des modules de formation à l’accueil des femmes victimes de violences dans les formations initiales des médecins, personnels de justice, enseignants, travailleurs sociaux et que « soit réalisée une sensibilisation de l’ensemble des élus locaux à [cette] problématique ».

Et parmi les pistes d’actions concrètes, la fédération suggère la mise en place de « structures mobiles, type “camion d’insertion” » à destination de toutes les femmes en milieu rural et rassemblant différents partenaires : épicerie sociale, association spécialisée dans l’accompagnement des femmes victimes de violences et structure d’accompagnement vers l’emploi. Le principe : renouer avec l’« aller vers » sans que ces populations isolées se sentent « stigmatisées ou assistées », ces camions mobiles consistant « en une intervention globale permettant [également] d’identifier et d’accompagner les femmes en cas de violences ».

Notes

(1) Les violences faites aux femmes en milieu rural, une étude en Midi-Pyrénées et en Pays de la Loire – FNSF – Mars 2016 – En vente sur www.solidaritefemmes.org – 10 €.

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