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Le projet de loi « travail » passe le cap du conseil des ministres

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Contesté avant même d’être présenté et alors que de nombreuses organisations syndicales, étudiantes et lycéennes réclament toujours son retrait malgré les aménagements apportés récemment par le gouvernement(1), le projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », dit « El Khomri », a été présenté le 24 mars en conseil des ministres par la ministre du Travail et de l’Emploi et son homologue à l’Economie. Le texte fait suite au rapport de Jean-Denis Combrexelle sur « la négociation collective, le travail et l’emploi »(2). Il s’appuie également sur les principes essentiels du droit du travail dégagés par le comité présidé par Robert Badinter(3). Sur la base de ces principes, le projet de loi prévoit de réécrire chaque partie du code du travail selon une nouvelle architecture en trois parties : les règles d’ordre public, le champ renvoyé à la négociation collective et les règles supplétives applicables en l’absence d’accord. Cette nouvelle architecture devrait être mise en place dès l’adoption du texte pour la partie du code relative au temps de travail et aux congés. Le projet de loi crée à ce titre une commission de refondation chargée de mener ce travail de réécriture à son terme, dans un délai de deux ans. Il tend en outre à donner plus de place à la négociation collective dans le droit du travail pour renforcer la compétitivité de l’économie et développer l’emploi.

Les débats parlementaires devraient débuter le 3 mai, pour une adoption définitive du texte avant les vacances estivales. Gros plan sur quelques-unes de ses principales dispositions.

Mise en place du CPA

Le projet de loi précise la mise en œuvre du compte personnel d’activité (CPA), créé par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi(4). Il indique que l’objectif du CPA est de renforcer, par l’utilisation des droits qui y sont inscrits, l’autonomie et la liberté d’action de son titulaire et de sécuriser son parcours professionnel, en levant les freins à la mobilité. Il contribuera, selon le texte, au droit à la qualification professionnelle et favorisera l’engagement citoyen.

Le CPA devrait être ouvert à toute personne âgée d’au moins 16 ans :

→ occupant un emploi ;

→ à la recherche d’un emploi ou accompagnée dans un projet d’orientation et d’insertion professionnelle ;

→ accueillie dans un établissement et service d’aide par le travail.

Par dérogation, le CPA pourrait être ouvert dès l’âge de 15 ans pour le jeune qui signe un contrat d’apprentissage et qui justifie avoir suivi les enseignements dispensés au collège. Le compte fermerait lorsque son titulaire est admis à faire valoir l’ensemble de ses droits à la retraite.

A partir de 2017, le CPA devrait regrouper le compte personnel de formation (CPF), le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte engagement citoyen que crée le projet de loi. Ce compte engagement citoyen devrait recenser les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire et permettre d’acquérir :

→ des heures inscrites sur le CPF à raison de l’exercice de ces activités (liées au service civique, à la réserve militaire, à la réserve communale de sécurité civile, à la réserve sanitaire, à l’exercice de maître d’apprentissage ou de bénévolat associatif). Un décret définira pour chacune de ces activités la durée nécessaire à l’acquisition de 20 heures inscrites sur le CPF, indique le projet de loi ;

→ des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit d’étendre, par ordonnance, le CPA aux fonctionnaires.

Aménagements du CPF

D’après l’étude d’impact du projet de loi, le compte personnel d’activité – qui intègre le CPF – devrait poser les bases d’un « droit universel à la formation », avec une priorité pour les personnes les moins qualifiées. Il devrait ainsi renforcer « considérablement » les droits à la formation des personnes sans diplôme, avec un dispositif à effet immédiat pour les jeunes sortant du système éducatif et un dispositif à effet progressif pour les salariés sans diplôme.

S’agissant des salariés peu ou pas qualifiés, le projet de loi prévoit de renforcer le CPF. En vigueur depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel de formation – qui remplace le droit individuel à la formation – est, pour rappel, crédité de 24 heures par année de travail à temps plein jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis de 12 heures par année supplémentaire de travail à temps complet, dans la limite de 150 heures (5). Le texte gouvernemental prévoit, pour les salariés dont le niveau de qualification est inférieur au niveau V (équivalant au CAP ou au BEP), de porter ce crédit à 40 heures par an et le plafond de 150 à 400 heures.

Concernant les jeunes « décrocheurs », la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a créé un « droit à une durée complémentaire de formation qualifiante » pour les jeunes sortis sans diplôme du système éducatif. Ce droit peut être mis en œuvre par le retour en formation initiale, par l’apprentissage ou par la formation continue. Le projet de loi parachève ce droit en disposant que, lorsqu’il est mis en œuvre dans le cadre de la formation continue, le jeune a droit à un abondement de son CPF à hauteur du nombre d’heures nécessaires à sa réalisation. Ces heures devraient être financées par les régions. Le texte précise que cet abondement n’entrera pas en compte dans le calcul des heures créditées sur le CPF chaque année et du plafond de 150 heures.

Par ailleurs, le projet de loi tend à sécuriser les listes de formations éligibles au CPF. Actuellement, les formations éligibles doivent appartenir à des catégories précises figurant sur des listes de formations élaborées par diverses institutions paritaires. Dans un souci de transparence à l’égard des organismes proposant des formations et afin d’offrir une plus grande sécurité aux salariés et aux demandeurs d’emploi, il est prévu que les instances décisionnaires en matière de listes de formations éligibles déterminent et publient les critères prévalant à l’inscription des formations sur ces listes.

Généralisation de la garantie jeunes

Le projet de loi propose de consacrer un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie conclu entre l’Etat et les jeunes en situation de grande précarité. Ce parcours constituerait « le nouveau cadre contractuel d’un accompagnement adapté et gradué dans son intensité en fonction de la situation et des besoins de chaque jeune, y compris des jeunes en situation de handicap », indique l’étude d’impact. Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engagerait dans ce parcours pourrait bénéficier d’une allocation versée par l’Etat et modulable en fonction de la situation de l’intéressé. La garantie jeunes deviendrait une modalité spécifique de ce parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie. Expérimentée depuis 2013, la garantie jeunes offre, pour mémoire, à des jeunes âgés de 18 à 25 ans sans emploi ni formation un accompagnement renforcé vers l’emploi, des périodes de mise en situation en entreprise et une allocation mensuelle(6). Le projet de loi ouvre le bénéfice de la garantie jeunes à tous les jeunes remplissant les conditions d’éligibilité et s’engageant à respecter le parcours contractualisé, à compter du 1er janvier 2017.

Accès facilité à la VAE

Afin de faciliter l’accès au dispositif de la validation des acquis de l’expérience (VAE) aux personnes peu ou pas qualifiées, le projet de loi réduit la durée minimale d’activité requise pour que la demande de validation soit recevable à un an, contre trois ans aujourd’hui. En outre, les périodes de formation en milieu professionnel pourraient être prises en compte dans le calcul de cette période.

Par ailleurs, il est proposé que les validations partielles, prises par le jury lorsque les acquis du candidat ne correspondent pas entièrement aux compétences, aptitudes et connaissances exigées pour obtenir la certification visée, soient acquises définitivement. Actuellement, elles sont valables pendant un délai de cinq ans. De plus, ces validations partielles pourraient être prises en compte pour l’obtention de toute autre certification, sous réserve que des possibilités de passerelles ou de dispenses d’épreuves aient été prévues par les certificateurs concernés.

Le projet de loi prévoit enfin de diffuser plus largement l’information sur la possibilité de recourir à la VAE. Actuellement, à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Le texte propose d’y inclure aussi des informations relatives à la VAE. Il entend également permettre aux salariés en contrat à durée déterminée (CDD) d’avoir les mêmes droits que ceux en contrat à durée indéterminée (CDI) en supprimant les conditions d’ancienneté pour le droit au congé de VAE et en alignant, dans ce cadre, les conditions de rémunération des personnes en CDD sur celles des personnes en CDI.

Développement des groupements d’employeurs

Le projet de loi envisage d’ouvrir aux groupements d’employeurs le bénéfice des aides à l’emploi au nom de leurs entreprises utilisatrices. Ces groupements, pour rappel, permettent à des entreprises de se regrouper pour employer une main-d’œuvre qu’elles n’auraient pas, seules, les moyens de recruter. D’après l’étude d’impact du projet de loi, cette mesure « vise à remédier à l’effet d’éviction au détriment des groupements d’employeurs. L’objectif est de sécuriser et de fidéliser les salariés au sein du groupement […], et le cas échéant de conduire in fine au recrutement pérenne de la personne par l’entreprise utilisatrice. » « Il ne s’agit pas de créer des dérogations, mais d’aménager l’attribution de l’aide en fonction du temps de présence du salarié dans l’entreprise utilisatrice », est-il ajouté.

Validité des accords collectifs

Le projet de loi propose de subordonner la validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles, au lieu d’au moins 30 % des suffrages exprimés. En l’absence de majorité, une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés pourraient demander l’organisation d’un référendum d’entreprise pour valider l’accord. Après une mise en œuvre pour les accords collectifs relatifs au temps de travail et au développement de l’emploi, le texte prévoit de généraliser ces nouvelles règles à tous les accords.

Par ailleurs, selon le projet de loi, les branches professionnelles pourront négocier des accords-types applicables unilatéralement par les employeurs d’entreprises de moins de 50 salariés. Dans les entreprises sans représentation syndicale, les employeurs pourront aussi négocier avec des salariés mandatés par un syndicat sur tout sujet pouvant faire l’objet d’un accord.

Autres mesures

Le texte gouvernemental apporte plus de souplesse aux entreprises pour adapter le temps de travail, de repos et de congés en tenant compte des variations de l’activité de l’entreprise. Dans ces domaines, les accords d’entreprise devraient pouvoir prévaloir sur les accords de branche.

A l’avenir, selon le projet de loi, un licenciement économique pourra être prononcé si l’entreprise est confrontée à quatre trimestres consécutifs de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, à deux trimestres consécutifs de pertes d’exploitation, à une importante dégradation de la trésorerie, ou encore en cas de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. De plus, les difficultés d’un groupe seront évaluées sur ses seules filiales françaises.

Le projet de loi réforme également la médecine du travail. La visite médicale à l’embauche devrait ainsi être limitée aux seuls emplois à risque.

Il affirme par ailleurs la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses à condition qu’elles n’entravent pas la liberté d’autrui et ne nuisent pas au bon fonctionnement de l’entreprise.

Notes

(1) Voir ASH n° 2952 du 18-03-16, p. 10.

(2) Voir ASH n° 2925 du 18-09-15, p. 9.

(3) Voir ASH n° 2945 du 29-01-16, p. 9.

(4) Voir ASH n° 2923 du 4-09-15, p. 44.

(5) Voir ASH n° 2907 du 24-04-15, p. 47.

(6) Voir ASH n° 2946 du 5-02-16, p. 49.

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