Quand nous avons vu que le congrès se tenait à un an de la présidentielle et des législatives, nous avons d’abord pensé à préparer une plate-forme en vue des élections avant de décider qu’il serait plus intéressant d’inverser la donne en disant « voilà quelle société on veut », de se positionner non pas en tant que citoyens demandeurs vis-à-vis des pouvoirs publics mais en tant que citoyens engagés, prêts à faire des choses sur le terrain pour améliorer la situation.
Nous allons privilégier une approche prospective : nous avons travaillé sur différents scénarios sur lesquels des experts – philosophes, sociologues, économistes… – vont venir débattre au cours du congrès. Notre objectif est de montrer ce qui risque d’arriver si l’on pousse à l’extrême chaque scénario. Par exemple, sur l’aspect gestionnaire, la professionnalisation du secteur sanitaire et social a été considérable et a apporté énormément ces 30 dernières années, mais on sent qu’elle atteint sa limite : est-ce que la gestion ne devient pas plus importante que les objectifs et les valeurs ? Est-ce que l’on n’est pas plus vigilant sur la préservation du système que sur la place des personnes ? L’analyse la plus optimiste serait de dire que, après être allé le plus loin possible dans la gestion, la rigueur budgétaire, la professionnalisation…, on garde ces acquis-là tout en revenant à l’esprit des pionniers, au dynamisme associatif, à la démocratie associative. Il y aura également au congrès de nombreuses agoras qui vont permettre de montrer ce que le secteur social et médico-social a déjà mis en place, ses expériences, ses innovations… Nous allons ainsi continuellement faire des allers et retours entre l’expertise prospective et le terrain à travers les innovations et les expériences mises en œuvre par nos adhérents, par les Uriopss, par de grandes associations, par des collectivités locales… Le troisième jour du congrès se tiendra lui en espace restreint, puisque l’on passera de 1 500 à 250/300 participants(1), et à partir de ce qui a été dit durant les deux premiers jours nous allons commencer à bâtir notre projet de société.
Nous allons pendant le congrès dessiner un objectif à atteindre, mais après il va falloir déterminer quels sont les moyens pour y arriver, quels coûts, quelle « supportabilité », un mot à la fois atroce et très explicite. Il faut trouver une voie qui ne fasse aucune concession sur l’ambition du projet, qui fasse une place à chacun. Parce qu’ils sont handicapés, ou âgés, ou d’origine étrangère, parce qu’ils vivent dans un quartier en difficulté, n’ont pas eu le cursus scolaire suffisant, etc., certains citoyens ont l’impression d’être, sinon exclus, au moins écartés. Le travail historique du secteur associatif est de faire en sorte que la société leur fasse une place. Pour cela nous préférons le terme d’« intégration » à celui d’« insertion » : l’intégration signifie « tout le monde se pousse et fait de la place », c’est systémique, avec l’insertion on a l’impression qu’il faut faire une greffe, pour qu’une branche reprenne.
Je peux entendre que l’Etat, les départements, aient des difficultés économiques, mais la problématique que l’on rencontre aujourd’hui, que ce soit dans l’Essonne, dans le Nord, et de façon plus générale, c’est que des décisions drastiques sont prises en haut lieu, sans concertation. Nous ne sommes pas dans une position défensive caricaturale : s’il y a des moments difficiles à passer, s’il doit y avoir des restrictions budgétaires, on peut l’entendre et évoluer, mais à condition que cela se fasse par le dialogue, que l’on participe à l’état des lieux, aux choix qui sont faits, et que l’on ait des perspectives de retrouver des marges de manœuvre une fois les efforts fournis.
(1) La journée du 1er avril rassemblera les administrateurs et salariés de l’Uniopss et des Uriopss ainsi que les administrateurs et salariés des sièges nationaux des adhérents nationaux.