En dépit d’une prise de conscience par l’Etat des conditions d’accueil dégradées des étrangers en préfecture, depuis 2012, « la Cimade ne constate pas de réelle amélioration » et s’inquiète au contraire « de difficultés de plus en plus importantes pour accéder à ce service public ». Dans un rapport(1) rendu public le 16 mars, l’association fait état de dysfonctionnements dans les différentes étapes de la procédure de demande de titre séjour, qui « restreignent voire interdisent l’accès aux préfectures des demandeurs, de plus en plus mis à distance de l’administration ». Selon les observations de l’association, « les multiples obstacles pour déposer et faire instruire cette demande étirent pendant des mois voire des années une procédure qui devrait théoriquement être terminée en moins de quatre mois ».
Malgré la circulaire prise par le ministère de l’Intérieur au début de 2014 sur la mission d’information des préfectures, l’accès aux droits est très souvent obéré par l’impossibilité d’être directement renseigné par un agent. Pendant que certaines préfectures ferment leur guichet de préaccueil, l’existence d’une interface Internet nationale « ne peut pas être exclusive d’autres sources d’informations », relève la Cimade, qui en outre critique le contenu de cette plate-forme.Pour l’usager, les difficultés s’accroissent au moment de déposer son dossier, comme en témoigne le phénomène des files d’attente nocturnes dans certaines préfectures : « Au lieu de développer les moyens alloués à l’accueil des personnes étrangères, des numerus clausus ont été instaurés, déterminant le nombre de personnes admises à pénétrer chaque jour dans la préfecture, les tickets étant distribués aux premiers arrivés. »
A cela s’ajoute la pratique croissante des accueils uniquement sur rendez-vous, « dans une optique de rationalisation de l’organisation des services » et des prises de rendez-vous en ligne. « Si la dématérialisation de diverses activités du service public apparaît comme une solution toute trouvée au manque de moyens humains, elle viole, lorsqu’elle devient exclusive de toute autre procédure alternative, l’égalité d’accès au service public de ses usagers », dénonce la Cimade. Partout où cette dématérialisation est adoptée, l’association constate que certains publics se trouvent dans l’incapacité de faire leurs démarches seuls : « Les exemples de préfectures renvoyant les personnes n’ayant pas accès à Internet vers la Cimade pour prendre un rendez-vous, sans concertation préalable, se multiplient », ce qui traduit selon elle « une déresponsabilisation des préfectures face à leur public étranger ».
Et lorsque le précieux rendez-vous est obtenu, « les délais d’attente constatés par la Cimade dépassent fréquemment les trois mois ». Ce qui, dans le cas d’une demande de renouvellement de titre, peut entraîner de lourdes conséquences : perte du droit au séjour, de travailler, à l’assurance maladie… L’association relate en outre la persistance de pratiques illégales consistant à exiger des pièces justificatives non prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). « Du côté de l’administration, la multiplication des refus d’enregistrement s’apparente parfois à une stratégie de gestion de l’afflux des demandes. » La Cimade relève aussi « des discriminations » selon la nature du titre de séjour concerné. Autre constat inquiétant : « Alors que légalement la préfecture devrait rendre sa décision dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande, dans la plupart des préfectures l’instruction s’étale sur une durée bien supérieure se comptant parfois en année(s). »
La Cimade, qui nuance à plusieurs reprises les constats d’amélioration dressés par l’inspection générale de l’administration, appelle le gouvernement à « faire preuve d’une volonté politique forte en faveur de l’égalité de toutes face au service public ». Elle formule plusieurs recommandations, dont le maintien systématique d’un guichet de pré-accueil, la suppression de la pratique des numerus clausus, le maintien de la possibilité d’accomplir les démarches sur place et le respect des dispositions du Ceseda pour l’enregistrement des demandes.
(1) A guichets fermés. Demandes de titres de séjour : les personnes étrangères mises à distance des préfectures – Disponible sur