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Crise migratoire : l’Union européenne et la Turquie scellent un accord controversé

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Le 18 mars, les 28 Etats membres de l’Union européenne (UE) et la Turquie sont parvenus à un accord pour tenter de limiter l’afflux de migrants vers la Grèce, où 46 000 personnes sont bloquées en raison de la fermeture de la route des Balkans. « Afin de démanteler le modèle économique des passeurs et d’offrir aux migrants une perspective autre que celle de risquer leur vie, l’UE et la Turquie ont décidé […] de mettre fin à la migration irrégulière de la Turquie vers l’UE », indique les services du Conseil européen dans un communiqué. Pour atteindre cet objectif, les deux parties sont convenues de plusieurs « points d’action complémentaires », pour certains délicats à mettre en œuvre.

Renvoi des migrants irréguliers vers la Turquie

L’accord prévoit de nouvelles conditions d’accueil censées s’appliquer depuis le 20 mars pour les personnes parties de Turquie et arrivées sur les îles grecques. En clair, toutes celles dont la situation aura été jugée irrégulière seront renvoyées en Turquie. Pour que le dispositif ne viole pas le droit international, Bruxelles assure que tous les migrants seront dûment enregistrés et que toute demande d’asile sera traitée individuellement par les autorités grecques. Ainsi, ce sont ceux qui ne déposeront pas de demande d’asile ou dont il sera établi que la demande est « infondée ou irrecevable » qui seront renvoyés. A noter : les coûts des opérations de retour seront pris en charge par l’UE.

Sur quelle base légale pourront s’opérer les renvois de demandeurs d’asile syriens, en particulier ? L’UE estime que les demandes pourront être qualifiées d’irrecevables et rejetées en procédure accélérée si le pays où le renvoi est envisagé – en l’occurrence, la Turquie – est considéré comme sans risque pour l’intéressé ou fournissant une protection suffisante. La Grèce devrait donc conférer à la Turquie le statut de « pays tiers sûr », au grand dam de nombreuses organisations non gouvernementales qui doutent de la capacité d’Ankara à garantir une protection conforme au droit international et européen. En France, s’exprimant le 22 mars devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le défenseur des droits a pour sa part estimé que la Turquie ne peut pas être considérée comme un pays sûrcar, pour l’être, « un Etat doit avoir ratifié […] la convention de Genève sans aucune limitation géographique, ce qui n’est pas le cas de la Turquie ». La Cour européenne des droits de l’Homme interdit en outre « de renvoyer une personne dans un pays, y compris considéré comme sûr, s’il y a un risque que ce dernier renvoie lui-même cette personne dans un autre pays qui serait risqué pour elle, celui de sa nationalité ou de sa résidence », a poursuivi Jacques Toubon.

Principe du « un pour un »

C’est l’autre grand point de l’accord. « Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie au départ des îles grecques, un autre Syrien sera réinstallé » de la Turquie vers un des 28 pays de l’UE « en tenant compte des critères de vulnérabilité des Nations unies », promet Bruxelles. « La priorité sera donnée aux migrants qui ne sont pas déjà entrés, ou n’ont pas tenté d’entrer, de manière irrégulière sur le territoire de l’UE. »

Les réinstallations prévues par ce mécanisme seront, dans un premier temps, mises en œuvre dans la limite des 160 000 personnes à relocaliser conformément aux engagements pris par les Etats membres à l’automne dernier(1). A ce jour, 18 000 places sont encore disponibles. Il sera ensuite répondu à tout nouveau besoin de réinstallation, toujours sur la base du volontariat, dans la limite de 54 000 personnes supplémentaires. Autrement dit, le mécanisme prévoit que l’Union européenne se répartisse au maximum 72 000 personnes en provenance de la Turquie. Si le nombre de retours « devait s’approcher » de ce plafond, le mécanisme « fera l’objet d’un réexamen », indique Bruxelles sans donner plus de précisions. En cas de dépassement, il sera « interrompu ».

Aides financières

La Turquie s’est par ailleurs engagée à « prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que de nouvelles routes de migration irrégulière, maritimes ou terrestres, ne s’ouvrent au départ de son territoire en direction de l’UE ». A cet effet, « elle coopérera avec les Etats voisins ainsi qu’avec l’UE ». « Une fois que les franchissements irréguliers entre la Turquie et l’UE prendront fin ou tout au moins que leur nombre aura été substantiellement et durablement réduit », un « programme d’admission humanitaire volontaire » sera activé. Les Etats membres de l’UE y contribueront sur une base volontaire.

Autre contrepartie pour Ankara : l’accord prévoit, entre autres, « l’accélération » de la « feuille de route sur la libéralisation du régime des visas » à l’égard de l’ensemble des Etats membres participant « afin que les obligations en matière de visa pour les citoyens turcs soient levées au plus tard à la fin du mois de juin 2016 ». La Turquie devra toutefois prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux 72 critères de référence requis.

L’UE s’engage encore à accélérer le versement des trois milliards d’euros précédemment promis à la Turquie pour améliorer les conditions de vie des réfugiés et financer « d’autres projets en faveur de personnes bénéficiant d’une protection temporaire que la Turquie aura rapidement contribué à identifier avant la fin mars ». « Une première liste de projets concrets en faveur des réfugiés, notamment en ce qui concerne la santé, l’éducation, les infrastructures, l’alimentation et autres frais de subsistance, qui peuvent être rapidement financés […], sera conjointement définie dans un délai d’une semaine », indique Bruxelles. « Une fois que ces ressources seront sur le point d’être intégralement utilisées », et à condition que la Turquie respecte certains engagements sur leur utilisation, l’UE mobilisera un financement additionnel, « de trois milliards d’euros supplémentaires jusqu’à la fin de 2018 ».

Signalons enfin que l’UE s’engage à collaborer avec la Turquie « dans le cadre de tout effort conjoint visant à améliorer les conditions humanitaires à l’intérieur de la Syrie, en particulier dans certaines zones proches de la frontière turque, ce qui permettrait à la population locale et aux réfugiés de vivre dans des zones plus sûres ».

Note

(1) Voir ASH n° 2926 du 25-09-15, p. 13.

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