Le divan du monde est une immersion dans le cabinet du Dr Georges Federmann, psychiatre libéral à Strasbourg. Diane, Gilbert, Karim et Claudine viennent lui confier leurs histoires de vie, leur tristesse, leur détresse. Ces gens qui vont mal, très mal, depuis des années, le consultent afin de trouver un refuge, une oreille attentive, mais aussi des médicaments. En fin de carrière, totalement désordonné et affublé de tee-shirts rigolos, Georges Federmann a en effet des pratiques atypiques, comme celle de laisser aux patients le soin de se prescrire leur propre ordonnance. Agréé par l’agence régionale de santé pour l’examen des étrangers malades, spécialisé dans les victimes de traumatismes psychiques à la suite de conflits militaires et civils(1), ce médecin peut faire preuve de cynisme, même si on le sent très concerné par ses patients, qu’il craint toujours de « perdre » – le passage à l’acte suicidaire semble être l’une de ses obsessions… Mais la principale originalité du Dr Federmann est d’avoir laissé trois caméras entrer dans son cabinet. Le projet du réalisateur Swen de Pauw va, en effet, à l’encontre de ce qui doit logiquement se passer entre les murs d’un cabinet médical : ici, les thérapies sont filmées et rendues publiques. Les patients présents dans le documentaire à visage et à identité découverts sont suivis par Georges Federmann depuis quinze, vingt, parfois vingt-cinq ans, et il a fallu plus de deux ans pour leur expliquer le projet du film et les convaincre d’y apparaître. Le spectateur se retrouve dans une situation de voyeur. Une sorte de « trahison de l’éthique », selon Georges Federmann lui-même, qui justifie cet acte au nom de la liberté : « On a voulu faire la démonstration que les malades mentaux étaient libres de prendre des décisions, et même de se tromper. »
Ces saynètes, successivement ou parfois simultanément comiques, tragiques ou tragicomiques, parviennent à capter l’attention, malgré quelques longueurs. Elles confèrent à ces patients trop souvent transparents aux yeux de la société une véritable présence.
(1) Dans le livre Le divan du monde (éd. Golias, mars 2016, 14 €), Georges Federmann s’interroge sur la place de la psychiatrie dans notre société et dans différentes cultures du monde.
Le divan du monde
Swen de Pauw – 1 h 35 – En salles