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La CC 66 a soufflé ses 50 bougies dans un climat d’inquiétude

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Tandis que l’« Association de préfiguration Fegapei-Syneas » planche sur son projet de nouveau cadre conventionnel, percuté par la réforme du code du travail à venir, trois organisations syndicales appelaient à la mobilisation à l’occasion de l’anniversaire de la convention collective du 15 mars 1966.

Après avoir déjà, en 2006, passé le cap de la quarantaine sur fond de désaccords entre partenaires sociaux, la convention collective nationale de travail du 15 mars 1966 (CC 66) aura aussi fêté son cinquantième anniversaire dans la contestation. « 50 ans, trop jeune pour mourir ! » a été le mot d’ordre de trois organisations syndicales – la Fédération nationale de l’action sociale (FNAS)-FO, la CGT Santé et action sociale et SUD Santé-sociaux –, qui appelaient à la mobilisation le 15 mars, également journée mondiale du travail social. Objet de leurs inquiétudes : le projet de la Fegapei et du Syneas(1), désormais réunis au sein d’une « association de préfiguration » avant leur fusion, prévue pour le 1er janvier 2017, de constituer un nouvel environnement conventionnel pour les quelque 300 000 salariés relevant de leur champ. Les organisations se félicitent que le mouvement ait pris : selon les premières remontées, il a réuni, selon Maya Vair-Piova, négociatrice pour l’Union fédérale de l’action sociale de la CGT, « 1 500 professionnels à Lille, 400 à Toulouse, plus de 500 à Bordeaux, 200 à Marseille, 350 à Paris », où les syndicats appelaient à manifester devant les locaux du Syneas, pendant qu’ils étaient reçus par les représentants des employeurs. « Nous les avons interpellés sur la dégradation des conditions de travail, de l’accompagnement et des valeurs », indique Maya Vair-Piova.

Contexte de crise

A l’automne 2014, les deux organisations d’employeurs avaient expliqué vouloir adapter l’environnement conventionnel de la CC 66 aux enjeux du secteur social et médico-social, notamment pour le rendre attractif et plus souple et poser les bases d’une convention collective unique de branche. Après l’échec des négociations de 2012, précédé de dix ans de réflexion non aboutie sur l’évolution de la convention collective, FO, la CGT et SUD sont vent debout et leur demandent d’abandonner leur projet. Alors que la CC 66 représente historiquement la construction de garanties collectives fortes et de l’identité du secteur de l’accompagnement des personnes en difficulté et handicapées, leur crainte est de voir les employeurs balayer ces acquis. Avec pour conséquence de « remettre en cause les métiers au profit de fonctions et de compétences », de « baisser et individualiser les salaires, en particulier en modifiant la progression à l’ancienneté » et d’« augmenter le temps de travail en supprimant les congés supplémentaires », redoutent-ils entre autres.

« Nous réaffirmons collectivement notre volonté de maintenir et d’améliorer la CC 66 et notre désaccord complet avec celle des employeurs de casser cet outil conventionnel », martèle Pascal Corbex, secrétaire général de la FNAS-FO. Depuis deux ans, « des avenants ont été signés, comme celui portant sur la classification et la rémunération des éducateurs de jeunes enfants, montrant qu’il est possible de faire évoluer la convention », abonde Xavier Guillot, secrétaire général de l’Union fédérale de l’action sociale de la CGT. Pour André Giral, secrétaire fédéral de SUD Santé-sociaux, la préoccupation est d’autant plus grande face aux difficultés budgétaires du secteur : « Nous allons assister dans les deux années à venir à une crise majeure qu’on avait peu connue jusqu’à aujourd’hui. Défendre la CC 66, c’est aussi défendre l’avenir du travail social. » Outre l’augmentation des salaires, notamment pour relever ceux au-dessous du SMIC, les trois organisations plaident pour une meilleure prise en compte de la pénibilité. Alors que la direction générale de la cohésion sociale a limité le taux d’évolution salariale à 1 % en 2016, ce qui revient à une nouvelle année blanche pour les professionnels, les dernières négociations paritaires ont achoppé sur la revalorisation de la valeur du point, l’ensemble des syndicats ayant refusé la proposition d’avenant des employeurs. « Passer à 3,78 € en fin d’année, contre 3,76 € actuellement, c’est se moquer des salariés, dont la perte de pouvoir d’achat est estimée à entre 28 % et 30 % depuis 1999 », commente Xavier Guillot.

Chiffrages à venir

« L’absence de politique salariale depuis trois ans » est un regret partagé par les employeurs, répond de son côté Dorothée Bedok, directrice des relations sociales de l’Association Fegapei-Syneas, arguant par ailleurs que les constats des syndicats sur les situations professionnelles « sont liés à l’environnement conventionnel actuel, preuve qu’il ne répond plus aux enjeux qu’ils identifient et que nous identifions aussi ». Et de préciser que les employeurs sont loin d’avoir finalisé leur projet. Les travaux avancent au sein d’un comité stratégique et d’un comité de pilotage et des consultations ont lieu en régions, explique Dorothée Bedok, ajoutant que les employeurs étudient un outil de chiffrage qui devra permettre d’évaluer le coût du prochain cadre conventionnel et de faire « des simulations au cours de l’évolution des hypothèses », notamment en matière de rémunérations. Alors que le Syneas et la Fegapei ont annoncé vouloir boucler le nouveau texte conventionnel à l’horizon 2017, ils doivent désormais compter avec le projet de loi « travail », qui devrait être adopté avant la trêve estivale. « Nous travaillons sur l’ensemble des chapitres de la convention, dans le contexte de la branche mais aussi de la réforme du code du travail que nous ne pouvons pas ne pas prendre en compte », indique Dorothée Bedok. En jeu notamment, la place accrue que le gouvernement souhaite attribuer aux accords d’entreprise, relève-t-elle, soulignant que l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES), dont font partie la Fegapei et le Syneas, a plaidé pour « verrouiller certains sujets dans la négociation de branche afin d’éviter qu’ils soient laissés au dialogue social local ». Dans le même temps, l’intersyndicale, qui demande aussi l’abandon du projet de loi, reproche à l’UDES ses positions sur le forfait jours… Autre sujet que les employeurs ne pourront pas contourner dans la construction de leur projet de texte conventionnel : la reconnaissance des diplômes actuellement de niveau III au grade licence.

Au final, « nous n’entrerons pas en négociation avant septembre », précise Dorothée Bedok, selon qui aucun calendrier ni méthode de négociation ne sont encore arrêtés. Si les employeurs ont pu l’évoquer parmi les outils existants, « la dénonciation n’est pas le sujet », assure-t-elle. Sans donner d’éléments sur le fond, la directrice des relations sociales assure que les représentants des employeurs ne « veulent pas diminuer l’enveloppe salariale » du champ conventionnel, mais « faire valoir l’intérêt du secteur » et rechercher les « meilleures conditions possibles, satisfaisantes pour les employeurs et les salariés », pour permettre aux établissements et services du secteur de remplir leurs missions. Il s’agit de « recréer un équilibre général », indique-t-elle, soulignant que « rien n’existera sans signature d’accord ». Dans cette perspective, « il est de la responsabilité des partenaires sociaux de se mettre autour de la table », tranche-t-elle.

Quid de la convention unique ?

Et pour l’heure, difficile de savoir qui y sera vraiment, la CFDT Santé-sociaux continuant de faire de la construction de la convention collective unique de branche sa priorité. « Depuis l’échec des dernières négociations, nous avons un mandat pour ne plus négocier la question des classifications dans le cadre de la CC 66, rappelle Bertrand Laisné, secrétaire fédéral de la CFDT Santé-sociaux. Il est nécessaire d’apporter des améliorations sur les salaires, les déroulements de carrière, les congés, mais dans le cadre d’un texte de branche. Nous attendons toujours un geste fort de l’Unifed [Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif]. En attendant, il y a plusieurs sujets pour faire vivre la CC 66, dont l’intégration des nouveaux métiers. Il faut clarifier le statut des assistants familiaux, des mandataires judiciaires, des délégués aux prestations familiales… » Le 15 mars, la CFDT Santé-sociaux appelait tous les professionnels du secteur social et médico-social – relevant des conventions collectives de la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale et de la branche de l’aide à domicile – à se mobiliser pour revendiquer « des moyens pour la santé et le social ». La fédération estime urgent « d’inverser le discours, tenu par les pouvoirs publics et repris par les employeurs, du coût du social et de la santé ».

Notes

(1) Respectivement Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles et Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale.

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