Au moment des attentats de janvier 2015, le travail social s’est trouvé interrogé sur son rôle dans le « vivre ensemble ». Si nous avons fait le choix de ne pas nous inscrire dans la lutte contre la radicalisation – notamment parce que la prise en charge éducative participe déjà d’une sécurité des liens –, il nous a paru essentiel de proposer à nos adhérents un « outillage formatif » sur la laïcité et la gestion des faits religieux, qui questionnent la posture éducative. L’émergence de cette préoccupation, qui renvoie à la fois aux droits des usagers, à la liberté de culte, dont la laïcité est le corollaire, et au fonctionnement de l’institution, ne doit pas être un obstacle à l’action éducative. En Ile-de-France, comme dans quelques autres régions, les administrateurs d’Unifaf ont pris la décision de proposer des actions de formation financées sur les fonds mutualisés, à destination d’une part des travailleurs sociaux du secteur socio-éducatif et médico-social, d’autre part des chefs de service et équipes de direction. Après un appel à projets, nous avons lancé cette action avec Faïza Guélamine, responsable de formation à l’Association nationale des cadres du social (Andesi). Après la première vague de sessions, nous avons souhaité par cette conférence restituer les enseignements à tirer de cette initiative et partager avec nos adhérents sur ce sujet.
Malgré l’existence d’un cadre juridique, de références(1), les professionnels manquent de supports, de mise en débat pour se les approprier. Ils ont besoin sans doute de clarifier de nombreux concepts, mais surtout de lieux d’échanges pour « faire équipe » autour de la question de l’altérité, ce qui ne peut se réduire au fait de poser des interdictions et de se retrancher derrière des règles. Les témoignages montrent que les équipes de direction doivent prendre en compte ce besoin d’information et de formation et que les chartes ou règlements intérieurs doivent découler d’une réflexion collective, si possible en y associant les publics. A la différence d’autres sujets, la gestion des faits religieux n’est pas une thématique qui s’impose, elle a besoin de cheminer. Outre les exigences émanant parfois des usagers ou des intervenants, beaucoup de questions relèvent de la gestion des ressources humaines. Une question a été posée : le temps de prière fait-il partie du temps de travail ? Lors de la conférence, l’attention a également été attirée sur le fait que l’expression religieuse ne concerne pas seulement l’islam, mais les trois religions monothéistes.
Ceux de la loi 2002-2 ont montré leur utilité, notamment le règlement intérieur, dont l’élaboration peut ne pas être anodine dans un secteur dont les institutions sont, rappelons-le, historiquement souvent issues d’organisations chrétiennes. Les outils habituels du travail social, comme l’analyse des pratiques, permettent également un retour sur, par exemple, l’intolérance face au fait « de ne pas croire » vécue par des éducateurs dont l’origine induit une pratique religieuse et qui, si celle-ci fait défaut, sont accusés de « déloyauté ». Ils ont alors un rôle à assumer dans l’apprentissage de la liberté de conscience, pour remplacer le « je crois donc je suis » parfois véhiculé par un « je pense donc je suis ». Et nous revoilà sur les fondamentaux de toute démarche éducative et clinique. Au-delà, il est vrai que l’écoute, la neutralité, le rapport à l’altérité et la bonne distance font partie de la posture éducative. Malgré des zones d’ombre à investiguer, dont par exemple la question des familles d’accueil ayant une pratique religieuse, les choses avancent sur la capacité des établissements et services à s’emparer du sujet dans un cadre partagé.
(1) Notamment le guide « Laïcité et gestion du fait religieux dans les structures socio-éducatives » (voir ASH n° 2854 du 4-04-14, p. 15) et l’avis du CSTS intitulé « La laïcité, un principe fondamental pour le travail social » (voir ASH n° 2938 du 18-12-15, p. 11).