Deux ans après la promulgation de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle(1), un rapport dresse un bilan « satisfaisant » de sa mise en œuvre. Présenté le 9 mars par les députés Jean-Patrick Gille (PS) et Gérard Cherpion (LR) en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale(2), le rapport constate que la réforme est effective, la plupart des textes d’application ayant été publiés(3). Il formule toutefois toute une série de préconisations pour améliorer le dispositif de formation, synthétisées en 11 propositions.
Le rapport se penche notamment sur le financement de la formation professionnelle. Il rappelle que la loi a supprimé l’obligation fiscale de financement au titre du plan de formation(4) et a instauré une nouvelle dépense obligatoire unique, mutualisée et qui bénéficie davantage aux très petites entreprises. Selon les rapporteurs, ce passage d’une obligation fiscale à une obligation sociale « vise à responsabiliser les entreprises et à garantir la qualification des salariés et des demandeurs d’emploi ». Toujours dans une logique incitative, ils invitent à aller plus loin et proposent de réfléchir à un mécanisme de déduction fiscale à destination des entreprises, voire des particuliers, en contrepartie d’investissements supplémentaires en formation.
Si les rapporteurs reconnaissent l’efficacité et la réactivité du travail mené par les différentes institutions en charge de la mise en place du compte personnel de formation (CPF) – nouveau moyen d’accès à la formation qui remplace le droit individuel à la formation depuis le 1er janvier 2015 (5) –, ils déplorent la faiblesse de la communication sur ce dispositif. Ils proposent donc d’engager « une véritable campagne de communication audiovisuelle » rappelant à tout salarié d’ouvrir son compte.
De plus, l’appropriation du CPF dépend de la capacité de son titulaire à identifier les formations éligibles et à définir un parcours de qualification individualisé, note le rapport. Or le système actuel d’éligibilité à une formation est « unanimement reconnu comme trop complexe et rigide. Ainsi, deux titulaires d’un CPF n’ont pas accès aux mêmes formations s’ils relèvent de deux régions ou de deux branches [professionnelles] différentes », regrette Jean-Patrick Gille. Les listes de formations pourraient, selon les deux députés, apparaître en un document unique sur le compte des utilisateurs, que la formation ait été inscrite par le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation, la branche professionnelle ou la région concernée. Une fois les listes fusionnées, l’accessibilité aux formations devrait également être facilitée par des outils numériques enrichis permettant d’identifier facilement le lieu, le contenu et la durée de la formation.
Par ailleurs, les rapporteurs suggèrent que le CPF puisse être mobilisé pour un bilan de compétences.
Afin de faciliter le recours au conseil en évolution professionnelle (CEP), le rapport propose de favoriser l’émergence d’une culture commune aux professionnels le dispensant, en clarifiant son articulation avec le service public régional de l’orientation et en aménageant un conseil à distance. Une partie des crédits du « plan 500 000 formations » supplémentaires pour les chômeurs, annoncé le 18 janvier dernier par le président de la République(6), pourrait par ailleurs être consacrée au déploiement du CEP, dès lors que ce dernier en conditionne la réussite.
Sans méconnaître les bienfaits d’un système unique, les deux députés estiment nécessaire de conserver deux voies d’alternance : la voie académique et celle du contrat de professionnalisation. En effet, selon eux, « l’apprentissage prodigue un savoir-faire mais également un savoir et un savoir-être qui sont autant de prérequis pour être un travailleur efficace ». La tentation d’exclure l’Education nationale de la définition des programmes de l’action de formation ne leur semble pas opportune.
En revanche, les rapporteurs sont favorables à une refonte de la grille de rémunération des apprentis, pour tenir davantage compte du cursus et effacer le facteur de l’âge dans la rémunération.
Au terme de leurs travaux, et dans une dimension plus prospective, les rapporteurs invitent le législateur à identifier les principes fondamentaux qui régissent la formation professionnelle et l’apprentissage. Principes qui pourraient servir de prolégomènes à l’élaboration d’un code autonome de la formation professionnelle.
(2) Disponible sur
(3) L’annexe 2 du rapport précise l’état des lieux de la parution des textes d’application.
(4) L’obligation fiscale de financement au titre du plan de formation s’accompagnait d’un système de dépenses libératoires qui permettait aux entreprises de réduire ou de se libérer totalement de leur obligation en finançant directement des actions de formation au profit de leurs salariés.