La loi du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France et la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ont instauré, en faveur des victimes d’infractions, un droit à la traduction et à l’assistance d’un interprète(1) ainsi qu’à une évaluation personnalisée en vue de définir les mesures de protection dont elles peuvent avoir besoin en cours de procédure pénale(2). Un décret précise aujourd’hui les modalités de mise en œuvre de ces droits qui s’appliquent depuis le 29 février(3).
L’évaluation personnalisée a pour objet de déterminer si des mesures de protection spécifiques doivent être mises en œuvre au cours de la procédure pénale. Effectuée lors de l’audition de la victime par l’officier ou l’agent de police judiciaire, cette évaluation doit se fonder sur un certain nombre d’éléments parmi lesquels :
→ l’importance du préjudice subi par la victime ;
→ les circonstances de la commission de l’infraction résultant notamment d’une motivation discriminatoire, raciste, ethnique, religieuse, ou des liens existant entre la victime et la personne mise en cause ;
→ la vulnérabilité particulière de la victime, résultant notamment de son âge, d’une grossesse ou de l’existence d’un handicap ;
→ l’existence d’un risque d’intimidation ou de représailles.
Dans ce cadre, une ou plusieurs des mesures de protection spécifiques suivantes peuvent être décidées, à savoir :
→ l’organisation de chaque audition de la victime dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation ;
→ lorsqu’il s’agit de violences sexuelles, l’audition de la victime par des enquêteurs spécialement formés à ces infractions ou avec l’aide d’enquêteurs ayant reçu cette formation ;
→ à chaque entrevue avec la victime, l’audition par les mêmes enquêteurs.
Si l’enquête l’exige, l’officier ou l’agent de police judiciaire qui auditionne la victime doit, dès que possible, recueillir la plainte de la victime et procéder à d’autres auditions de la victime ainsi qu’aux examens médicaux. En cas de violences sexuelles, de violences fondées sur le genre ou de violences domestiques, la victime doit être entendue par un enquêteur du même sexe si elle en fait la demande. Toutefois, précise le décret, ce ne pourra pas être le cas si cette demande fait obstacle au bon déroulement de l’enquête, notamment lorsqu’il est nécessaire de procéder en urgence à l’audition de la victime.
L’agent ou l’officier de police judiciaire doit transmettre toutes les informations ainsi recueillies au procureur de la République ou au juge d’instruction, qui peuvent décider, le cas échéant, d’une évaluation approfondie de la victime. Celle-ci sera confiée à une association d’aide aux victimes ou au bureau d’aide aux victimes et pourra être actualisée au cours de la procédure. En pratique, elle concernera les victimes les plus vulnérables ayant besoin d’une prise en charge psychologique.
Le décret souligne enfin que la procédure applicable aux infractions sexuelles pour la protection des mineurs s’applique même en cas d’incertitude sur l’âge de la victime, lorsqu’il existe des raisons de croire qu’elle est mineure.
Les victimes d’infractions ont également un droit à l’assistance d’un interprète lors de leur audition ainsi qu’à la traduction des informations indispensables à l’exercice de leurs droits, notamment du récépissé de dépôt de plainte. S’agissant du droit à la traduction, le procureur de la République, la juridiction d’instruction ou la juridiction de jugement peuvent d’office ou à la demande de la partie civile ordonner la traduction des pièces de procédure ou d’une partie de ces pièces considérées comme essentielles(4). En outre, si la partie civile le demande, doivent être traduites les décisions de classement sans suite, les ordonnances de non-lieu ainsi que les décisions de condamnation, de relaxe et d’acquittement. Dans tous les cas, indique le décret, la traduction doit intervenir dans un « délai raisonnable » qui permette l’exercice des droits de la partie civile et tienne compte du nombre et de la complexité des documents à traduire, et de la langue dans laquelle ils doivent être traduits.
(1) Voir en dernier lieu ASH n° 2838 du 20-12-13, p. 49.
(2) Voir en dernier lieu ASH n° 2919-2920 du 17-07-15, p. 20.
(3) C’est-à-dire le lendemain de la publication du décret au Journal officiel.
(4) Les passages pertinents de ces documents sont déterminés, selon le stade de la procédure, par le procureur de la République, le juge d’instruction ou la juridiction de jugement saisie.