Saisi par plus de 60 sénateurs, le Conseil constitutionnel s’est prononcé, le 3 mars, sur la loi relative au droit des étrangers en France, adoptée par le Parlement le 18 février dernier(1). Les parlementaires contestaient deux dispositions : l’une visant à élargir l’accès au service civique à certains étrangers, l’autre supprimant l’assignation à résidence sous surveillance électronique. Les sages ont censuré la première et validé la seconde.
La Haute Juridiction a jugé contraire à la Constitution le paragraphe VII de l’article 20 de la loi, qui visait à élargir l’accès au service civique des étrangers en situation régulière sur le territoire français.
Actuellement, le service civique est ouvert à certains d’entre eux, en situation régulière depuis plus de un an (titulaires d’une carte de séjour « vie privée et familiale » ou d’une carte autorisant l’exercice d’une activité professionnelle notamment). Le texte, tel qu’il a été adopté définitivement par les parlementaires, permettait, en premier lieu, d’ouvrir l’accès au dispositif aux étudiants étrangers lorsque ceux-ci, au terme d’une année de séjour régulier en France, se voyaient délivrer un titre de séjour pluriannuel. Une manière de concrétiser une des mesures phares du plan national de vie étudiante visant à favoriser l’engagement des étudiants. Plus largement, il prévoyait que les ressortissants de pays tiers, qui, ayant séjourné au moins un an de manière régulière en France etfait la preuve de leur intégration, obtenaient une carte de séjour pluriannuelle dite générale, pouvaient effectuer un service civique. Le texte ouvrait par ailleurs le service civique aux titulaires du nouveau « passeport talents » ainsi qu’aux membres de leur famille, au terme là aussi de un an de séjour régulier en France. Enfin, il supprimait, pour les réfugiés titulaires d’une carte de résident, la condition préalable de résidence régulière de un an pour pouvoir accéder au dispositif.
Problème : le paragraphe contesté a été introduit par amendement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale sans être en relation directe avec une disposition restant en discussion. Il n’était pas non plus destiné à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle. D’où la censure des sages pour procédure contraire à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a en revanche jugé qu’avait été adopté selon une procédure conforme à la Constitution le paragraphe II de l’article 40 de la loi, qui abroge l’article L. 552-4-1 et le chapitre II du titre VI du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Des dispositions, créées par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, qui permettaient, à titre exceptionnel, parce qu’il est parent d’un enfant mineur résidant en France, l’assignation à résidence sous surveillance électronique d’un clandestin ne pouvant quitter immédiatement le territoire français et ne remplissant pas, en principe, les conditions pour pouvoir être assigné à résidence(2). Ce dispositif n’a jamais été appliqué, ont fait valoir ses détracteurs en cours de lecture parlementaire(3).
Les sénateurs estimaient que cette abrogation, introduite en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ne présentait pas de lien direct avec les dispositions en cours de discussion(3). Les sages en ont jugé autrement.
(2) Conditions posées par l’article L. 561-2 du Ceseda, qui vise l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à cette obligation.
(3) Pour sa part, le rapporteur de la loi au Sénat, François-Noël Rebuffet, s’est étonné de l’abrogation d’une disposition « plutôt protectrice pour les étrangers concernés » puisqu’elle prévoyait « un cas dérogatoire d’assignation à résidence pour les parents d’enfants mineurs ne disposant pas des garanties de représentation, permettant ainsi de ne pas les placer en rétention » (Rap. Sén. n° 392, février 2016, Buffet, page 17).