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Gilles Pain

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Il a fallu à Gilles Pain toute une carrière pour parvenir à ce constat : « Je suis en colère contre notre système qui considère que l’individu est le problème et qu’il faudrait le “soigner”, le normaliser, alors qu’il faut plutôt lui apprendre à vivre des expériences émotionnelles et à communiquer différemment pour trouver lui-même ses propres solutions. » Embarqué dans l’éducatif sans le vouloir, celui qui dirige aujourd’hui l’ISEMA (Internat socio-éducatif médicalisé pour adolescents) d’Illiers-Combray (Eure-et-Loir)(1) a débuté dans le médico-social en 1977, à l’âge de 20 ans, sans diplôme, à l’époque de la désinstitutionnalisation des malades psychiques. « Toute la première partie de mon parcours a été centrée sur l’accompagnement des adultes sortant de psychiatrie », raconte-t-il.

Des outils pour travailler différemment

Très vite, l’apprenti éduc observe du côté des équipes des fonctionnements qui le heurtent. « J’ai réalisé que la recherche de solutions pour une situation donnée n’était que le résultat de jeux d’influence, et donc de pouvoir. » Plutôt que de rejeter en bloc le système, Gilles Pain se tourne vers la formation, à la recherche d’outils qui pourraient lui permettre de travailler différemment. Un diplôme d’éducateur spécialisé en 1991, puis un bref passage sur les bancs de l’université en sciences de l’éducation, avant la découverte des enseignements de l’école de Palo Alto, qu’il suit sur son temps libre à l’institut Gregory-Bateson de Liège, en Belgique, entre 1997 et 2005(2)… « J’ai découvert les travaux de cet anthropologue et j’ai compris qu’on pouvait regarder les situations non pas à travers les individus, mais à travers leurs interactions. » Une vision qui change tout. « On ne cherche alors plus à changer la personne, on ne va pas chercher dans son passé des explications qui relèvent forcément de l’interprétation, mais on change la façon dont elle vit ses relations avec les autres », commente-t-il.

Avec cette nouvelle façon de voir l’accompagnement social, Gilles Pain, désormais psychothérapeute en thérapie brève systémique et stratégique, passe de l’univers du handicap psychique à celui du handicap physique, en entrant à l’Association des paralysés de France.Il devient chef de service, puis directeur adjoint. Il envisage un temps de passer le Cafdes (certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale). « Je suis allé aux épreuves d’admission, je me suis assis dans la salle, j’ai regardé les autres, puis je suis reparti. Ce n’était pas la voie que je voulais prendre. » Il quitte ses fonctions en 2007. « Marre de l’administratif, du code du travail, des budgets… Ma force à moi, c’est d’être un clinicien. »

Un homme de convictions

Jeune quinquagénaire, il prend un poste de conseiller technique auprès de l’ADSEA 28 (Association départementale pour la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence d’Eure-et-Loir) et abandonne la région parisienne pour les confins de la Beauce et du Perche. « Ce qui le distingue, c’est quelque chose de l’ordre de ses convictions, de son besoin d’engendrer des effets concrets, observe Bernard Lemaignan, ancien directeur général de l’association. Cela peut dérouter des équipes plus habituées à l’élaboration, à la prise de distance, mais il a une haute idée du travail social. »

En 2009, toujours au sein de l’ADSEA, Gilles Pain embraye à la tête de l’ISEMA (qui accueille 12 jeunes de 12 à 18 ans) et devient directeur. « Je ne suis pas là pour donner des directives, mais une direction, estime-t-il. Je veux donner des outils, une manière de faire qui génère de l’adhésion. » Pour cela, Gilles Pain embauche des jeunes « non formatés » et œuvre pour que les 27 professionnels se forment à l’école de Palo Alto. Ainsi, il peut enfin utiliser pleinement les compétences acquises au cours de sa propre formation, mettre en place les entretiens filmés qui sont le cœur de cette approche et emmener toute une équipe dans son projet. « Parce qu’il s’agit d’aider des personnes en difficulté, des adolescents qualifiés d’“incasables”, un concept totalement construit par les professionnels, s’agace-t-il(3). Avec ce poste, la boucle est bouclée par rapport à ma colère. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2764 du 15-06-12, p. 36, et n° 2874 du 12-09-14, p. 15.

(2) www.igb-mri.com.

(3) Voir les ASH n° 2950 du 4-03-16, p. 20.

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