Le flou de la définition de la coordination a partie liée avec l’adaptabilité de la fonction – ce qui est aussi la raison du succès que celle-ci remporte dans les institutions. Pour éviter, néanmoins, que ce « flou nécessaire se transforme en confusion, qui conduirait à l’émergence ou au développement d’une fonction coordination “fourre-tout” », le pôle ressources recherche formation en action sociale (Prefas) Nord-Pas-de-Calais a réalisé, en 2014, une étude qualitative visant à donner de la lisibilité aux activités des coordinateurs du secteur social et médico-social(1). Dix directeurs d’institution et vingt-cinq coordinateurs en exercice ont été interviewés, majoritairement des coordinateurs d’équipe(2).
Parmi les principales caractéristiques de ces derniers, c’est d’abord une image de « manager de proximité » qui se dégage. « Je dirais que la coordinatrice a une fonction d’interface organisationnelle du travail éducatif entre la directrice de la structure et l’équipe éducative », explique une éducatrice spécialisée, coordinatrice dans un foyer de jeunes travailleurs. « C’est une fonction de proximité qui permet d’avoir une vision claire de l’organisation de l’activité au quotidien, au plus près des besoins de la structure et des jeunes accueillis », complète-t-elle. « J’ai un rôle de management d’équipe, je fais l’interface entre la hiérarchie et les agents et j’assume une partie des fonctions du chef de service éducatif », ajoute une consœur, coordinatrice dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale. « Les coordinateurs se retrouvent donc à assumer pleinement les responsabilités dévolues à l’encadrement, sans disposer des attributs du statut de cadre », font observer les auteurs de l’étude.
Cela n’est pas sans poser question, notamment en termes de légitimité et d’identité professionnelle, d’autant que souvent, les délégations confiées aux intéressés ne sont pas clairement définies. « Je fais tout ce que le chef de service ne peut pas faire », déclare un coordinateur – « le sale boulot », précise-t-il à mi-voix. En tout état de cause, un autre coordinateur se disant « garant de l’organisation du service, parfois des horaires des agents et de la gestion des congés » reconnaît que « cette délégation est implicite ». A l’instar de ce professionnel, qui est une « personne ressource auprès des membres de l’équipe », l’appui technique que procurent les coordinateurs à leurs collègues est un autre élément saillant de leur fonction. « Quand j’ai commencé ma carrière, c’était l’éducateur chef » qui avait ce rôle, développe un coordinateur en maison d’enfants à caractère social. « Les équipes ont besoin de cette écoute et de ce soutien d’un des leurs qui connaît bien les difficultés du travail, […], je suis un peu le frère aîné dans une famille. »
Chefs d’orchestre capables d’interpréter eux-mêmes plusieurs éléments de la partition, « les coordinateurs sont avant tout des facilitateurs, des médiateurs qui mettent de l’huile dans les rouages », concluent les chercheurs. « En tant que figure récente dans le groupe professionnel des travailleurs sociaux, ils se situent dans les interstices produits par les évolutions de notre secteur et des fonctionnements institutionnels. »
(1) Cette étude sur « La fonction de coordination dans le travail social : une fonction assumée à clarifier ou l’émergence d’un nouveau métier », rendue publique le 8 décembre dernier, a été réalisée par des représentants des six centres de formation de la région – Disponible sur
(2) L’étude s’est aussi intéressée aux coordinateurs de dispositifs d’action sociale sur un territoire (comme un centre local d’information et de coordination gérontologique), mais nous centrons ici exclusivement notre propos sur les coordinateurs d’équipe.