L’Etat et les conseils départementaux se dirigent-ils vers une sortie de crise sur le financement du RSA (revenu de solidarité active) ? L’Assemblée des départements de France (ADF) a, le 1er mars en assemblée générale extraordinaire, voté « à l’unanimité moins une voix le soutien à un mandat de négociation avec le gouvernement », à la suite des principes posés le 25 février par Matignon, lors d’une rencontre avec une délégation conduite par le président de l’ADF, Dominique Bussereau (LR, Charente-Maritime), pour organiser la recentralisation du financement de l’allocation(1). Les annonces du Premier ministre, qui a exprimé sa volonté de parvenir à « un accord équilibré », avaient d’emblée reçu un accueil favorable de l’association d’élus, jugeant qu’elles répondaient, « sur le principe, à [sa] demande réitérée ». Parmi les points d’accord : le financement du RSA par un prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) des départements, sans toucher à leurs recettes dynamiques [DMTO et CVAE], en tenant compte de leur situation, mais aussi de l’efficacité de leurs politiques d’insertion, le principe de la clause d’un retour à « meilleure fortune », selon lequel les départements qui enregistreront une baisse de leur nombre d’allocataires du RSA verront leurs prélèvements diminuer d’autant, ainsi que le principe d’une nouvelle aide d’urgence pour les départements les plus en difficulté pour leur exercice budgétaire 2016.
Reste que, pour l’ADF, « des points cruciaux doivent être négociés » dans un délai contraint, sachant que le gouvernement envisage une décision avant la fin du premier trimestre 2016, pour une mise en place du dispositif au 1er janvier 2017. Chargé de conduire la délégation de l’association dans les négociations, le centriste Alain Lambert, président du conseil départemental de l’Orne et ancien ministre du Budget, aura pour premier mandat de « veiller à ce que la prise en charge du financement du RSA par l’Etat ait 2014 [et non 2016 comme proposé par le gouvernement] pour année de référence », soit, pour les départements, la dernière où ils ont globalement pu assumer le financement du RSA. Egalement au cœur de la discussion à venir : le montant du nouveau fonds d’urgence qui permettra de soulager les départements en peine pour assurer le versement de l’allocation en 2016 – soit une quarantaine aujourd’hui. Alors que 50 millions d’euros avaient été accordés à la fin 2015 à dix départements en situation critique, l’ADF estime que le montant de la nouvelle aide devrait être au moins quatre fois supérieur. L’association se fonde sur une augmentation des dépenses de 9 à 10 % par an en moyenne, avec un reste à charge avoisinant les 4 milliards d’euros en 2015, sur un total de près de dix milliards d’euros.
Le montant de la ponction de la dotation globale de fonctionnement ou encore la définition des mécanismes d’incitation financière pour encourager les départements à renforcer leurs dispositifs d’insertion font partie des autres sujets à préciser. Après son assemblée générale extraordinaire, l’ADF a également fait savoir qu’elle tenait à ce que « la contribution collective demandée aux départements tienne compte des situations spécifiques de chacun d’entre eux ». En décembre dernier, le groupe de gauche de l’association (33 présidents de conseils départementaux) avait souligné souhaiter un accord qui repose « sur la solidarité nationale pour ne pas représenter un coût plus élevé pour les contribuables d’un département, selon les ressources fiscales ou la situation de l’emploi de celui-ci ». Les modalités d’application du dispositif « ne peuvent pas avoir pour conséquence de figer les inégalités territoriales », a averti Stéphane Troussel, président (PS) du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
Dans ce contexte tendu, le président du conseil départemental du Bas-Rhin, qui est aussi celui de la commission « solidarité et affaires sociales » de l’ADF, Frédéric Bierry (LR), a exprimé une voix discordante. A ses yeux, la recentralisation du financement du RSA « ne peut en aucun cas constituer une réponse acceptable », cette solution ne pouvant pas permettre, selon lui, d’accroître « l’efficacité de l’action publique », de mettre un terme aux difficultés financières des départements, ou de répondre « aux enjeux humains et de société auxquels il est urgent d’apporter des solutions ». Et d’appeler à ouvrir « rapidement le chantier permettant de passer du système dépassé des allocations » à celui du « tremplin vers l’emploi et du contrat d’engagement civique ». Ce dernier dispositif devant, tel qu’il souhaite le mettre en œuvre dans son département, s’adresser, sur la base du volontariat, aux personnes ayant, en raison d’incapacités physiques ou de leur parcours, peu de perspectives d’embauche. Objectif : « contribuer à leur donner un place dans la société », explique-t-on au cabinet de Frédéric Bierry. Pour les autres, le département a renforcé son « équipe emploi » pour, notamment, démarcher les entreprises, mais a aussi musclé sa politique de contrôle…
Pour sa part, le conseil départemental du Haut-Rhin promeut clairement une logique qui fait primer un système de contrepartie à l’allocation. Son président, Eric Straumann (LR), a précisé le 27 février les contours de son expérimentation visant à conditionner le versement du RSA à sept heures hebdomaires de bénévolat(1), soulignant que l’allocataire aurait « la liberté de choisir son association et son activité ». Pas de quoi atténuer la polémique soulevée par cette initiative, même si le président du conseil départemental a reconnu que, en application du principe selon lequel « celui qui paie décide », cette décision deviendrait caduque en cas de renationalisation du financement de l’allocation.
(2) Faisaient partie de la délégation Benoît Huré, président du groupe de la droite, du centre et des indépendants (LR, Ardennes), André Viola, secrétaire général de l’ADF et président du groupe de gauche (PS, Aude), Mathieu Klein (PS, Meurthe-et-Moselle), Jean-René Lecerf (LR, Nord) et Maurice Leroy (UDI, Loir-et-Cher).