Quatre jours après avoir reçu l’aval de la justice, l’Etat a entamé, le 29 février, sous haute protection policière, le démantèlement de la zone sud de la « jungle » de Calais (Pas-de-Calais), où vivaient jusque-là dans des conditions très précaires 800 à 1 000 migrants selon la préfecture (3 450 selon les associations). Le 25 février, le tribunal administratif de Lille (Nord) a en effet validé l’arrêté préfectoral ordonnant l’évacuation partielle du campement, à l’exception cependant des « lieux de vie » qui y sont installés. Il a ainsi rejeté le recours en référé de plusieurs occupants et associations – dont le Secours catholique ou le GISTI – demandant l’annulation de cet arrêté d’expulsion, qui devait initialement être exécuté au plus tard le 23 février à 20 heures.
Dans sa décision, la juge des référés justifie l’arrêté d’expulsion des migrants par des raisons « d’ordre public », de sécurité et d’insalubrité, étant donné que la partie sud du campement « se caractérise par la présence, pour l’essentiel, d’un habitat à la fois dense et diffus constitué d’abris précaires réalisés avec des matériaux divers et de tentes ». Mais il y a aussi, relève la magistrate, des « installations plus pérennes destinées à des services de nature sociale, culturelle, cultuelle, médicale ou juridique et à l’accompagnement des populations les plus fragiles ». Pour ces « lieux de vie », le tribunal a en revanche suspendu l’application de l’arrêté préfectoral. La zone « nord » du campement « comporte, quant à elle, un centre d’accueil provisoire (CAP), espace clos et sécurisé dans lequel sont implantés 125 conteneurs […], soit une capacité d’hébergement de nuit de 1 500 places, dont 300 sont actuellement disponibles », offrant donc des « possibilités de relogement », relève l’ordonnance de référé. La juge observe aussi que « l’Etat s’est engagé, en tout état de cause, à procéder à une évacuation progressive ».
Dès le lendemain de la décision du tribunal de Lille, le ministre de l’Intérieur – à qui huit organisations avaient fait part, une semaine plus tôt, de leurs vives inquiétudes concernant les conditions de ce démantèlement(1) – réunissait pour la première fois, avec la ministre du Logement et de l’Habitat durable, Emmanuelle Cosse, le comité de suivi du plan de mise à l’abri des migrants de Calais, auquel étaient invitées à participer les associations intervenant sur la lande. Objectif : « détailler les mesures prévues et associer à leur mise en œuvre les acteurs qui travaillent au quotidien auprès des migrants ». Pour le gouvernement, « les moyens déployés visent à répondre à l’enjeu humanitaire en proposant à tous les migrants un hébergement en centre d’accueil et d’orientation [CAO], en améliorant les conditions de vie sur le site, et en travaillant à une prise en charge spécifique pour les mineurs ».
S’exprimant devant la presse le 29 février, Bernard Cazeneuve a rappelé que 2 687 migrants avaient déjà été orientés vers les 102 CAO créés sur tout le territoire, et où 500 places doivent être ouvertes en mars en plus des 500 actuellement disponibles, tout en assurant que le gouvernement ouvrirait dans ces centres « autant de places qu’il sera nécessaire ». Quant à la maire de Calais, Natacha Bouchart (LR), elle a précisé que le démantèlement progressif de la partie sud de la « jungle » se ferait « dans un délai estimé à trois semaines par les services préfectoraux ».
Le ministère de l’Intérieur a affirmé à plusieurs reprises que l’évacuation se ferait « de manière progressive, en privilégiant à chaque instant le dialogue, la persuasion et l’information des migrants, dans le respect des personnes et en tenant compte de chaque situation individuelle ». Malgré tout, des violences ont émaillé le début de l’évacuation du campement de migrants. Des violences imputées par Bernard Cazeneuve à « l’activisme d’une poignée de militants […] extrémistes et violents [qui] n’y changera rien : cette opération va se poursuivre dans les jours qui viennent avec calme et méthode, en offrant une place à chacun, comme le gouvernement s’y est engagé »(2), a assuré le pensionnaire de la place Beauvau dans un communiqué du 1er mars.
(2) Témoignant de violences, interpellations, menaces et pratiques de désinformation, plusieurs associations, dont l’Auberge des migrants, Emmaüs, le GISTI ou le Secours catholique, ont dénoncé des « agissements de l’Etat » qui « ne respectent aucun des engagements pris publiquement ».