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Droit des étrangers en France : les principaux points de la loi adoptée par le Parlement

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Au terme d’un parcours parlementaire marqué par un désaccord profond entre les deux chambres, l’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 18 février, le projet de loi « relatif aux droits des étrangers en France », deuxième grand texte du quinquennat consacré aux immigrés après celui qui a réformé le droit d’asile. Contrairement à ce dernier, il n’est pas dicté par l’obligation de transposer des directives européennes. Pour le ministre de l’Intérieur, il constitue « une avancée majeure » pour développer l’attractivité de la France pour les talents étrangers(1), renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière mais aussi et surtout « mieux accueillir et intégrer les étrangers entrés de façon régulière sur le territoire », a-t-il expliqué le jour même dans un communiqué, avec comme mesure phare la création d’un nouveau titre de séjour pluriannuel pour éviter aux immigrés en règle des passages répétés à la préfecture. Tour d’horizon des points clés du texte, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel qui a été saisi par des sénateurs.

Un nouveau parcours d’intégration pour les primo-arrivants

Le gouvernement avait révélé ses intentions dans la feuille de route « pour l’égalité républicaine et l’intégration » dévoilée en février 2014(2) et la loi les met aujourd’hui en musique : un nouveau parcours d’intégration, marqué par un renforcement du niveau de langue requis et une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sera proposé à l’étranger primo-arrivant.

L’intéressé pourra ainsi s’informer dès le pays d’origine sur la vie en France ainsi que sur les droits et devoirs qui y sont liés à partir des éléments mis à sa disposition par l’Etat. Aussi et surtout, le primo-arrivant – ou le jeune âgé de 16 à 18 ans révolus entré régulièrement en France et qui souhaite s’y maintenir durablement – devra s’engager dans un « parcours personnalisé d’intégration républicaine » comprenant « notamment » :

→ une formation civique portant entre autres sur les principes, valeurs et institutions de la République ou bien encore l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ;

→ une formation linguistique visant à l’acquisition d’un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française ;

→ un accompagnement adapté à ses besoins pour faciliter ses conditions d’accueil et d’intégration.

L’inscription de l’étranger dans ce parcours sera formalisée à travers la conclusion, avec l’Etat, d’un « contrat d’intégration républicaine » par lequel il s’engagera à suivre les formations prescrites. Un décret déterminera la durée du contrat d’intégration républicaine, les formations prévues et les conditions de leur suivi et de leur validation. On notera que la loi prévoit plusieurs cas de dispenses. L’étranger qui a effectué sa scolarité dans un établissement d’enseignement secondaire français pendant au moins trois années scolaires n’aura pas, par exemple, à signer de contrat.

Autre nouveauté : le niveau de langue exigé pour l’obtention d’une carte de résident devra toujours correspondre à un niveau minimal, dont les caractéristiques seront définies par un décret.

Un titre de séjour pluriannuel accordé après un an de séjour régulier

La nouvelle loi généralise le titre de séjour pluriannuel pour l’ensemble des étrangers, après un an de séjour régulier en France, c’est-à-dire sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour ou d’une carte de séjour temporaire. « Cela permettra d’éviter les multiples passages en préfecture, vécus comme une contrainte et préjudiciables à l’intégration », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du projet de loi.

La première délivrance du titre de séjour pluriannuel sera subordonnée à une double condition. En premier lieu, l’étranger devra justifier de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l’Etat dans le cadre du contrat d’intégration républicaine, et ne pas avoir manifesté son rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République. En second lieu, il devra continuer à remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire (il est prévu, du reste, que la carte pluriannuelle porte la même mention).

Certains étrangers titulaires d’une carte de séjour temporaire ne pourront toutefois se voir délivrer une carte de séjour pluriannuelle : les « visiteurs » (dont le séjour en France est par nature temporaire et limité, faute d’activité professionnelle et de ressources suffisantes), les « stagiaires », les « travailleurs temporaires » (leur contrat initial étant inférieur à 12 mois), les « victimes de la traite des êtres humains » (appelées, moyennant une procédure spécifique, à se voir délivrer une carte de résident).

Le titre pluriannuel aura en principe une durée de validité de quatre ans. Trois exceptions sont toutefois prévues :

→ pour l’étudiant étranger, la durée correspondra à celle restant à courir du cycle d’études dans lequel il est inscrit ;

→ pour l’étranger malade, la durée correspondra à celle nécessaire aux soins ;

→ pour les parents d’enfants français et les étrangers ayant des liens personnels et familiaux avec la France, la durée est fixée à deux ans.

Le titre pluriannuel sera renouvelable à la demande de l’étranger, sous réserve qu’il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire. L’étranger qui sollicitera la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle sur un autre fondement que celui au titre duquel a été délivrée la carte de séjour dont il est titulaire bénéficiera de la carte de séjour demandée si les conditions de délivrance du titre de séjour correspondant au motif de séjour invoqué sont remplies.

Le droit au séjour des étrangers malades

La loi modifie l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui concerne la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée aux étrangers malades. Désormais, ce titre de séjour pourra être délivré à l’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si – la précision est nouvelle –, « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé » dans son pays d’origine, « il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ».

La décision de délivrer la carte de séjour sera prise, dans des conditions définies par décret, par l’autorité administrative après avis d’un collège de médecins du service médical de l’OFII, et non plus sur le fondement d’un avis du médecin de l’agence régionale de santé. A charge pour les médecins de l’office d’accomplir cette mission « dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ».

Chaque année, un rapport devra présenter au Parlement l’activité du service médical de l’OFII et les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre.

Un droit d’accès pour les journalistes dans les centres de rétention

Autre disposition notable : la loi pose dans le Ceseda le principe de l’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention, renvoyant à un décret le soin d’en définir les conditions. Seule obligation imposée par le législateur : ne pas porter atteinte à la dignité des personnes et aux exigences de sécurité et de bon fonctionnement de ces lieux.

Les prises d’images et de son des étrangers, des personnels et des intervenants dans les zones d’attente ou les lieux de rétention, de même que leur diffusion ne seront autorisées qu’avec leur accord préalable. En outre, elles devront se dérouler dans le respect de l’anonymat patronymique et physique des mineurs et, sauf accord contraire exprès, des majeurs.

De nouveaux outils de lutte contre l’immigration clandestine

Un pan entier de la nouvelle loi est consacré aux mesures d’éloignement applicables aux étrangers en situation irrégulière. « La sécurité des procédures suppose une loi précise, exempte d’ambiguïté, particulièrement au regard des exigences européennes, sur les conditions d’application de l’obligation de quitter le territoire français [OQTF] et l’interdiction de retour », explique l’exposé des motifs.

Entre autres mesures, le texte prévoit que le délai de départ volontaire accordé à l’étranger visé par une OQTF peut faire l’objet d’une prolongation par l’autorité administrative « pour une durée appropriée, s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ».

Les dispositions relatives à l’interdiction de retour sont également modifiées. La loi prévoit par exemple que l’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’OQTF frappant le ressortissant d’un pays tiers d’une interdiction de retour sur le territoire français, d’une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ou lorsque le délai qui lui a été imparti n’a pas été respecté. « Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l’autorité administrative ne prenne pas d’interdiction de retour », précise le texte.

S’agissant des ressortissants communautaires, la loi énonce qu’ils peuvent faire l’objet d’une interdiction temporaire de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans en cas d’abus de leur droit de séjour ou de comportement personnel constituant, « du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle ou suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société ».

Enfin, la loi réorganise le cadre juridique de la rétention et de l’assignation à résidence, notamment pour affirmer plus clairement la priorité de la mesure moins coercitive d’assignation à résidence sur le placement en rétention, réservé aux cas avec un risque de fuite. Elle ouvre par ailleurs la possibilité à l’autorité administrative de solliciter du juge des libertés et de la détention (JLD) l’autorisation de requérir les forces de l’ordre aux fins d’intervention au domicile des personnes qui, assignées à résidence, utilisent l’inviolabilité du domicile pour faire obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement dont ils font l’objet. S’agissant des étrangers placés en rétention, la loi établit l’intervention du JLD au bout de 48 heures – au lieu de cinq jours – et permet l’enfermement d’un étranger accompagné d’un mineur dans des cas exceptionnels.

Nous reviendrons en détail sur cette loi dans un prochain numéro.

Notes

(1) Bernard Cazeneuve fait ici en particulier référence à la création d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent », d’une durée maximale de quatre ans, qui remplacera la multitude de titres existants pour les étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière.

(2) Voir ASH n° 2847 du 14-02-14, p. 5.

[Loi à paraître]

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