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La loi « territoires zéro chômage de longue durée »

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D’ici au 1er juillet prochain, dix territoires vont expérimenter l’embauche en CDI de demandeurs d’emploi de longue durée par des entreprises de l’économie sociale et solidaire qui recevront une aide correspondant à une partie du salaire versé, aide qui sera financée par la réallocation des dépenses publiques existantes induites par la privation durable d’emploi.

La proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée a été définitivement adoptée le 18 février à l’issue d’un vote unanime du Sénat, les députés ayant fait de même quelques jours plus tôt. Elle a, depuis son premier examen par le Parlement il y a un peu moins de 3 mois, été modifiée et complétée sur plusieurs points. Mieux connu sous l’appellation « territoires zéro chômage de longue durée », ce texte, inspiré par une initiative de l’association ATD quart monde(1) et porté par le député (PS) Laurent Grandguillaume, prévoit de tester pendant 5 ans, dans dix territoires volontaires, l’embauche de demandeurs d’emploi de longue durée en contrat à durée indéterminée (CDI) par des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), pour exercer des activités complémentaires à celles qui sont déjà présentes sur le territoire répondant à des besoins sociaux, via la réallocation des dépenses liées au chômage dont auraient bénéficié les personnes ainsi recrutées. L’argent jusqu’alors alloué par l’Etat, les régions et les départements pour accompagner ces demandeurs d’emploi au travers des allocations servies aux chômeurs, de contrats aidés ou encore de formations, devrait ainsi servir à financer une partie des salaires de ces personnes, via un fonds dédié.

La loi doit entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2016. A terme, l’expérimentation a vocation à être généralisée.

I. les Territoires et les entreprises participants

A. Les territoires

L’expérimentation sera menée sur, au plus, dix territoires couvrant chacun tout ou partie de la superficie d’une ou plusieurs collectivités territoriales, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou groupes de collectivités territoriales volontaires. Elle « sera, pour les collectivités concernées, complémentaire des politiques publiques en faveur du développement économique et de la lutte contre le chômage », précise la loi. « Autrement dit, l’expérimentation ne remettra pas en cause les dispositifs existants », et notamment les structures d’insertion par l’activité économique, assure Anne Emery-Dumas, rapporteure (PS) de la loi au Sénat : « il ne s’agit pas d’ajouter une nouvelle strate aux mille-feuilles de la politique de l’emploi, mais de tester un nouvel outil, qui pourra il est vrai entraîner à terme une révision profonde des dispositifs actuels s’il se révèle efficace » (Rap. Sén. n° 266, Emery-Dumas, décembre 2015, page 25).

La liste des territoires retenus sera fixée par arrêté ministériel, sur proposition du fonds dédié à l’expérimentation (voir ci-dessous).

B. Les entreprises et les types d’activité

Les entreprises qui pourront embaucher dans le cadre de l’expérimentation sont les entreprises qui remplissent les conditions pour faire partie du champ de l’ESS, telles qu’elles ont été définies par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (but social autre que le seul partage des bénéfices, lucrativité encadrée, gouvernance démocratique et participative…)(2). Pour mémoire, les coopératives, les mutuelles, les fondations et les associations appartiennent de plein droit, du fait de leur nature juridique, au champ de l’ESS. En revanche, les sociétés commerciales, à l’instar des entreprises d’insertion, qui souhaitent se prévaloir de cette appartenance doivent remplir les critères définis par la loi du 31 juillet 2014.

Les entreprises éligibles pourront embaucher des chômeurs de longue durée pour des activités économiques pérennes et non concurrentes de celles qui sont déjà présentes sur le territoire.

Elles devront, en outre, avoir été conventionnées par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée créé par la loi, qui leur versera une aide correspondant à une partie du salaire de la personne embauchée (voir page 49). Si l’expérimentation n’est pas reconduite au terme des 5 ans prévus ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds, les entreprises recevront une notification de ce dernier signifiant la fin de la prise en charge d’une fraction des rémunérations.

II. Le public éligible et les conditions d’emploi

Pourront être embauchés dans le cadre de l’expérimentation les demandeurs d’emploi, quel que soit le motif pour lequel leur éventuel précédent contrat de travail a pris fin, qui sont :

→ inscrits à Pôle emploi ;

→ privés d’emploi depuis plus de 1 an malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi ;

→ domiciliés depuis au moins 6 mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.

Ces personnes devront être embauchées en CDI et rémunérées au moins, au moment du recrutement, au niveau du SMIC (9,67 €/heure depuis le 1er janvier).

Le contrat de travail conclu dans le cadre de l’expérimentation pourra être suspendu, à la demande du salarié, pour lui permettre d’accomplir soit une période d’essai afférente à une offre d’emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée d’au moins 6 mois, soit un contrat à durée déterminée de moins de 6 mois. En cas d’embauche à l’issue de cette période d’essai, le contrat sera rompu sans préavis. L’aide attribuée pour cet emploi par le fonds ne sera pas versée pendant la période de suspension du contrat de travail.

Si l’expérimentation n’est pas reconduite au terme des 5 ans prévus ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée créé par la loi, les entreprises pourront rompre tout ou partie des contrats de travail. Ce licenciement, qui reposera sur un motif économique et sur une cause réelle et sérieuse, sera prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique. Le fonds versera alors à l’entreprise la fraction du montant de l’indemnité de licenciement fixée par la convention qu’il aura signée avec elle (voir page 45). Dans tous les autres cas, le licenciement intervient dans les conditions du droit commun.

III. les modalités de financement et de pilotage

Le financement du dispositif sera assuré par un fonds national spécifique – dénommé « fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée » –, chargé aussi, notamment, de conventionner les entreprises participantes. Le pilotage du dispositif sera donc effectué au niveau national via ce fonds, mais aussi au niveau local grâce à des comités locaux de pilotage.

A. La création d’un fonds de financement

1. Ses missions

Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée sera chargé de financer une fraction du montant de la rémunération des personnes embauchées ainsi qu’une fraction du montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement versée si l’expérimentation n’est pas reconduite au bout de 5 ans ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds.

Ce fonds devra aussi élaborer un cahier des charges, approuvé par arrêté, fixant les critères que doivent respecter les collectivités territoriales, les EPCI ou les groupes de collectivités territoriales couverts par l’expérimentation. Sur sa proposition, un arrêté ministériel dressera, au vu de ce cahier des charges et du projet de programme d’actions établi par le comité local chargé du pilotage de l’expérimentation (voir page 50), la liste des territoires retenus pour mener cette dernière ainsi que des collectivités territoriales, des EPCI et des groupes de collectivités territoriales y participant.

Le fonds est en outre chargé de signer des conventions avec les entreprises de l’ESS qui veulent participer à l’expérimentation. Chacune de ces conventions devra :

→ préciser la part de la rémunération prise en charge par le fonds, compte tenu de la durée de travail prévue dans le contrat de travail et des conditions de son éventuelle dégressivité en fonction de l’évolution de la situation économique de l’entreprise ;

→ prévoir la fraction de l’indemnité de licenciement prise en charge par le fonds, indemnité versée si l’expérimentation n’est pas reconduite au bout de cinq ans ou si elle est interrompue avant ce terme par une décision du fonds.

La convention fixera également les conditions à respecter pour bénéficier du financement du fonds, notamment les engagements de l’entreprise sur le contenu du poste proposé, les conditions d’accompagnement et les actions de formation envisagées pour le bénéficiaire du contrat.

2. Son financement

Le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée est financé par l’Etat, les collectivités territoriales, les EPCI, les groupes de collectivités territoriales et les organismes publics et privés volontaires (Pôle emploi…) susceptibles de tirer un bénéfice financier des embauches effectuées dans ce cadre, l’objectif étant que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif. Concrètement, il s’agit de réallouer au fonds la part de chaque budget (allocation d’aide au retour à l’emploi, allocation de solidarité spécifique ou encore revenu de solidarité active, dépenses de formation, dépenses liées aux contrats aidés…) « qui sera devenue mécaniquement “sans objet” parce que les personnes bénéficiaires auront retrouvé un emploi », explique l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale. « Dans cette perspective, tous les budgets publics (à tous les échelons décentralisés ou national) qui auront été reconnus comme devant bénéficier directement ou indirectement, immédiatement ou à terme, de l’expérimentation […] devront contribuer au financement [du fonds], sans augmentation de leurs dotations respectives. » La ministre du Travail et de l’Emploi a indiqué, lors des débats à l’Assemblée nationale, que l’Etat consentirait lors de la première année de l’expérimentation un « effort financier exceptionnel » pour amorcer le projet, qui devrait s’élever à 10 millions d’euros. « Cela ne dispensera pas les collectivités territoriales et les organismes publics et privés de se mobiliser dès le début de l’expérimentation, faute de quoi celle-ci ne verrait vraisemblablement pas le jour sur les territoires concernés, estime la rapporteure Anne Emery-Dumas. Au-delà de la première année, la participation de l’Etat devrait être équivalente à celle apportée aux contrats aidés du secteur marchand, soit 47 % du SMIC » (Rap. Sén. n° 266, Emery-Dumas, décembre 2015, page 29).

Le fonds signera avec chaque collectivité territoriale, EPCI ou groupe de collectivités territoriales participant à l’expérimentation une convention qui :

→ précisera leur engagement à respecter le cahier des charges qu’il aura élaboré ;

→ fixera les conditions de leur participation volontaire au financement de l’expérimentation et définira l’affectation de cette participation.

L’Etat et Pôle emploi seront également cosignataires de ces conventions.

Le fonds signera aussi une convention avec l’Etat et chacun des organismes publics et privés participant à l’expérimentation, afin de fixer le montant de leur contribution à son financement et de définir l’affectation de cette contribution.

3. Sa composition et son fonctionnement

La gestion du fonds sera confiée à une association et sera administrée par un conseil d’administration dont la composition est la suivante :

→ deux représentants de l’Etat ;

→ un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative sur le plan national et interprofessionnel ;

→ un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative sur le plan national et interprofessionnel, ainsi qu’un représentant de chaque organisation professionnelle d’employeurs représentative sur le plan national multiprofessionnel ;

→ un représentant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

→ un représentant du Conseil national de l’insertion par l’activité économique ;

→ un représentant de Pôle emploi ;

→ un député et un sénateur ;

→ un représentant du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire ;

→ un représentant de chaque comité local de pilotage de l’expérimentation ;

→ trois personnalités qualifiées désignées par arrêté ;

→ un représentant de l’Association des régions de France, un représentant de l’Assemblée des départements de France, un représentant de l’Assemblée des communautés de France et un représentant de l’Association des maires de France ;

→ un représentant des missions locales désigné par arrêté ;

→ un représentant de l’association « Alliance Villes Emploi ».

Un commissaire du gouvernement désigné par le ministre chargé de l’emploi assistera de droit aux séances de toutes les instances de délibération et d’administration de l’association. S’il estime qu’une délibération du conseil d’administration ou qu’une décision prise par une autre instance de l’association gestionnaire du fonds est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds, il pourra s’opposer, par décision motivée, à sa mise en œuvre.

B. La mise en place d’un comité local de pilotage

Les collectivités territoriales, les EPCI ou les groupes de collectivités territoriales participant doivent mettre en place un comité local chargé du pilotage de l’expérimentation et de déterminer les modalités d’accompagnement des personnes embauchées dans ce cadre en lien avec les acteurs du service public de l’emploi. Les modalités de fonctionnement du comité local seront approuvées par le fonds. Pour que ce comité puisse exercer un « pilotage fort », il doit être « présidé par un élu et doté d’un directeur qui en est l’animateur », précise l’exposé des motifs. Sa composition n’est pas fixée par la loi « afin de laisser aux acteurs locaux la possibilité de l’adapter à leurs besoins et spécificités » (Rap. Sén. n° 266, Emery-Dumas, décembre 2015, page 27).

Le comité local doit établir un programme d’actions, approuvé par le fonds, ayant pour objet de promouvoir la création d’entreprises conventionnées ou le conventionnement d’entreprises existantes pour l’embauche de chômeurs de longue durée éligibles à l’expérimentation. Concrètement, explique la rapporteure Anne Emery-Dumas, « fédérant l’ensemble des acteurs, il aura pour mission de faire émerger les besoins sociaux et économiques non satisfaits dans son périmètre géographique et d’identifier les demandeurs d’emploi volontaires pour participer à l’expérimentation, de susciter des candidatures parmi les entreprises de l’économie sociale et solidaire, voire d’appuyer la création d’une ou plusieurs entreprises en vue d’un conventionnement » (Rap. Sén. n° 266, Emery-Dumas, décembre 2015, page 27).

IV. La Durée et l’évaluation de l’expérimentation

L’expérimentation sera menée pendant 5 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi qui doit être fixée par décret et, au plus tard, le 1 er juillet 2016. Ses modalités de mise en œuvre doivent, en outre, être précisées par un décret qui définira notamment la méthodologie de son évaluation, les modalités de fonctionnement et de gestion du fonds et des comités locaux de pilotage, les modalités de passation des conventions conclues entre le fonds et les entreprises et celles qui sont conclues entre le fonds et les collectivités territoriales, les EPCI ou les groupes de collectivités territoriales participant ainsi que les critères retenus pour fixer le montant de la fraction de la rémunération prise en charge par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

Au plus tard 18 mois avant le terme de l’expérimentation, le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée devra en dresser le bilan dans un rapport adressé au Parlement et au ministre chargé de l’emploi et rendu public.

En outre, au plus tard 12 mois avant le terme de l’expérimentation, un comité scientifique, dont les membres seront nommés par arrêté ministériel et siégeront à titre bénévole, devra réaliser l’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation. Son rapport évaluera notamment les effets de l’expérimentation sur la situation de l’emploi dans les territoires participants, sur les formations suivies par les personnes ainsi que les conséquences financières, pour les collectivités territoriales, les EPCI et les organismes publics ou privés participants, par comparaison avec les coûts liés au chômage de longue durée. Il devra tenir compte des nouveaux indicateurs de richesse définis par la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques(3). Ce rapport devra, lui aussi, être adressé au Parlement et au ministre chargé de l’emploi et rendu public.

Ce qu’il faut retenir

Participants. Sur 10 territoires qui seront fixés par arrêté, des entreprises de l’économie sociale et solidaire conventionnées vont pouvoir, pendant 5 ans, embaucher des demandeurs d’emploi au chômage depuis plus de un an pour exercer des activités économiques pérennes et non concurrentes de celles déjà existantes au niveau local.

Conditions d’emploi. Les personnes seront embauchées en contrat à durée indéterminée et rémunérées au moins au niveau du SMIC.

Aide financière. L’entreprise qui recrute percevra une aide financière correspondant à une fraction du salaire versé. Cette aide sera financée grâce à la réallocation, via un fonds dédié, des dépenses que consacraient jusqu’alors l’Etat, les collectivités locales et différents organismes à l’indemnisation ou à l’insertion des demandeurs d’emploi.

Pilotage. L’expérimentation sera pilotée, au niveau national, par le fonds qui la finance et, sur chaque territoire, par un comité de pilotage local.

Notes

(1) Voir ASH n° 2924 du 11-09-15, p. 26.

(2) Voir ASH n° 2887 du 12-12-16, p. 51.

(3) Voir ASH n° 2905 du 10-04-15, p. 38 et n° 2931 du 30-10-15, p. 7.

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