Depuis le début des années 1980, le Musée dauphinois, à Grenoble, a consacré des expositions aux Italiens, aux Grecs, aux Arméniens, aux Maghrébins ou encore aux pieds-noirs venus s’installer en Isère et s’intégrer, plus ou moins facilement, à la communauté régionale. Sa nouvelle exposition s’intéresse aux Tsiganes, depuis toujours « mal acceptés, suspectés, voire désignés comme boucs émissaires pour expliquer les maux de la société », pointe le directeur du musée, Jean Guibal. L’objectif de Tsiganes, la vie de bohème ? est de faire découvrir leurs valeurs – au travers d’iconographies, de publicités, d’extraits d’œuvres littéraires – pour favoriser une meilleure compréhension de leurs modes de vie.
Le parcours est rythmé par des « Regards de Gadjé », séquences qui révèlent le décalage entre la vision portée par la population et la réalité. C’est l’ancrage territorial de cette exposition qui fait son intérêt. Là où les ouvrages abondent sur les Tsiganes en général, le propos, ici, est inscrit localement – qu’il soit question du passeport octroyé au « capitaine des Egyptiens de la petite Egypte » par le Parlement du Dauphiné en 1552, des « bohémiens » que condamne le même Parlement au milieu du XVIIe siècle, des roulottes installées sur l’Esplanade de Grenoble, des sédentaires occupant des logements vétustes du quartier historique de Saint-Laurent au début du XXe siècle ou des bidonvilles qui ont poussé ces derniers mois sur le territoire de l’agglomération grenobloise. La visite se termine par la présentation du travail du photographe Pablo Chignard, qui a réalisé en 2015 des portraits de familles rom venues d’Europe de l’Est et installées en Isère.
L’exposition a pu voir le jour grâce au concours d’une cinquantaine de personnalités compétentes – parmi lesquelles des Tsiganes eux-mêmes, « rencontrés à plusieurs reprises et écoutés, priés de donner leur avis sur notre projet et sur le mode de restitution envisagé », assure Jean Guibal. Un contact qui a été facilité par les travailleurs sociaux qui les accompagnent : « Ils ont permis ces échanges sans lesquels notre propos serait resté généraliste et théorique. »
Pour étayer ce vaste projet, au Musée de la résistance et de la déportation de l’Isère sont présentées des photographies de Mathieu Pernot qui révèlent les conditions de vie des Tsiganes durant la Seconde Guerre mondiale, leur internement en France et leur extermination par le régime nazi(1).
(1) « Un camp pour les Tsiganes. Saliers 1942-1944 » – Jusqu’au 23 mai –
Tsiganes. La vie de bohème ? Six siècles de présence en Isère
Jusqu’au 9 janvier 2017, au Musée dauphinois – 30, rue Maurice-Gignoux, à Grenoble –