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Le CNLE dresse un bilan mitigé de la troisième année de mise en œuvre du plan « pauvreté »

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Lors de sa réunion plénière du 18 février, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) a remis à Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat chargée de la lutte contre l’exclusion, sa contribution au suivi, en 2015, du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de janvier 2013(1). Trois groupes de travail mis en place au sein de l’instance ont ainsi passé en revue les axes d’action du plan, en ont dressé un bilan plutôt contrasté – comme récemment aussi le collectif Alerte(2) – et dégagé une série de recommandations. Cette contribution complétera le traditionnel rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui, lui, devrait être présenté au Premier ministre le 3 mars. Mais ces bilans ne devraient toutefois pas entraîner d’ajustements de la feuille de route gouvernementale 2015-2017(3).

L’accompagnement des personnes doit rester optionnel

Introduit dans la feuille de route 2015-2017, le principe de l’accompagnement est « devenu le maître mot du plan […] ; il est partout », relève le CNLE. S’il « présente une utilité et même une nécessité dans bien des cas », le conseil juge toutefois qu’il existe un « risque d’[en] faire la seule réponse à un besoin qui ne peut être satisfait au travers des mesures existantes. Le droit à l’accompagnement risque ainsi parfois de faire perdre de vue qu’il s’agit précisément de faire valoir un droit de nature supérieure. » En outre, estime-t-il, à vouloir trop accompagner, on pourrait arriver à une « sorte de mise sous tutelle de la personne ». Pour l’instance, il est essentiel « que l’accompagnement ne soit ni obligatoire ni imposé et qu’il n’oriente pas de façon perçue comme autoritaire une personne sur des parcours qui ne correspondent pas à ses aspirations propres ». Il doit donc « rester optionnel pour l’intéressé et ne pas se traduire en condition d’accès à une prestation ou autre bénéfice », insiste le CNLE.

Encore des efforts en matière d’hébergement

Afin de limiter le recours aux nuitées hôtelières et de développer des alternatives, le gouvernement a adopté un plan triennal visant à éviter la création de 10 000 nuitées nouvelles par rapport à la tendance d’alors en réorientant les crédits alloués vers des dispositifs alternatifs(4), rappelle le CNLE. Selon un premier bilan, rapporte-t-il, à la fin du troisième trimestre 2015, les régions faisaient état de 1 453 places en intermédiation locative (contre un objectif annuel de 3 000), 433 places en résidences sociales (contre 500) et 2 118 places d’hébergement d’urgence (contre 833). Il y a bien « une véritable montée en puissance des solutions de substitution à l’hébergement hôtelier et la nécessité de fixer des objectifs encore plus ambitieux pour les prochaines années », souligne le conseil, qui déplore toutefois que « certains objectifs concernant les solutions les plus stables (l’intermédiation) peinent à être atteints, contrairement à ceux de l’hébergement d’urgence, qui sont dépassés ». Aussi attire-t-il l’attention des acteurs pour que les places créées ne soient pas uniquement de l’hébergement d’urgence.

Par ailleurs, le CNLE regrette la disparition de la garantie des risques locatifs au profit du dispositif Visale(5) qui, s’il présente « un intérêt en termes de solvabilisation des jeunes actifs, […] ne permet pas de favoriser l’accès au logement des plus précaires, notamment les personnes hors du marché de l’emploi ou trop âgées ». L’instance demande donc « que soit mise en place une garantie des loyers étendue, entre autres, aux jeunes les plus précaires et aux chômeurs de longue durée ».

Des craintes pour l’accès aux droits et aux biens essentiels

Le CNLE pointe également des « objectifs contradictoires entre le plan “pauvreté” et la réforme territoriale »(6). Il craint, par exemple, une désertification progressive des lieux d’accueil de proximité en raison de la création désormais facultative des centres communaux d’action sociale (CCAS) – voire de leur suppression possible – dans les communes de moins de 1 500 habitants. La politique d’action sociale est alors soit gérée par les élus locaux, soit transférée à un centre intercommunal d’action sociale (CIAS). Un problème si l’on considère que, en zone rurale, les CCAS et les CIAS représentent « bien souvent l’un des derniers points d’accueil de proximité et d’accès aux droits », souligne l’instance. Elle appelle donc le gouvernement à porter une attention particulière aux conséquences et aux impacts de la réforme territoriale dans le champ social, en particulier en matière d’égalité territoriale dans l’accès aux droits, de présence des services publics de proximité, mais également du point de vue de la conduite et de la cohérence future des politiques sociales.

Autre point noir, selon le CNLE : la « lenteur » et le « manque de coordination » dans la mise en œuvre des schémas départementaux de domiciliation(7). Ceux-ci étaient attendus pour la fin 2015, mais, en février 2016, on en comptait seulement 11. Aussi demande-t-il aux préfets de finaliser ces schémas au plus vite. Au-delà, l’instance préconise de « consacrer dans une loi le principe déclaratif de l’adresse » – pour ne plus avoir à fournir de justificatif de domicile – « et [de] faire en sorte qu’il soit pleinement reconnu et appliqué par tous les organismes tiers (CPAM, banques, services des impôts…) ». Ou encore de « travailler à la mise en place d’un véritable service public de domiciliation ».

Des mesures insuffisantes pour soutenir les familles pauvres

Augmentation des solutions de mode de garde, réservation de 10 % des places de crèches pour les enfants de familles défavorisées, développement de dispositifs d’accompagnement vers l’emploi pour les familles les plus fragiles… Des propositions « certes intéressantes mais encore trop limitées au regard des besoins des familles », estime le CNLE. Selon lui, « il conviendrait que l’on puisse aller plus loin dans l’articulation des actions d’accompagnement vers l’emploi avec l’offre de garde des jeunes enfants, en encourageant et en multipliant les bonnes pratiques issues de l’expérimentation et du secteur privé ». Secteur dans lequel se sont développées des crèches à vocation d’insertion professionnelle mettant l’accent sur le coaching des personnes en insertion et sur la sécurisation des parents(8).

En outre, hormis la revalorisation exceptionnelle, entre 2014 et 2018, de l’allocation de soutien familial (+ 25 %) et du complément familial (+ 50 %), le plan « pauvreté » n’est pas doté de mesures et de moyens suffisamment ambitieux pour réduire le taux de pauvreté des enfants et des familles monoparentales, regrette le CNLE.

Renforcement du droit à la santé

Renforcer les services de protection maternelle et infantile (PMI), les sénatrices Michelle Meunier (PS) et Muguette Dini (UDI) le préconisaient déjà en 2014 dans leur rapport sur la protection de l’enfance(9). En vain. Le CNLE reprend donc à son compte cette proposition, regrettant que la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé(10) ne s’en soit pas non plus emparée. L’instance demande donc une nouvelle fois « que les missions et le rôle des PMI soient reconnus et leurs moyens améliorés (en particulier en milieu rural). Les PMI doivent pouvoir notamment renforcer leurs actions hors les murs et leurs techniques d’accueil et “aller vers” les populations les plus éloignées du système de santé ».

Par ailleurs, pour le CNLE et comme l’ont déjà suggéré le défenseur des droits et l’IGAS, fusionner l’aide médicale de l’Etat (AME) et la couverture maladie universelle (CMU) pourrait permettre aux étrangers en situation irrégulière d’avoir un meilleur accès aux soins. Il s’agirait là non seulement d’une « grande réforme humaniste », mais aussi d’une « réforme pragmatique sur le plan économique car elle permettrait de réduire les coûts de gestion engendrés par la cohabitation de ces deux systèmes ». La CMU serait ainsi rendue accessible à toutes les personnes installées sur le territoire français justifiant de revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Le conseil insiste, en outre, pour que les bénéficiaires du revenu de solidarité active et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées aient automatiquement droit à la CMU complémentaire (CMU-C) et à l’aide à l’acquisition d’une couverture complémentaire santé.

S’agissant enfin de Mayotte, l’instance demande que la CMU et la CMU-C y soient mises en place et qu’un dispositif identique à celui de l’AME y soit créé. « En l’absence d’autre option », il suggère aussi « l’affiliation directe des mineurs à l’assurance maladie ».

Notes

(1) Contribution disp. sur www.cnle.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2948 du 19-02-16, p. 16.

(3) Voir ASH n° 2900 du 6-03-15, p. 6.

(4) Voir ASH n° 2896 du 6-02-15, p. 5.

(5) Voir en dernier lieu ASH n° 2944 du 22-01-16, p. 8.

(6) Voir notamment ASH n° 2922 du 28-08-15, p. 52.

(7) L’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale avait déjà alerté les pouvoirs publics sur le manque de moyens et de coordination en la matière – Voir ASH n° 2905 du 10-04-15, p. 8.

(8) Voir le « Décryptage » dans ASH n° 2884 du 21-11-14, p. 28.

(9) Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 5.

(10) Voir ASH n° 2939 du 25-12-15, p. 35 et n° 2945 du 29-01-16, p. 38.

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