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Paradis perdu à la frontière

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L’une cherche à échapper à la violence de son passé, les autres à fuir la violence de leur terre natale. Avec un même point de convergence… l’île de Lampedusa. Mila, adolescente italienne, revient le temps d’un été sur l’île de son enfance, ce bout de terre coincé entre l’Europe et l’Afrique que certains surnomment « l’île du Salut ». Guidée par sa rayonnante cousine Paola, la jeune fille sillonne Lampedusa avec le secret espoir de retrouver un bonheur perdu depuis la mort de Manuele, son petit frère emporté par la maladie. Mais, dans son nouveau roman, Annelise Heurtier ne laisse pas le lecteur s’installer trop confortablement dans l’évocation de cette île paradisiaque, parcourue de sentiers « bordés d’hibiscus, de pins odorants et de lauriers-roses en fleurs ». Brusquement surgissent les récits d’autres adolescents. Ils s’appellent Amir, Saafiya, Amanuel ou encore Awat et racontent l’enfer qui s’est installé dans leur pays, l’Erythrée, depuis plus de vingt ans. Ils décrivent les rafles, les tortures, la peur quotidienne et l’embrigadement de toute une population qui a fait de ce pays « un immense camp de travail forcé » et les a contraints, comme beaucoup d’autres, à prendre tous les risques pour fuir et chercher refuge ailleurs. Annelise Heurtier donne des visages et de la chair à ces « migrants » réduits la plupart du temps à de furtives images de journal télévisé et à des statistiques morbides. Quelques-uns, pas tous, trouveront finalement le salut à Lampedusa. Confrontée à cette réalité, Mila réalise, quant à elle, qu’« en gardant les yeux ouverts, en affrontant les difficultés, tout devenait possible ».

L’archipel italien est également au cœur de A ce stade de la nuit, un court récit de Maylis de Kerangal qui voit l’île surgir dans la cuisine de la narratrice sous la forme de flash spéciaux annonçant à la radio la mort de plus de 300 migrants à proximité des côtes. Lampedusa… Le nom « résonne entre les murs, stagne, s’infiltre parmi les poussières… », jusqu’à entraîner la jeune femme dans une déambulation nocturne et intimiste où surgissent pêle-mêle la figure de Burt Lancaster, héros du Guépard de Visconti, Le chant des pistes, récit de l’écrivain-voyageur Bruce Chatwin, et « les pentes ténébreuses » de Stromboli. A travers ce petit texte, Maylis de Kerangal invite son lecteur à la suivre dans un voyage poétique et sans concession inspiré par « ce nom de légende et de cinéma […] qui s’est retourné comme un gant » pour concentrer « à lui seul la honte et la révolte… »

Lampedusa, encore, c’est cette île-frontière devenue un symbole où les journalistes de radio Elise Gruau et François Teste sont allés interroger la population locale, dans le cadre d’un documentaire pour France Culture. Tout a changé pour ces 5 000 habitants, depuis que leur petit bijou sur la mer est devenu la porte d’accès à l’eldorado européen, pour des Africains poussés à fuir leurs pays. Un prêtre, un charpentier, une enseignante, un médecin et un capitaine de bateau de pêche témoignent de leur sentiment d’abandon face à l’arrivée des migrants dont ils ont souvent dû ramasser les corps échoués.

Refuges

Annelise Heurtier – Ed. Casterman – 12 €

A ce stade de la nuit

Maylis de Kerangal – Ed. Gallimard, coll. « Verticales » – 7,5 €

Migrants : Lampedusa, île-frontière

Emission de France Culture « Sur les docks » du 15 décembre 2015, à écouter sur http://goo.gl/KukrpG

Culture

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