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Plan pauvreté : les associations attendent des efforts sur les besoins prioritaires

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Dans son bilan rendu public le 17 février, le collectif Alertefait état de plusieurs déceptions, notamment en matière d’aide à la formation des personnes éloignées de l’emploi et d’accès aux droits. Parmises propositions : l’organisation d’une « conférence de consensus » sur l’accompagnement.

Si elle n’a pas été une année blanche en matière de lutte contre l’exclusion, 2015 est loin d’avoir été, aux yeux des associations de solidarité, à la hauteur des besoins et des ambitions affichées. Trois ans après sa présentation, les 39 membres du collectif Alerte livrent un bilan plus que contrasté de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale et de la première année de sa feuille de route 2015-2017. Devançant la publication du rapport d’évaluation de l’inspection générale des affaires sociales, les associations saluent, certes, des avancées – « comme les deux premières années, le plan est globalement respecté par le gouvernement », constatent-elles – mais aussi nombre de retards et de manques. A l’heure où la France compte près de 9 millions de personnes pauvres au sens monétaire, le plan n’a pas arrêté l’augmentation de la pauvreté, mais « l’a sans doute fortement ralentie », estiment-elles.

« L’administration avance à pas lents dans des domaines essentiels » pour la prise en charge des personnes en situation de précarité, déplore François Soulage, président du collectif Alerte, qui doute en conséquence que cette dernière soit une priorité. Pour preuve, illustre-t-il, « du côté des associations, le bilan de la territorialisation du plan est globalement négatif. On ne sent pas de mobilisation réelle pour que, sur le terrain, les choses se mettent en place. » C’est pourquoi, entre autres recommandations, le collectif demande que des territoires prioritaires au niveau « infradépartemental » soient identifiés à partir d’un diagnostic partagé et que soient désignés sur ces territoires des « référents solidarité », chargés de l’articulation entre la mise en œuvre du plan pauvreté et les dispositifs existant dans les domaines de la santé, de l’insertion, du logement ou de la politique de la ville. L’interministérialité fait encore défaut, souligne également François Soulage, notamment pour lever les obstacles au retour à l’emploi, tel le manque de solutions d’accueil de jeunes enfants.

Déficit de coordination

Parmi les urgences : l’extension des schémas départementaux de services aux familles, qui tardent à se mettre en place. « Alors qu’ils devaient être généralisés en 2014, seule une dizaine de schémas a été signée », relève le collectif, selon lequel ces projets « souffrent d’un déficit de coordination et de cohérence avec les outils préexistants ». L’expérimentation d’un réseau de « points conseil budget » (PCB), destinés à prévenir le surendettement, vient, elle, d’être lancée avec des structures volontaires – associations, dont celles du réseau Cresus, et centres communaux d’action sociale –, à l’issue de la réunion d’un comité de sélection animé par François Soulage, missionné par le gouvernement. Le dispositif est composé de deux niveaux : le premier – nommé « PCB1 » – est chargé de l’accompagnement budgétaire des ménages, sans financement supplémentaire pour les structures, et le second – appelé « PCB2 » – propose une plateforme d’accompagnement à distance pour la négociation des dettes, directement financée par les créanciers. Cette configuration budgétaire inquiète les associations, qui demandent que « l’Etat anticipe dès maintenant la généralisation des points conseil budget, soit en prévoyant des budgets publics dédiés, soit en se dotant d’un appareil statistique fiable permettant de dégager un modèle économique pérenne issu de fonds privés ». Elles continuent également de demander le renforcement du droit au compte.

L’accès aux droits et la lutte contre le non-recours doivent globalement rester des objectifs prioritaires, revendiquent les associations de solidarité, s’inquiétant du « rythme très insatisfaisant » de la publication des schémas départementaux de la domiciliation prévus par la loi ALUR. « On ne peut pas se satisfaire d’un taux de recours à la prime d’activité de 50 % », fait également valoir Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, déplorant qu’en visant cet objectif, le gouvernement ait « volontairement sous-budgété » cette nouvelle prestation qui fusionne le RSA (revenu de solidarité active) « activité » et la prime pour l’emploi, sans conserver l’automaticité de cette dernière et en maintenant un dispositif complexe.

Tri dangereux

Si la simplification des prestations, est, par ailleurs, un facteur de l’amélioration de l’accès aux droits, « il ne restera plus qu’un an de mandat à la date prévue, en mars prochain, pour la remise des propositions de la commission “Sirugue” sur la simplification des minima sociaux. Faut-il s’attendre à une grande réforme ? », doute la présidente du Secours catholique. Les associations rappellent, en outre, qu’elles défendent la fusion de l’allocation de solidarité spécifique et du RSA « socle », à condition que la validation des trimestres, pour la première, et le droit à l’accompagnement, pour la seconde, soient préservés. Reste que, en attendant, certains départements arguent de leurs difficultés budgétaires pour « opérer un tri extrêmement dangereux entre les bénéficiaires », déplore Véronique Fayet. « La décentralisation du financement du RMI impliquait qu’il était dans l’intérêt des départements de faire baisser le nombre d’allocataires. Mais la crise est arrivée…, ajoute-t-elle. Désormais, il y a plutôt une réflexion de fond à mener : quelles sont les innovations à mettre en œuvre pour améliorer les politiques d’insertion, comme l’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée” ? »

Le collectif demande par ailleurs la poursuite de la revalorisation des minima sociaux. Ils restent « trop faibles pour limiter le risque de basculement dans la grande pauvreté et l’exclusion », souligne-t-il. Sans compter que « des menaces récurrentes pèsent sur les aides au logement » et que « les mesures prises sans étude d’impact suffisante telles que celle relative à la révision des modalités de calcul de l’allocation aux adultes handicapés [AAH] dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 montrent que le gouvernement est prêt à remettre en cause les dépenses de solidarité pour réaliser des économies ». Face aux inquiétudes, le projet de prendre en compte les intérêts non imposables des comptes d’épargne dans le calcul de l’AAH a finalement été abandonné. Les associations s’inquiètent également de la montée en puissance de la dématérialisation des démarches, « obstacle à l’accès aux droits pour les plus pauvres de nos concitoyens » et qui ne doit « pas être un prétexte à la diminution inquiétante du nombre de centres administratifs », comme les caisses d’allocations familiales et les caisses primaires d’assurance maladie.

Autre source de déception majeure, pour Alerte : la non-prise en compte de ses revendications pour l’accompagnement des chômeurs de longue durée dans le plan « emploi » présenté le 18 janvier dernier(1). Sur l’abondement du compte personnel de formation (CPF) pour les plus éloignés de l’emploi, pourtant annoncé par le Premier ministre dans son discours de clôture de la conférence sociale, « on nous répond que, grâce à l’accord des partenaires sociaux, dans le cadre du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, nous arriverons probablement à 200 heures. Ce n’est ni ce qui a été demandé, ni ce qui a été promis, cela montre que l’Etat ne concentre pas ses efforts sur cette question », s’exaspère François Soulage. Pour les associations, l’abondement du CPF devrait bénéficier à l’ensemble des demandeurs d’emploi de longue durée et être modulé en fonction des besoins des personnes, avec l’objectif de viser les « 400 heures nécessaires à une formation qualifiante ». Le collectif réclame aussi un développement plus important de la « prestation de suivi dans l’emploi », dont le volume « est réduit à 8 000 mesures seulement aujourd’hui », et un élargissement des personnes éligibles en y intégrant les travailleurs handicapés.

Dispositif d’asile saturé

Saluant les coopérations entreprises entre les départements et Pôle emploi pour proposer un accompagnement global des demandeurs d’emploi rencontrant des difficultés sociales(2), le collectif Alerte n’en demande pas moins un bilan « plus précis »: « Quelle possibilité pour la personne de choisir cet accompagnement, quel déroulement, quelle articulation avec les associations de lutte contre l’exclusion ? » Le collectif souhaite que soit organisée une conférence de consensus sur l’accompagnement, « question qui demeure imprécise alors qu’elle est mentionnée dans de nombreuses politiques publiques ». Cette réflexion pourrait être menée en lien avec la feuille de route des « états généraux du travail social » et la création d’un accompagnement personnalisé (numérique ou direct) dans le cadre du compte personnel d’activité, propose-t-il. « L’accompagnement global et sa traduction sectorielle rejoignent la notion de référent de parcours inscrite dans le plan d’action pour le travail social, sur laquelle nous n’avons pas encore avancé », précise François Soulage, par ailleurs chargé du suivi de ce plan. Quant à la création du « premier accueil social inconditionnel de proximité », qui favorisera également l’accès aux droits selon le collectif, elle reste suspendue à la parution du décret sur les schémas d’accessibilité des services au public, en application de la loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République ».

Après la réforme du droit d’asile, le collectif Alerte dénonce la saturation du nouveau dispositif, selon lequel les demandeurs d’asile sont orientés vers des « plateformes de pré-accueil », avant d’obtenir un rendez-vous au guichet unique formé par la préfecture et les services de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. L’entrée en vigueur de ce système au 1er novembre « a créé une situation de chaos et de non-accès aux droits sur la quasi-totalité de la région Ile-de-France, qui concentre à elle seule la moitié de la demande d’asile du pays », pointe-t-il. « Des familles arrivent la veille au soir aux plateformes pour être sûres d’être reçues, attendent ensuite un rendez-vous en préfecture, avec au total un délai d’ouverture des droits de plusieurs mois », témoigne Véronique Fayet. « Les conditions d’accueil sont scandaleuses », s’insurge François Soulage, évoquant « des femmes faisant la queue le samedi pour le lundi, alors que seulement 75 tickets sont délivrés pour 150 personnes qui attendent ».

L’accès à l’hébergement et au logement, la situation des mineurs isolés et des populations vivant dans les bidonvilles, ainsi que l’accès aux soins et à la prévention font également partie des nombreux sujets de préoccupation du collectif. Au final, il demande que « la feuille de route garde son cap, mais avec des moyens beaucoup plus importants sur les besoins prioritaires, notamment en matière d’éducation, d’emploi et de logement ». Les associations attendent un changement d’échelle « dans la lutte contre le chômage et la pauvreté, comme l’implique la notion d’état d’urgence sociale exprimée par le président de la République ».

Plan « emploi » : quid des salaries en insertion ?

« Vous avez décidé, au travers du plan pour l’emploi présenté le 18 janvier dernier[1], de consacrer des moyens ambitieux à une politique de formation et de développement de compétences des personnes éloignées de l’emploi », écrit le président de Chantier école dans un courrier adressé à François Hollande le 4 février, regrettant que les salariés des ateliers et chantiers d’insertion, « positionnés administrativement en catégorie E », ne puissent en bénéficier. Il demande en conséquence que ces derniers, engagés dans une dynamique d’insertion mais néanmoins en situation précaire et aux besoins de qualification importants, puissent « être intégrés aux publics prioritaires de ce nouveau plan et puissent également accéder à l’ensemble des dispositifs en faveur des demandeurs d’emploi ». Si, au ministère du Travail, on affirme que le dispositif de formation prévu par le plan « emploi » ne distingue pas les bénéficiaires par catégorie, « notre public, bien qu’en parcours d’insertion professionnelle avec un agrément de Pôle emploi, est considéré comme salarié et de ce fait n’émarge pas à beaucoup de dispositifs dédiés aux demandeurs d’emplois, indique Luis Semedo, délégué national de Chantier école. Nous avons soulevé cette difficulté à maintes reprises, et à défaut d’une décision politique nationale et sans ambiguïté les choses ne bougent pas. C’est pour cela que nous appelons le président de la République à se positionner clairement pour permettre à nos salariés de bénéficier de formations et à nos structures d’avoir des moyens de remplir la mission que l’Etat nous confie. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2944 du 22-01-16, p. 5.

(2) Voir notre rubrique « Vos pratiques » dans les ASH n° 2934 du 20-11-15, p. 24.

(1) Voir ASH n° 2944 du 22-01-16, p. 5.

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