Une récente étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) analyse, sur 30 ans, l’évolution des dépenses de prestations de protection sociale selon les risques sociaux(1). Elle montre que, entre 1981 et 2014, les prestations sociales – qui couvrent les risques santé, vieillesse, maternité, famille, emploi, logement, pauvreté-exclusion sociale – n’ont cessé d’augmenter : elles représentaient environ 26 points de PIB (produit intérieur brut) dans la décennie 1980, et, depuis 2009, sont supérieures à 30 points.
Outre l’impact de la situation économique, la part des prestations dans le PIB est sensible aux actions politiques menées, qu’il s’agisse d’étendre le champ de la protection sociale ou de limiter les dépenses, expliquent les auteurs. Ainsi, les deux plus gros risques – santé et vieillesse, qui représentent 81 % des prestations – ont fait l’objet de nombreuses mesures de maîtrise des dépenses. En matière de santé, la réduction du remboursement de certains médicaments et la création du forfait journalier (toutes deux mises en place dans les années 1980) ou encore l’instauration, en 1996, de l’objectif national d’évolution des dépenses d’assurance maladie visent à encadrer les dépenses des régimes de base. Si les dépenses du risque « santé » sont supérieures aujourd’hui (elles sont passées de 8,9 points de PIB en 1981 à 11,4 points en 2014), les auteurs constatent une « modération progressive » de leur croissance : de 3,6 % entre 1981 et 1992, cette augmentation n’était plus que de 1,9 % entre 2003 et 2014. Ils relèvent néanmoins que les dépenses d’invalidité progressent d’environ 3,2 % en moyenne annuelle depuis 1981. La croissance de la dernière décennie (3,3 %) est liée aux effets de la loi « handicap » du 11 février 2005 qui a instauré de nouveaux droits comme la prestation de compensation du handicap.
Malgré les réformes, les prestations de vieillesse sont toujours dynamiques (passées de 10 à 14,7 points de PIB en 30 ans), surtout à partir de 2004 du fait de l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses du baby-boom.A l’intérieur de cette catégorie, les dépenses liées à la prise en charge de la dépendance ont augmenté fortement en 2002-2003, après l’instauration de l’allocation personnalisée d’autonomie. Et au cours de la dernière décennie, elles se sont maintenues à plus de 3 % de croissance annuelle.
La part du risque « famille-maternité » dans le PIB a, quant à elle, diminué (2,5 points de PIB en 2014 contre 2,9 en 1981). Les auteurs notent que la structure des dépenses de ce risque a « significativement évolué ». Alors que la priorité a été donnée à l’aide financière aux familles dans les années 1980, elle s’est ensuite déplacée vers les questions de conciliation famille-travail et d’égalité femmes-hommes. La part des principales prestations d’entretien – allocations familiales, complément familial… – dans les dépenses du risque est ainsi passée de 56 % en 1991 à seulement 39 % en 2014, tandis que celle de la garde d’enfant a augmenté de 8 % à 26 % sur la même période.
Concernant la part des prestations « logement » (qui recouvre l’allocation de logement familiale, l’allocation logement sociale et l’aide personnalisée au logement), si elle a augmenté de près de 7,8 % en moyenne entre 1981 et 1992, son évolution est, depuis, « contrastée selon les années ». Les périodes de hausse coïncident avec des réformes des dispositifs – l’unification du barème des trois aides au logement au début des années 2000 par exemple – ou l’augmentation du nombre de bénéficiaires lorsque la conjoncture est dégradée.
La part des dépenses liées au risque « emploi » a, elle, peu évolué (environ 2 % pendant 30 ans) alors que le chômage a fortement augmenté. Cela s’explique par les mesures de baisse ou de durcissement des conditions d’indemnisation mises en œuvre par les partenaires sociaux pour assurer la viabilité financière du régime d’assurance chômage. Au cours de la période, les politiques de l’emploi se sont également traduites par de nombreuses mesures sur l’offre avec la réduction du temps de travail, la création d’emplois publics…
Enfin, représentant 0,8 point de PIB en 2014, le risque « pauvreté-exclusion » a progressé de 8,6 % en moyenne annuelle sur les 30 années, en raison principalement de la mise en place du revenu minimum d’insertion (RMI), devenu en 2009 le revenu de solidarité active (RSA), dont « le nombre d’allocataires augmente fortement actuellement (+ 6 % par an sur les trois dernières années) ».
(1) « Les prestations sociales de 1981 à 2014 : trois décennies de maîtrise des dépenses de santé » – DREES – Etudes et résultats n° 949 – Février 2016 – Disp. sur