Saluant de « réels progrès depuis dix ans dans la scolarisation des élèves en situation de handicap », le Conseil national de l’évaluation du système scolaire (Cnesco) constate toutefois, dans un document rendu public le 12 février, que le système scolaire rencontre « une persistante difficulté à placer les élèves à égalité de chances en termes de réussite et d’inscription sociale »(1). Il pointe en effet des inégalités d’accès à l’école ordinaire en fonction du type de déficience, qui augmentent avec le niveau de la scolarité, ainsi qu’une surexposition des élèves handicapés à l’échec scolaire. Il souligne encore que « les enfants de milieux défavorisés [sont] davantage orientés vers le secteur médico-social, les familles de milieux aisés développant d’autres stratégies adaptatives ».
Le Cnesco formule une série de recommandations pour favoriser l’éducation inclusive des élèves handicapés, parmi lesquelles la nécessité d’une meilleure identification des besoins des élèves handicapés par les enseignants eux-mêmes. A ce titre, il juge « important » de prendre appui sur le GEVA-sco (guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation), récemment rendu obligatoire(2). Il plaide aussi pour des projets personnalisés de scolarisation (PPS) comportant des objectifs plus précis, mis en œuvre de façon effective et étendus au temps périscolaire. Autre recommandation : réduire les inégalités territoriales en termes d’offre médico-sociale et d’auxiliaires de vie scolaire (AVS)(3). Pour l’instance, il est nécessaire de mettre en place des équipes de remplacement des AVS pour éviter la déscolarisation temporaire des élèves.
Il faut améliorer l’accessibilité de l’environnement éducatif, enjoint également le Cnesco. Plus précisément, il recommande d’« éliminer les barrières physiques lors de tout projet de construction et de reconstruction d’un établissement scolaire, qu’elles soient de l’ordre de la construction (pas de bâtiments séparés), liées aux équipements (ascenseurs, toilettes et lieux d’hygiène, restaurants scolaires, marquages au sol, boucles magnétiques, etc.) et aux matériels et outils de communication orale et écrite (outils numériques, langue des signes, braille) ». Il appelle également à généraliser l’usage des outils numériques, afin de faciliter l’autonomie des élèves handicapés (par exemple, remplacer les manuels scolaires par des e-books). Il préconise aussi de rendre les transports scolaires accessibles.
Désignant les établissements scolaires comme les « acteurs clés de l’éducation inclusive », le Cnesco suggère de corréler leurs financements à des plans annuels d’action (formation des professionnels, partenariats avec les autres acteurs de l’éducation…). Il préconise aussi de nommer une personne ressource enseignante chargée de soutenir les acteurs de l’école dans leurs initiatives éducatives et de mettre l’établissement « en réseau » dans une démarche de validation, d’échanges et de mutualisation des expériences. Pour lui, il faudrait également former les élèves sur la question du handicap et accroître la vigilance de la communauté éducative sur la mise à l’écart voire le harcèlement scolaire dont peuvent être victimes les élèves handicapés.
Autres préconisations : « repenser » la formation des enseignants pour « éviter les stigmatisations rapides » des élèves handicapés, privilégier la diversité des méthodes pédagogiques plutôt que la catégorisation par troubles de santé, généraliser les formations conjointes des cadres de l’Education nationale, des maisons départementales des personnes handicapées et du secteur médico-social à l’éducation inclusive.
Afin d’assurer la continuité des parcours, le Cnesco recommande de commencer l’éducation inclusive dès la petite enfance « en développant des liens spécifiques entre les missions académiques “écoles maternelles” de l’Education nationale et les dispositifs d’accueil de la petite enfance ». Il préconise également la mise en place d’un tutorat ou d’un plan de transition pour éviter les ruptures de parcours entre le premier et le second degré ainsi qu’entre le collège et le lycée. En matière d’accès à l’enseignement supérieur, il suggère de recenser, de pérenniser et de mutualiser les dispositifs expérimentaux qui ont montré leur efficacité (accompagnement des étudiants dans le domaine du logement, par exemple).
Le Cnesco plaide enfin en faveur d’une démarche interministérielle de mise en cohérence du secteur médico-social et du secteur éducatif afin d’évoluer vers un « système unifié d’éducation ». Il recommande, dans ce cadre, d’intensifier le développement des unités d’enseignement dans les établissements scolaires ordinaires. Pour lui, il faut « inciter largement » le secteur médico-social à œuvrer en tant que centre de ressources pour les acteurs du système scolaire.
(1) Préconisations du Cnesco en faveur d’une école inclusive pour les élèves en situation de handicap – Disponible sur
(3) Rappelons que, depuis septembre 2014, les auxiliaires de vie scolaire recrutés sous contrat d’assistant d’éducation laissent la place progressivement aux AESH – Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 43.