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Développement durable : des projets à la stratégie

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Les dispositifs mettant en œuvre les grands principes du développement durable ne manquent pas dans le secteur social et médico-social. Prochaine étape pour les organisations : passer de projets isolés à une stratégie globale.

Le projet a été baptisé La Ferme des possibles. Sur un terrain de un hectare mis à disposition par la ville de Stains (Seine-Saint-Denis), l’association La Résidence sociale et l’association d’insertion par l’activité économique Novaedia développent des cultures maraîchères et fruitières sur le mode de la permaculture(1), et un projet d’apiculture urbaine. « Les cultures sous serre viennent de démarrer, et bientôt nous planterons des variétés de pommiers un peu oubliés », décrit Jean-Paul Galeyrand, directeur du pôle 93 de la Résidence sociale, à la tête de deux ESAT (établissements et services d’aide par le travail), d’un IME (institut médico-éducatif) et d’un EMPro (externat médico-professionnel). D’abord destinée à alimenter les activités traiteur et restauration des deux structures, la production sera aussi, à terme, vendue aux habitants du quartier à des prix symboliques. Des actions d’animation avec les écoles et les centres de loisirs sont également prévues, et l’atelier de création artistique de l’association s’est installé sur place, transformant cartons, plateaux repas usagés et matériaux divers en œuvres d’art. Entreprise en 2013, l’expérience a suscité l’intérêt de la ville voisine de Saint-Denis, raconte Jean-Paul Galeyrand : « On nous propose de reprendre les exploitations de maraîchers qui partent à la retraite, ce qui porterait les surfaces à six hectares. » L’occasion de développer des partenariats avec d’autres ESAT, voire de fonder une coopérative regroupant tous les acteurs du projet, collectivités locales comprises.

Un contexte favorable

Préservation de la biodiversité, montée en compétences des travailleurs handicapés, création d’emplois, élargissement du réseau de partenaires, recyclage des déchets, économie circulaire, animation du territoire… Pensée au départ comme un simple moyen de limiter l’envahissement immobilier, La Ferme des possibles couvre finalement de nombreux aspects du développement durable. Un concept sur lequel les ESSMS (établissements et services sociaux et médico-sociaux) se penchent de plus en plus, inspirés par les démarches de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) du secteur marchand, mêlant intégration des problématiques environnementales dans la stratégie, adoption de politiques de diversité ou inflexion des modes de management (sur la question du développement durable dans le secteur particulier des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, voir notre « Décryptage », ce numéro, page 22). Le contexte réglementaire et politique favorise d’ailleurs de telles évolutions : stratégie nationale de transition écologique, plan « santé au travail », introduction de critères de développement durable dans la certification des établissements de santé, etc.

Une démarche qui peut donner le vertige

Depuis 2011, l’ANAP (Agence nationale d’appui à la performance) s’est également saisie du sujet. Du point de vue de l’agence, l’équation entre développement durable et performance ne fait aucun doute : « Selon l’Organisation mondiale de la santé, la performance en santé, c’est une prise en charge de qualité des patients, assurée par un professionnel bénéficiant de bonnes conditions de travail, dans un cadre économique soutenable », rappelle Benjamin Lemoine, chargé de mission responsabilité sociétale. Avec son centre de ressources disponible en ligne(2) et la création d’un cercle « développement durable en santé » regroupant 8 fédérations et 38 structures sanitaires et médico-sociales, l’ANAP se veut à la fois vecteur de diffusion et observatoire. « Le secteur de la santé apparaît mieux outillé (ressources, profils spécialisés…), mais, culturellement, les ESSMS sont très proches du développement durable par leur ouverture sur l’environnement, leurs modes de gouvernance, la place accordée aux usagers », souligne Alexandra Lam, une autre chargée de mission responsabilité sociétale à l’ANAP.

Tel Monsieur Jourdain avec la prose, les ESSMS feraient-ils du développement durable sans le savoir ? « Au Clos du Nid, on a déjà toutes les pièces du puzzle, acquiesce Sébastien Pommier, à la tête des 18 établissements et services pour adultes et enfants handicapés de l’association implantée en Lozère. Les chaudières des bâtiments sont alimentées par les chutes de nos ESAT de la filière bois ; nous privilégions les circuits courts pour l’alimentation ; les chantiers d’insertion des Jardins de Cocagne utilisent nos terrains et intègrent leur production biologique dans nos cuisines ; nous envisageons d’intégrer des représentants des usagers dans le conseil d’administration… Bref, nous sommes déjà en plein dans le développement durable. » Certes, le secteur a engagé nombre de démarches vertueuses, constate Jean-Luc Poisson, directeur du cabinet Quendya, choisi par l’Adapei 44 pour l’aider à construire sa politique RSO (responsabilité sociétale de l’organisation) (lire le témoignage ci-dessous). « Mais être un acteur de l’économie sociale et solidaire ne constitue pas en soi un gage d’exemplarité dans tous les domaines », nuance-t-il.

Reste à aller plus loin, en poussant la réflexion et en structurant la démarche… sans sous-estimer les répercussions possibles. Car en touchant aussi bien aux modes de management qu’à la place dévolue aux usagers, à l’animation des projets ou aux relations sociales, la relecture du fonctionnement d’une organisation à travers le filtre de la RSO « peut créer une sorte de vertige », reconnaît le consultant. Au risque d’entraîner des réactions de rejet dans des équipes soumises depuis dix ans à une succession de démarches plus ou moins normatives (loi 2002-2, amélioration continue de la qualité, évaluation, etc.). Conscient de l’écueil, Sébastien Pommier a opté pour une stratégie progressive : aux administrateurs et aux directeurs de s’approprier les concepts avant d’engager une réflexion plus large, associant les professionnels et les usagers. Son leitmotiv ? « En tant que premier employeur du département, le Clos du Nid se doit d’être précurseur et exemplaire. » Et son objectif ? « Mesurer la performance globale de l’association » et sa valeur ajoutée sur son territoire, dans un contexte de fragilisation des moyens accordés.

Notes

(1) Mode d’aménagement écologique du territoire visant à produire de la nourriture en renforçant l’écosystème.

(2) http://rse.anap.fr.

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