Cette année encore, le collectif Les morts de la prison(1) rend hommage aux personnes qui ont perdu la vie en détention. Pour lutter contre l’invisibilité de cette réalité carcérale, des représentants du collectif et des intervenants en prison (aumôniers, infirmiers…) énonceront, lors d’un rassemblement prévu le 16 février place du Palais-Royal à Paris, les noms de 94 défunts, ceux que le collectif a recensés en 2015, de façon non exhaustive. Face à l’absence de chiffres officiels sur la question, il estime qu’au total, « ce sont environ 250 personnes qui décèdent dans les prisons françaises » chaque année. Il alerte aussi sur la banalisation entourant ces disparitions – « marque ultime d’une dépersonnalisation et d’un oubli de la dignité » – et sur les conditions de vie en détention.
L’application de la suspension de peine pour raisons médicales demeure « marginale et fragile », souligne notamment le collectif. Autre préoccupation : « le nombre de personnes incarcérées de plus de 60 ans a presque doublé durant la dernière décennie ». Et au 1er janvier 2015, « 9 291 personnes écrouées avaient plus de 50 ans, ce qui représentait 12 % de la population sous écrou ». Le collectif rappelle également le taux important de suicides sous écrou, qui s’élevait selon l’administration pénitentiaire à 14 pour 10 000 en 2014, avec 94 suicides en prison et 16 hors détention (placement sous surveillance électronique…), contre respectivement 97 et 14 en 2013.
Dans un arrêt rendu le 4 février, la Cour européenne des droits de l’Homme a estimé que la France a violé l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le « droit à la vie » en manquant à ses obligations pour protéger un détenu fragile, qui s’est pendu en 2008 à la maison d’arrêt de Bordeaux. En avril 2015, une étude de l’Institut national des études démographiques (INED) avait relevé que le taux de suicides est sept fois plus fréquent parmi la population masculine sous écrou que dans la population générale et indiqué que près de la moitié des décès survenus dans les prisons françaises sont des suicides. La fréquence de ces derniers est plus élevée chez les détenus qui sont seuls dans leur cellule ou placés en cellule disciplinaire, de même que chez les personnes qui ne reçoivent pas de visite de leurs proches et les condamnés âgés de plus de 30 ans, avait constaté l’étude(2).
(1) La Cimade, l’association David-et-Jonathan (qui se définit comme « l’interface entre le milieu LGBT, le monde des églises et l’implication citoyenne »), la Farapej, le Genepi et le Secours catholique, avec le soutien de Carcéropolis, du Courrier de Bovet (qui organise des correspondances entre détenus et bénévoles), du collectif Les morts de la rue, de l’Observatoire international des prisons-section française et des Petits frères des pauvres.