Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a rendu publiques, le 4 février, ses conclusions sur le respect par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), dans lesquelles il l’appelle, comme dans son précédent rapport de 2009, à mieux respecter les droits fondamentaux des plus jeunes(1). Ce rapport d’une vingtaine de pages, qui fait suite à l’audition, mi-janvier à Genève, des autorités françaises, survient alors que le troisième protocole additionnel à la CIDE va enfin entrer en vigueur en France le 7 avril prochain, trois mois après sa ratification début janvier(2).
Parmi les principales préoccupations formulées par les experts onusiens, assorties de recommandations non contraignantes, figurent notamment les châtiments corporels, la scolarisation des enfants handicapés ou la justice des mineurs. Le Comité des droits de l’enfant demande, entre autres, à la France d’augmenter le budget alloué au secteur social, avec une attention particulière pour les actions en faveur « des enfants défavorisés tels que les enfants rom, les enfants migrants, y compris les enfants demandeurs d’asile ou réfugiés, les enfants à Mayotte et dans les départements et territoires d’outre-mer ».
En matière de lutte contre les maltraitances, l’instance onusienne exhorte notamment les autorités françaises à améliorer la surveillance des institutions accueillant des enfants handicapés et, en particulier, à faciliter la dénonciation d’abus éventuels et les enquêtes sur de telles accusations dans les établissements, ainsi qu’à interdire la pratique du packing (qui consiste à envelopper l’enfant dans un linge froid et humide). Les experts des Nations Unies appellent aussi la France à interdire explicitement tous les types de châtiments corporels, que ce soit au sein de la famille, à l’école ou dans les structures d’accueil de jeunes enfants, « aucune violence à l’encontre des enfants [n’étant] justifiable ». Le comité souhaite par ailleurs voir substituer à l’expression d’« autorité parentale » celle de « responsabilité parentale », plus conforme au respect des droits des enfants.
A propos des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE), les experts de l’ONU s’inquiètent, entre autres, du fait que les enfants présentant des troubles et des handicaps y soient surreprésentés. Et réclament, plus généralement, que tout soit mis en œuvre pour favoriser le maintien dans la famille quand cela est possible ou pour préférer, le cas échéant, le placement familial à l’accueil en établissement.
Quant aux enfants en situation de handicap, le comité estime que, malgré les efforts entrepris à la suite de la loi du 11 février 2005, ils subissent toujours des retards dans leur inclusion sociale, en particulier en ce qui concerne les enfants polyhandicapés ou autistes, et dans le domaine de la scolarisation, qui souffre d’un manque de professionnels formés et de matériel adapté – des manquements que la France est invitée à corriger dans les meilleurs délais.
A propos des mineurs étrangers demandeurs d’asile, réfugiés ou isolés, les experts critiquent vivement la prise en compte insuffisante de l’intérêt supérieur de l’enfant, pointant du doigt le placement en zone d’attente ou en rétention administrative et la persistance des tests osseux pour la détermination de l’âge, une pratique à laquelle l’ONU demande de mettre fin.
Pour ce qui est de l’enfant en justice, enfin, le rapport exhorte la France à fixer un âge minimum de responsabilité pénale qui soit au moins égal à 13 ans, à ne pas traiter en adultes les justiciables de moins de 16 ans, y compris en détention, ou à fournir les moyens nécessaires au bon fonctionnement des tribunaux pour enfants.
« Consciente des progrès qu’il lui reste à accomplir à partir des recommandations du comité, la France orientera ses politiques publiques dans le respect des droits de l’enfant », indique la secrétaire d’Etat chargée de l’enfance et de la famille dans un communiqué du même jour. « La formation “enfance” du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, prévue dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement[3] y veillera », affirme ainsi Laurence Rossignol. « Elle sera en effet chargée du suivi des observations du comité et permettra un lien constant entre les associations et institutions de l’enfance et notamment de défense et de promotion des droits de l’enfant ». Ce Haut Conseil « répondra ainsi dès le premier semestre 2016 à la recommandation du comité d’avoir une instance garante de la cohérence et de l’ambition de la stratégie globale pour l’enfance », poursuit-elle.
Mais Laurence Rossignol insiste aussi, dans son communiqué, sur « les nombreuses évolutions positives » soulignées par le comité, en particulier « l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies depuis 2012, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance, de l’éducation et de la lutte contre la pauvreté ». Selon elle, le comité « note également avec satisfaction les 60 000 créations de postes dans l’Education nationale contribuant ainsi à une meilleure inclusion des enfants porteurs de handicap ».
(1) Concluding observations on the fifth report of France, Committee on the rights of the child, 29 janvier 2016 – Disponible en anglais sur