Après deux ans d’application du dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers (MIE), une circulaire interministérielle appelle à la mobilisation des services de l’Etat auprès des conseils départementaux et précise l’articulation des différents régimes juridiques applicables aux mineurs isolés et aux jeunes majeurs étrangers. Datée du 25 janvier et signée des ministres de l’Education nationale, de la Justice, des Affaires sociales, de l’Intérieur et de la secrétaire d’Etat chargée de la famille et de l’enfance, elle a été adressée aux préfets, aux recteurs d’académie et aux directeurs généraux des agences régionales de santé.
Le texte complète la circulaire « Taubira » du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers, dont plusieurs lignes ont été annulées il y a un an par le Conseil d’Etat, sans porter un coup fatal au dispositif(1). Un dispositif qui, comme son nom l’indique, se divise en plusieurs étapes – mise à l’abri, évaluation de la minorité et de l’isolement du mineur, orientation et prise en charge – et instaure une double solidarité : de l’Etat envers les départements, d’une part, par l’appui logistique et financier qu’il leur apporte au cours de l’évaluation sociale du jeune ; entre les départements, d’autre part, par la répartition géographique des prises en charge(2).
Toutefois, les départements ne disposent pas toujours des informations nécessaires pour travailler avec les services de l’Etat dans le cadre de l’évaluation sociale, expliquent les ministres. Ils font part, de plus, d’importantes difficultés pour la prise en charge des mineurs isolés étrangers en raison de l’augmentation du nombre des accueils. Ils déplorent également les obstacles administratifs qu’ils rencontrent dans les démarches pour l’accès à la santé, à la scolarité, à la formation professionnelle des jeunes étrangers qu’ils accompagnent. Enfin, insistent les ministres, ils alertent sur le « risque d’embolie du dispositif lié à l’absence de perspective de sortie de l’aide sociale à l’enfance [ASE] pour ces jeunes ». En 27 pages – dont 21 pages d’annexe –, la circulaire interministérielle entend répondre à ces constats en précisant notamment l’articulation entre les conseils départementaux et les services de l’Etat dans leurs champs de compétence respectifs.
Le dispositif national est censé permettre une évaluation de qualité de la minorité et de l’isolement des jeunes « afin de réserver l’accès à la prise en charge au sein de la protection de l’enfance aux seuls mineurs en danger ». La circulaire insiste sur le rôle des conseils départementaux à cette étape. Il détaille, dans une première annexe, la trame d’évaluation sur la base de laquelle les évaluateurs de la minorité et de l’isolement doivent conduire l’entretien d’un jeune. Les éléments recueillis « constitueront un faisceau d’indices qui permettra à l’évaluateur d’apprécier si le jeune peut ou non avoir l’âge qu’il affirme avoir ». Si l’entretien ne permet pas une appréciation fondée de la minorité, un examen médical peut alors être envisagé, suivant un protocole lui aussi détaillé en annexe de la circulaire.
Lorsque l’intéressé produit un acte d’état civil, la validité de celui-ci suppose qu’il puisse lui être rattaché sans contestation et que l’autorité administrative ou judiciaire n’en conteste pas l’authenticité. En cas de doute sur l’âge du jeune, « la saisine rapide des services de l’Etat par les conseils départementaux dans la période des cinq premiers jours de mise à l’abri participera à la réalisation de l’évaluation de la minorité la plus étayée possible dans les meilleurs délais », indiquent les ministres. Les conditions de cette saisine sont détaillées en annexe de la circulaire.
En cas de doute à l’issue de l’évaluation, ce dernier profite à la personne.
En cas de majorité avérée, le jeune doit se voir remettre un document indiquant qu’une prise en charge au titre de la protection de l’enfance lui a été refusée pour cette raison.
Privés de la protection de leur famille, les mineurs isolés relèvent de la protection de l’enfance. Pour autant, ils ont affaire à l’Etat dans ses domaines de compétence, notamment la santé et l’éducation. Pour faciliter la scolarisation et l’accès aux dispositifs de formation de droit commun des mineurs isolés étrangers, le ministère de l’Education nationale rappelle ainsi, dans une annexe à la circulaire, le cadre juridique en matière de scolarisation selon les âges. Il décrit également les dispositifs spécifiques existants pour faciliter l’articulation entre les différents acteurs du dispositif et garantir qu’une attention particulière est portée au droit à la scolarité des MIE, y compris après l’âge de 16 ans et pour les non-francophones.
La circulaire évoque encore l’accès à la formation professionnelle des mineurs isolés pendant leur minorité. Celle-ci peut revêtir plusieurs formes, du stage en entreprise à l’inscription dans une formation professionnelle qualifiante. « Afin de clarifier et d’expliciter les démarches à effectuer pour bénéficier des formations », les ministres détaillent – toujours en annexe – les modalités d’accès à la formation professionnelle, en précisant les compétences de la préfecture et de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ainsi que les modalités d’instruction.
Enfin, la circulaire aborde la question de l’accès au séjour des jeunes pris en charge par l’ASE. L’obligation de détenir un titre de séjour concerne les étrangers âgés de 18 ans, rappelle ainsi le texte, mais selon qu’ils ont été pris en charge par l’ASE avant ou après l’âge de 16 ans, un titre de séjour leur sera accordé de plein droit ou sous condition, à titre exceptionnel. Afin de clarifier et d’expliciter les démarches à effectuer pour la demande de titre de séjour, la circulaire détaille les procédures en annexe, en précisant les modalités d’instruction et les compétences de la préfecture et de la Direccte. Elle détaille également les modalités de la « coopération renforcée » demandée aux conseils départementaux et aux services compétents de l’Etat en la matière. « Un protocole adapté aux circonstances et besoins locaux entre le préfet et le président du conseil départemental [doit] fixer les modalités de cette coopération, désigner des interlocuteurs référents et prévoir les modalités de dépôt anticipé des demandes de titre de séjour de nature à permettre à l’autorité préfectorale de statuer dès la majorité de l’intéressé sur sa situation au regard du séjour », indique le texte. Deux autres annexes rappellent par ailleurs, en en détaillant les modalités, qu’un mineur isolé peut :
→ s’il s’y estime fondé, déposer une demande d’asile en son nom propre ;
→ dès lors qu’il a été confié à l’ASE depuis au moins trois ans, réclamer la nationalité française avant sa majorité.
(2) Un texte législatif actuellement en cours d’examen – « proposition de loi relative à la protection de l’enfant » – doit permettre d’asseoir le dispositif. Un décret d’application harmonisera les conditions d’évaluation de la minorité et de l’isolement des intéressés. Dans l’attente, la cellule nationale d’appui et d’orientation continue de répondre aux sollicitations des parquets.