« La garantie jeunes est un beau dispositif sur le papier, mais en aura-t-elle les moyens ? », s’inquiète Jérôme Gautié, président du comité scientifique de la garantie jeunes. La question est centrale. De fait, les missions locales qui ont mis en œuvre la garantie jeunes dès 2013 ont touché des crédits d’accompagnement de 1 600 € mensuels par jeune, soit une somme importante au regard des autres dispositifs d’accompagnement. Considéré comme favorable en 2013, le budget alloué par l’Etat avec l’appui de fonds européens – en provenance de l’Initiative pour l’emploi des jeunes [IEJ] et du Fonds social européen – n’est toutefois plus aussi avantageux depuis que les modalités d’attribution et de versement se sont durcies.
Une instruction de mars 2015(1) précise en effet que les missions locales ne touchent plus que 70 % de l’allocation initiale (environ 1 200 €) lors de l’entrée d’un jeune dans le dispositif(2). 20 % supplémentaires sont alloués si les objectifs sont atteints, à savoir si le jeune est en emploi, en formation (diplômante ou qualifiante) ou a créé son entreprise ou bien s’il a réalisé au moins 80 jours effectifs d’expériences professionnelles. Or, compte tenu du public accueilli, il sera sans doute difficile d’y parvenir pour tous. Dans ce contexte, « certaines missions locales intègrent d’ores et déjà cette part de risque en prévoyant dès le départ qu’elles n’atteindront pas 1 600 € par jeune », explique Claire Fabre, chargée de mission à l’Union nationale des missions locales (UNML). Des missions locales ont également pris le parti de concentrer leurs efforts sur l’emploi, comme celle de Chambéry. Mais, même dans ces conditions, cette dernière pense ne pas pouvoir atteindre les objectifs.
Quant aux 10 % restants de l’allocation, la mission locale ne les touchera que si elle renseigne minutieusement le dossier administratif du jeune. « L’Etat avance les fonds mais, s’il veut se faire rembourser par la Commission européenne comme le prévoit la politique européenne pour l’emploi des jeunes [voir encadré ci-contre] , il a besoin de justifier la situation de chaque jeune, d’où cette obligation nouvelle de reporting », explique Claire Fabre. Une charge de travail supplémentaire qui a un coût pour les missions locales. « Certes, il est nécessaire de vérifier l’utilisation de fonds publics mais nous basculons là dans une quote-part administrative exagérée, qui détourne les missions locales de l’accompagnement. Si l’on veut que la garantie jeunes continue à fonctionner avec d’aussi bons résultats, il faut simplifier, sinon la démarche risque de capoter », s’alarme Dominique Séry, directeur de la mission locale Nord de la Réunion. « La garantie jeunes est une opportunité très positive, il ne faudrait pas qu’elle s’embourbe dans des logiques administratives qui vont à l’encontre de l’innovation », pointe également Claire Fabre.
La situation est d’autant plus tendue que la mise en œuvre de la garantie jeunes s’accompagne souvent de frais importants, pas toujours bien anticipés, en particulier en matière de locaux. Avec un objectif d’accueil de 500 jeunes par an, la mission locale Nord de la Réunion a par exemple dû se doter de nouveaux espaces d’accueil pour lesquels elle a été contrainte de faire appel à des subventions croisées. Hervé Hénon, secrétaire national de l’UNML, se montre toutefois confiant : « Malgré les difficultés, les missions locales ont parfaitement joué le jeu jusqu’à présent. Pour la suite, nous travaillons avec l’Etat sur la soutenabilité économique de la démarche dans le sens de sa sécurisation et de sa consolidation. »
Dans une recommandation d’avril 2013 concernant l’établissement d’une « garantie européenne pour la jeunesse », le Conseil de l’Union européenne (UE) a demandé aux Etats membres de veiller à ce que les jeunes de moins de 25 ans se voient proposer « un emploi de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage » dans un délai de quatre mois suivant la perte de leur emploi ou de la sortie du système éducatif. Lors de la conférence européenne pour l’emploi des jeunes en novembre 2013, les dirigeants européens se sont donné deux ans pour instaurer cette garantie avec des financements européens à la clé. Traduction française de cette démarche, le « plan français de mise en œuvre de la garantie européenne pour la jeunesse », dont la garantie jeunes est une composante importante, est le premier plan à avoir été validé par Bruxelles. Aussi la garantie jeunes est-elle scrutée avec attention par l’UE.
(2) Cela vaut pour la première année de mise en œuvre de la garantie jeunes. Dès la deuxième année, l’acompte n’est plus que de 50 %.