Il s’en est fallu de peu. Après avoir craint de devoir fermer ses portes d’ici à quelques mois, l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (Ifcass) – établissement atypique situé à Dieppe (Seine-Maritime) – accueillera de nouvelles promotions dès le mois de mars. Sauvé in extremi s par des crédits promis par la ministre des Outre-Mer.
Près de 60 ans après la création du Centre d’éducation des monitrices de la jeunesse d’Algérie, dont il est l’héritier, l’institut poursuit des missions historiques qui justifient l’intervention de George Pau-Langevin. A la suite de plusieurs changements de tutelle et après être devenu le Centre de formation du ministère des Affaires sociales et de la Solidarité, il a été transformé, en 1997, en un groupement d’intérêt public (GIP) constitué aujourd’hui du ministère chargé de l’outre-mer, de la ville et du centre hospitalier de Dieppe et de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (ADOM). Selon sa convention constitutive, l’objet du groupement est d’« assurer en priorité la formation de jeunes (hommes et femmes) originaires d’outre-mer résidant dans leur département ou territoire d’origine ». Il peut aussi, « en liaison avec les acteurs et partenaires locaux, développer des activités de formation et d’insertion à destination des jeunes de l’agglomération dieppoise ». C’est à ce titre que la grande majorité des quelque 300 étudiants accueillis chaque année à l’Ifcass sont ultramarins, hébergés en internat. L’institut, qui s’est doté d’une vocation sociale et affiche un fort taux d’insertion professionnelle de ses promotions, prépare notamment aux concours d’entrée aux instituts de formation en travail social et aux diplômes d’aide médico-psychologique et d’auxiliaire de vie sociale.
L’année 2011 a marqué le début de ses difficultés, le ministère des Affaires sociales s’étant à ce moment retiré du GIP et de son financement. Une décision motivée par la décentralisation des formations sanitaires et sociales, confirme-t-on à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Avec ce manque à gagner de 1,6 million d’euros, l’établissement, qui emploie une quarantaine de salariés, devait cette année trouver 1,1 million d’euros pour boucler son budget.
Face à une situation devenue inextricable, la mobilisation locale a pris de l’ampleur. Après avoir demandé l’arbitrage de Matignon, une délégation, composée de représentants du personnel, d’étudiants, du maire de Dieppe Stéphane Jumel (PCF), et soutenue par Marie Le Vern, députée (PS) de Seine-Maritime, a finalement été reçue le 22 janvier par George Pau-Langevin, mandatée par Manuel Valls. « Outre-mer, les besoins de compétences dans le secteur sanitaire et social sont avérés et l’accès des jeunes à l’emploi y est une priorité : cet outil de formation, défendu par la députée Marie Le Vern et les élus normands, doit être sauvegardé », a fait savoir George Pau-Langevin dans un communiqué. Et de préciser qu’elle s’est mobilisée, « avec le soutien du Premier ministre », pour définir « les conditions de poursuite de l’activité de l’établissement ». La ministre ajoute que cet engagement « se concrétisera très rapidement par la réouverture des inscriptions pour la rentrée 2016 et par l’adoption, dans les prochaines semaines, d’un budget modificatif dotant l’institut des moyens nécessaires à son fonctionnement ». Le ministère va allouer à l’établissement « une subvention de 740 000 €, l’ADOM va augmenter sa participation de 1,1 à 1,4 million d’euros, et il y aura une mission d’accompagnement pour étudier comment pérenniser l’établissement », précise Anne Letainturier, représentante du personnel et membre du conseil d’administration de l’Ifcass.
La réponse ministérielle, si elle évite le couperet de la fermeture, est loin d’éloigner toutes les craintes. « Sous quelle forme et dans quels délais ces crédits seront-ils accordés ? », s’interroge la représentante du personnel, exprimant des inquiétudes sur le maintien des emplois. Ce soutien permettra à l’Ifcass d’assurer ses formations jusqu’en juin 2017. Mais ensuite ? Reste à régler les questions de fond, a notamment réagi le maire de Dieppe, craignant une « énième rustine ». « Nous avons du mal à obtenir que l’Etat se mette autour de la table pour prendre ses responsabilités », argue Anne Letainturier, relevant que « la convention constitutive de l’Ifcass n’a pas été réécrite alors que le ministère des Affaires sociales s’est désengagé ».
L’implication du seul ministère des Outre-Mer auprès de cet établissement de formation est source d’interrogations. Alors qu’une partie des personnels de l’Ifcass est constituée de fonctionnaires du ministère des Affaires sociales et de l’Education nationale, « ces derniers pourraient au moins être mis à disposition », suggère Anne Letainturier. Les collectivités locales accepteront-elles de soutenir l’établissement ? La région intervient pour l’heure dans les financements dans le cadre de marchés publics pour la formation des demandeurs d’emploi et des professionnels en poste – ce qui concerne les étudiants normands. Guy Néel, directeur de l’Ifcass, précise quant à lui que l’établissement s’est déjà engagé dans un processus d’économies (quatre équivalents temps plein ont été perdus sur trois exercices budgétaires). Il table désormais sur la mission d’appui promise par George Pau-Langevin. « Elle doit permettre une analyse globale de la situation pour dégager des pistes financières », espère le directeur de l’Ifcass.