Saisi par plus de 60 députés et sénateurs, le Conseil constitutionnel a, le 21 janvier, validé la loi de modernisation de notre système de santé, adoptée par le Parlement le 17 décembre dernier(1), à l’exception, principalement, du mécanisme du tiers payant obligatoire pour les organismes de protection complémentaire santé (mutuelles, assurances…).
La Haute Juridiction a écarté les griefs des parlementaires concernant la généralisation, par étapes, du tiers payant pour les soins de ville, pour la part couverte par l’assurance maladie. Mais il a jugé non conformes à la Constitution les dispositions de l’article 83 de la loi rendant obligatoire, à compter du 1er janvier 2017, le tiers payant pour les organismes de protection complémentaire santé, au motif que le législateur n’a pas suffisamment encadré ce dispositif et a ainsi « méconnu l’étendue de sa propre compétence ».La ministre des Affaires sociales et de la Santé a reconnu, dans un communiqué, que cette décision « modifie l’étape du 30 novembre 2017 du tiers payant généralisé ». Le nouveau calendrier est donc le suivant :
→ au 1er juillet 2016, les professionnels de santé pourront pratiquer le tiers payant pour tous les patients couverts à 100 % par la sécurité sociale ;
→ au 31 décembre 2016, le tiers payant deviendra un droit pour ces 15 millions de patients ;
→ au 1er janvier 2017, les professionnels de santé pourront proposer le tiers payant à tous leurs patients ;
→ au 30 novembre 2017, le tiers payant deviendra un droit pour tous les Français, mais uniquement pour la partie remboursée par la sécurité sociale. « Les professionnels de santé pourront en plus proposer le tiers payant pour la partie remboursée par les complémentaires santé. Celles-ci auront l’obligation de le proposer aux assurés dans le cadre des contrats responsables (plus de 90 % des contrats)[2] », a précisé Marisol Touraine.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a aussi invalidé le paragraphe IX de l’article 107 de la loi qui habilite le gouvernement à définir par ordonnances les règles budgétaires et comptables régissant les relations entre les établissements publics parties à un même groupement hospitalier de territoire. Motif : il omettait de fixer la date à laquelle le projet de loi de ratification des ordonnances devait être déposé devant le Parlement.
D’autres dispositions de la loi attaquées par les parlementaires ont en revanche été jugées conformes à la Constitution. C’est le cas des articles 41 et 43 qui donnent un cadre législatif à la politique de réduction des risques pour les consommateurs de drogues et instituent, à titre expérimental, des salles de consommation des drogues à moindre risque. Contrairement à ce que soutenaient les requérants, les Sages ont en effet considéré que « le législateur a précisément défini les actions pouvant être menées dans le cadre de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues ». Il a également « défini de façon suffisamment précise l’objet et les conditions des expérimentations […] et le champ de l’immunité » pénale prévue pour « les personnes détenant pour leur usage personnel et consommant des stupéfiants à l’intérieur d’une salle de consommation ».
Egalement validé l’article 82 de la loi, qui supprime le délai d’une semaine entre la demande d’interruption volontaire de grossesse et la confirmation écrite de cette demande. « Aucune exigence constitutionnelle n’impose de façon générale le respect d’un délai de réflexion préalablement à la réalisation d’un acte médical ou chirurgical », a estimé le Conseil.
La Haute Juridiction a par ailleurs jugé conformes à la Constitution, notamment :
→ certaines dispositions de l’article 99 de la loi qui prévoient que les établissements publics et privés qui assurent le service public hospitalier, et les professionnels de santé exerçant en leur sein, doivent garantir aux patients l’absence de facturation de dépassements d’honoraires ;
→ l’article 109 de la loi, qui instaure un contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes sur les établissements et services privés à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles et à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique dès lors qu’ils sont financés par l’Etat ou par un de ses établissements publics, par une collectivité territoriale, par un établissement public ou un groupement d’intérêt public relevant lui-même de la compétence de la chambre régionale des comptes, ou par un organisme de sécurité sociale.
(2) Sont qualifiés de « responsables » les contrats qui respectent un cahier des charges précis avec un niveau minimal de couverture pour les dépenses de santé les plus courantes et des mesures incitant par exemple à respecter le parcours de soins coordonné ou décourageant les consultations chez les professionnels pratiquant d’importants dépassements d’honoraires.