Située à Rennes, l’association Enjeux d’enfants(1) organise des visites médiatisées en parloir dans tout le Grand Ouest, de Nantes à Cherbourg, en passant par Brest, en complémentarité avec les autres acteurs du territoire. Forte de six salariés, dont trois travailleurs sociaux, et d’une trentaine de bénévoles, Enjeux d’enfants fait partie des partenaires de la Fédération des REP, sans pour autant en être adhérente. Elle applique une procédure très rigoureuse, que ce soit pour recruter ses bénévoles, qui doivent effectuer un long parcours d’intégration, ou pour mettre en œuvre un accompagnement.
« Notre phase d’évaluation débute quand on reçoit une demande écrite d’un parent incarcéré, explique Valérie Troadec, éducatrice spécialisée. On cherche alors à en savoir plus sur la situation pénale et familiale du détenu : pourquoi est-il incarcéré ?, depuis quand ?, est-ce que l’enfant le sait ?, etc. » L’association contacte ensuite la famille ou les services sociaux qui prennent en charge l’enfant à l’extérieur. Elle s’entretient ainsi avec le parent hébergeant pour que ce dernier évoque la relation entre l’enfant et son parent détenu, puis elle rencontre l’enfant pour savoir où il en est. Une charte d’engagement est également signée par les deux parents. « On ne part pas dans l’idée d’accompagner à tout prix au parloir, précise l’éducatrice spécialisée . Mais on essaie toujours de comprendre pourquoi un enfant refuse un parloir : parce qu’il en a peur ? parce qu’il ne veut pas attrister sa mère ? On peut jouer le tiers qui transmet des messages au père plusieurs fois avant que l’enfant soit prêt à le rencontrer au parloir. »
Chaque situation donne lieu à la rédaction d’un projet d’accompagnement spécifique. « On travaille sur la relation entre l’enfant et son parent : aider le père à mettre des mots sur son acte, à être attentif aux besoins de son enfant, etc. Cela donne un sens à notre action », poursuit Valérie Troadec. Après chaque parloir, le bénévole chargé de l’accompagnement rédige une note de contact. Le parent est ensuite revu seul pour dresser un bilan et tracer des perspectives. « Ces rencontres permettent de détricoter la pelote de fil pour amener le parent à travailler sur les émotions de son enfant. Il nous arrive aussi d’arrêter un accompagnement si le père n’a pas la bonne position parentale », indique l’éducatrice.
Des réunions de supervision sont organisées tous les mois et des formations thématiques chaque trimestre (quels jeux amener au parloir ?, comment fonctionnent les familles incestueuses ?, etc). En 2014, Enjeux d’enfants a conduit une recherche-action avec une association d’accueil des familles de personnes incarcérées (Brin de soleil) et le laboratoire de criminologie de l’université Rennes-2. Un groupe de parole pour enfants de parents incarcérés, âgés de 5 à 11 ans, s’est réuni durant deux heures et à plusieurs reprises dans un local proche de la prison de Vezin, à Rennes. Lectures d’ouvrages sur la prison, utilisation de marionnettes pour rejouer l’arrestation du père, dessins et constructions en bois sur l’univers carcéral, saynètes sur la vie quotidienne en l’absence d’un parent (les repas, l’école…) ou sur les parloirs… Tous ces supports ont permis aux enfants de mettre des mots sur leur situation.
« La forte présence du secret sur ce qu’est la prison et sur les raisons de l’incarcération est beaucoup ressortie, relate Valérie Troadec. Ces ateliers ont permis de débloquer la parole dans certaines familles. » Deux petites filles n’ayant pas vu leur père depuis un an sont même retournées au parloir, après en avoir discuté avec leur maman. « Faire circuler la parole a permis à ces enfants d’être plus posés et moins inquiets face à la détention. »
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