« Je savais que ce que j’avais vécu était une expérience unique, hors des sentiers battus, n’ayant pas d’équivalent dans le monde de la rééducation », résume Marie-Hélène Ray dans l’avant-propos de son livre Le Logis, une expérience éducative choc. Mais pour parler de ce foyer socio-éducatif pour adolescents situé à Argonay (Haute-Savoie) et ouvert en 1955, il lui fallait bien plus que ses propres souvenirs d’adolescente des années 1980. Aussi est-elle partie à la rencontre de celles et ceux qui, comme elle, ont été placés trente ans plus tôt dans ce lieu pas comme les autres, ainsi que de ceux qui y ont travaillé. « L’expérience même du Logis et ses principes se basant sur la force du groupe et l’importance d’une dynamique collective nécessitaient le plus de témoignages possibles », explique l’auteure.
Mais il lui paraissait également indispensable de détailler le projet pédagogique du foyer, avec ses contraintes et ses obligations liées à la vie d’un groupe de 60 adolescents aux prises avec un certain nombre de difficultés et de problèmes personnels. Elle se devait aussi de consacrer un chapitre à Pierre Lavy, l’âme du Logis. « Il ne commandait pas, il inspirait, fixant les grandes orientations pour ensuite laisser la liberté aussi bien aux éducateurs qu’aux adolescents, chacun pouvant prendre des initiatives, expérimenter, oser », écrit le sociologue Maurice Cusson dans la préface. L’ensemble compose une œuvre émouvante à mettre entre toutes les mains.
La vie d’un jeune hébergé au Logis était organisée de manière que, sans cesse, il apprenne, travaille, découvre, s’étonne, relève des défis. Sa journée commençait tôt, avec des exercices de chant et de danse. Puis il partait pour l’école, l’apprentissage ou le travail. Au retour : études, responsabilités liées à la vie quotidienne, assemblée générale ou activité sportive. Durant les jours fériés et les vacances, il enchaînait les randonnées, les camps, les voyages, les tournées de spectacles.
« Je suis entrée au Logis l’année de mes 14 ans, placée par les services de suivi éducatif en milieu ouvert. C’est mon frère qui était venu me chercher à la maison et m’avait expliqué qu’il m’emmenait dans un endroit où je serais bien. Quand je suis arrivée, j’ai vu un grand bâtiment et je me suis sentie comme dans un cocon. Je savais que j’étais là pour revivre, car chez moi, c’était la folie. Pour moi, le Logis, c’était une renaissance ! », raconte Danièle, qui y a vécu entre 1980 et 1984. « Avant d’arriver au Logis, j’avais l’impression de ne pas avoir de cerveau […], de ne pas connaître grand-chose. J’étais, tout simplement, me laissant vivre en faisant les choses de manière automatique. Le Logis m’a fait prendre conscience de ce que j’étais, m’a forgé une personnalité », explique Anne-Marie, qui y est demeurée trois ans. Alvaro, présent comme pensionnaire entre 1982 et 1986, tempère son propos : « Le Logis seul ne suffisait pas. Il fallait de la volonté pour s’en sortir, et avoir une certaine capacité à comprendre ce qu’on nous demandait. On avait besoin d’attention et d’amour aussi. Ce n’était pas facile d’être au Logis, c’était une expérience dure mais le résultat était positif. » Corinne, qui y est restée quatre ans, renchérit : « Notre quotidien n’était en rien semblable à ce que peut vivre un enfant entouré de sa famille. Tout était dans l’extrême : notre passé, notre quotidien, et ce pour nous permettre de nous reconstruire. »
Le Logis, une expérience éducative choc
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