Dans son rapport 2015(1) , l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) dresse un nouvel état des lieux de la situation des personnes non admises sur le territoire et privées de liberté aux frontières, dans des espaces « encore largement marqués par l’opacité des pratiques administratives et policières ». En septembre 2015, le ministère de l’Intérieur recensait 67 zones d’attente dans les aérogares, les ports et les gares. En 2014, ce sont 11 824 étrangers qui ont été refusés aux frontières et 8 931 placés en zone d’attente en métropole et outre-mer, dont 259 mineurs isolés « avérés ». La même année, 1 126 personnes ont déposé une demande d’asile à la frontière (28,9 % ont été admises à ce titre). Au total, 57 % des personnes maintenues en zone d’attente ont été refoulées.
A partir des informations recueillies au cours de ses permanences (physiques ou téléphoniques) – elle dispose d’un droit d’accès permanent à la zone d’attente de Roissy-Charles de Gaulle et d’un réseau de visiteurs habilités à intervenir dans toutes les autres –, l’association constate de nombreux dysfonctionnements, en se fondant sur une période de trois ans. A ses yeux, 2015 s’est inscrite « dans la continuité des tendances déjà constatées » les autres années sur les atteintes aux droits. Les premières concernent les missions des services de police dans l’information et l’exercice des droits des étrangers – notifications tardives, absence d’interprétariat, impossibilité de communiquer avec l’extérieur… L’association relève également des « entraves persistantes » dans l’exercice du droit d’asile à la frontière : « Des difficultés d’enregistrement des demandes sont dénoncées depuis de nombreuses années, or un étranger qui n’a pas fait enregistrer sa demande peut être refoulé à tout moment. ». Sans compter que les modalités de recours sont, en pratique, très peu accessibles.
La privation de liberté de mineurs, accompagnés ou non, « continue d’être pratiquée en contradiction avec les principes de droit international, de la jurisprudence européenne, du droit interne et des recommandations des instances de protection des droits de l’Homme », pointe l’ANAFE. De surcroît, souligne-t-elle, « il n’existe pas de recours permettant de suspendre le renvoi d’un mineur, renvoi qui ne devrait pouvoir être envisagé qu’une fois admis sur le territoire et si ce retour est jugé conforme à son intérêt, les conditions étant réunies pour assurer sa prise en charge effective à l’arrivée ». Malgré les avis dénonçant leur manque de fiabilité, un grand nombre d’expertises osseuses sont encore pratiquées sur des mineurs en possession d’un document d’état civil attestant de leur minorité, sur la base d’un doute fondé sur leur physique. Ce, « en violation de l’article 47 du code civil conférant aux actes d’état civil étrangers une valeur probante qui prévoit une procédure particulière » pour remettre en cause ces documents, relève l’ANAFE. Autre tendance persistante, en cas de doute, celui-ci profite à l’attestation de la majorité du jeune, non à la confirmation de sa minorité.
Pour parvenir à « un véritable droit à la santé en zone d’attente », l’ANAFE a par ailleurs lancé, en 2014, un projet étalé sur deux ans, visant à faire un état des lieux et des recommandations. Son rapport 2015 livre de premiers éléments. Contrairement à ce qui est prévu pour la rétention administrative, l’accès aux soins en zone d’attente ne fait pas l’objet de dispositions légales et ses modalités diffèrent selon les zones, relève l’association. Ainsi, seule la ZAPI 3 de la zone de Roissy dispose d’une unité médicale où les personnes maintenues peuvent se rendre librement, tandis que dans les autres zones, « les maintenus doivent s’adresser à la police aux frontières et patienter parfois plusieurs heures (ou jours) avant de pouvoir rencontrer un professionnel de la santé ».
Alors que de nombreux étrangers sont renvoyés sans avoir vu le juge des libertés et de la détention, l’association réclame de nouveau la mise en place d’une permanence d’avocats accessible gratuitement à toutes les personnes maintenues, dès leur arrivée en zone d’attente. Au vu des anomalies qui perdurent, la loi du 29 juillet 2015 réformant le droit d’asile est loin d’être satisfaisante, estime l’association. Elle déplore également le silence du projet de loi relatif aux droits des étrangers, qui a enfin atteint la fin de son parcours parlementaire, sur l’enfermement des étrangers aux frontières.
(1) Des zones d’atteintes aux droits – Novembre 2015 – Disponible sur