Depuis la naissance de l’Observatoire du SAMU social de Paris, que j’ai créé et dirigé à partir de 1996, cheminait l’idée que tout ce qui faisait l’objet d’estimations sur la précarité et l’exclusion devait donner lieu à des travaux de recherche scientifique regroupant les dimensions sociale, médico-sociale et de santé publique, au-delà des champs de l’observation socio-économique ou médicale habituellement explorés. Le projet est aussi né du constat qu’au CASH de Nanterre, établissement public ayant pour mission l’accueil et l’hébergement des personnes sans abri, le service public hospitalier et l’hébergement et le soin des personnes âgées et handicapées, l’articulation entre le sanitaire et le social est une réalité. Mais nous n’avions pas d’outil pour valoriser les pratiques de l’établissement et renforcer ses connaissances scientifiques. L’idée de faire travailler ensemble les chercheurs et les professionnels est donc apparue comme une perspective intéressante : nous avons pris contact avec l’université Paris-Ouest, et pas moins d’une quinzaine de laboratoires de recherche se sont montrés intéressés par le fait de pouvoir bénéficier des apports du terrain sur les questions de précarité. La signature de la convention constitutive d’un groupement d’enseignement et de recherche interdisciplinaire va permettre des travaux sur les populations précaires pilotés par l’université et l’IPES, sur des thématiques pluriprofessionnelles incluant la psychiatrie, le vieillissement, le handicap, et avec une approche pluridisciplinaire – de santé publique, socioanthropologique, psychologique, économique…
L’objectif est, à terme, de créer un « campus » au sein du CASH, qui comprendra son institut de formation en soins infirmiers, son institut de formation des aides-soignants et son institut de formation des auxiliaires de puériculture, ainsi que de nouvelles filières de formations initiales sociales et médico-sociales, que nous souhaitons créer en partenariat avec des établissements de formation en travail social. Il s’agit également de proposer des programmes de formation continue – modules pluridisciplinaires, séminaires ou enseignements post-universitaires faisant intervenir des professionnels du social, du médico-social, du sanitaire, des psychologues… Alors que le CASH accueille déjà des stagiaires de diverses formations – infirmiers, aides-soignants, assistants de service social, éducateurs spécialisés… –, nous allons particulièrement valoriser et formaliser cet accompagnement pour les étudiants en licence et master, notamment dans le cadre de la réalisation de leur mémoire.
Outre une unité de recherche, un centre de formation et une unité d’accueil et d’encadrement des stagiaires, l’institut abritera un centre documentaire et un centre de réflexion éthique. Coordonné par le professeur Christian Hervé, professeur de médecine légale et de droit de la santé, il portera, d’une part, les réflexions sur l’éthique de la recherche, concernant notamment les programmes envisagés, et pourra, d’autre part, intervenir en soutien des équipes de l’établissement. L’IPES aura, par ailleurs, vocation à accompagner l’évaluation des pratiques en interne.
L’IPES est pour l’instant une unité du CASH, qui doit s’autofinancer, mais notre ambition est de constituer une fondation qui pourra recourir à des partenaires pour financer des études. Les premiers travaux avec l’université vont être lancés en 2016, avec l’objectif d’en faire la présentation lors de notre prochain symposium, en 2017. Le premier programme de recherche va porter sur l’analyse des nouvelles populations précaires – on sait que les grands précaires sont moins nombreux mais qu’est arrivé un nouveau public du fait de la crise –, la problématique des femmes à la rue, ou encore l’approche médico-économique du coût de la précarité, du financement et de l’évolution des droits.