Si, en 2015, l’Etat a engagé des mesures allant dans le sens de l’amélioration de la situation de l’hébergement – plan de résorption des nuitées hôtelières, d’accueil des migrants, renforcement des capacités des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), réalisation de diagnostics territoriaux sur le mal-logement… –, « la logique urgentiste de création de places de mise à l’abri et d’hébergement précaire, sans accompagnement global ni perspective de sortie vers le logement persiste », constate de nouveau la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) à l’occasion de ses deuxièmes assises pour l’accès au logement des personnes sans abri, organisées les 26 et 27 janvier à Paris. Ainsi, « 40 000 personnes sont toujours hébergées à l’hôtel et la gestion au thermomètre de l’hébergement perdure. Quant à la production de logements sociaux, elle stagne bien en deçà de l’engagement des 150 000 opérations par an, avec une difficulté persistante à produire une offre réellement accessible aux plus précaires. » Des observations qui rejoignent celles de la Fondation Abbé-Pierre, qui, le lendemain, présentait son rapport annuel (voir ce numéro, page 12).
Pour la deuxième année consécutive, la FNARS illustre la situation et les évolutions à l’œuvre par une enquête menée auprès des 115/SIAO (services intégrés d’accueil et d’orientation) de 18 départements, entre le 15 décembre et le 10 janvier derniers. Les résultats montrent qu’entre 2013 et 2015, 15 départements sur 18 ont bénéficié d’une augmentation de leurs places d’hébergement d’urgence (8 700 places supplémentaires au total) – créations ou pérennisations –, avec des volumes hétérogènes selon les territoires. Mais, selon l’enquête, les trois quarts des nouvelles places sont des places hôtelières qui, dans les départements enquêtés, représentent 60 % du parc d’hébergement d’urgence, avec cependant des situations très variables. Malgré tout, dix départements déclarent que leur territoire s’est engagé dans un plan de résorption des nuitées hôtelières. La FNARS relève en outre que les principes de continuité et de non-remise à la rue ne sont pas respectés : dans la moitié des départements enquêtés, une part importante des places proposées ne permet pas aux personnes de rester hébergées jusqu’à ce qu’une solution adaptée à leur situation leur soit proposée. Dans 15 des 18 départements, des places sont ouvertes uniquement la nuit, avec remise à la rue systématique le matin.
Bien que des réunions de pilotage de la veille saisonnière se soient déroulées dans la plupart des départements, conformément aux orientations ministérielles, dans 14 d’entre eux, « une partie des places hivernales n’est ouverte qu’en cas de chute des températures et des périodes de grand froid ». Si la FNARS a constaté un moindre recours aux gymnases et aux accueils de jour et de nuit, les places mobilisées (4 400 places supplémentaires au début janvier dans les départements enquêtés) restent « essentiellement des solutions de mise à l’abri ». Et malgré le renforcement des dispositifs de veille sociale, ces derniers demeurent insuffisamment « soutenus pour accueillir, évaluer et accompagner les personnes hébergées et favoriser leur accès à des solutions plus pérennes ». Sur les 18 départements, seulement 12 déclarent être en capacité de proposer des évaluations sociales à l’ensemble des personnes hébergées cet hiver.
Le parc d’hébergement hors urgence évolue peu : dans les 18 départements, il atteint 24 000 places et est constitué majoritairement de places d’hébergement d’insertion (41 %), soit dans les mêmes proportions que dans l’enquête ES (établissements sociaux) réalisée par la DREES en 2012. Les places en logement accompagné ont, cependant, augmenté dans neuf départements. Reste que dans 14 départements, 29 000 ménages (58 000 personnes) étaient en attente d’une orientation par les SIAO au 1er décembre dernier, dont 62 % vers une place d’hébergement, 30 % vers une place de logement accompagné et 8 % vers un logement.
Face à ces constats, la FNARS, rappelant ses demandes faites en 2015 et dressant le bilan des mesures engagées, a rendu public, lors de ses assises, un nouveau « Pacte pour l’accès au logement des personnes sans abri ». Celui-ci s’adresse à l’Etat, aux collectivités locales ainsi qu’aux associations, dans l’esprit d’un appel à une « une mobilisation collective », espère-t-elle. Parmi la quarantaine de propositions formulées, la fédération demande de nouveau, pour garantir l’accès à un « chez-soi digne, pérenne et adapté à toutes les personnes sans abri ou hébergées temporairement », de garantir à toute personne sans abri un accueil immédiat et continu, « fondé sur le seul motif de la détresse sociale ». Sur ce volet, elle dresse un bilan contrasté du plan de résorption des nuitées hôtelières : les capacités hôtelières « diminuent parfois avant que les alternatives ne montent en charge »et les solutions proposées ne sont pas forcément adaptées aux publics concernés, en raison de leur statut administratif. La FNARS souhaite que l’évaluation et l’accompagnement des personnes soient systématisés par le développement de services mobiles pluridisciplinaires intervenant dans les structures et les dispositifs de la veille sociale. Tous les acteurs de l’hébergement et du logement devraient, propose-t-elle encore, être réunis sous l’égide des préfets dès le 1er février prochain, pour éviter les remises à la rue à la fin de l’hiver. Favoriser les régularisations à titre humanitaire fait partie de ses préconisations pour permettre l’accès aux droits et les parcours d’insertion.
L’association rappelle la nécessité de développer une offre de logements accessibles aux plus fragiles : « le principe d’une loi de programmation pluriannuelle, demandée depuis 2012, n’a pas été retenu », souligne la FNARS, ajoutant que, malgré les diagnostics à « 360° », « la programmation nationale des ressources est encore largement déconnectée de la planification locale ». Elle réclame une politique de prévention, des mesures de solvabilisation des ménages par la revalorisation des aides personnelles au logement, et réitère la demande du secteur associatif de voir instaurer un moratoire sur les expulsions locatives, avec indemnisation des propriétaires. Alors que l’accompagnement social, pourtant l’un des axes du plan « pauvreté » et l’un des enjeux du plan d’action pour le travail social, demeure « menacé par les contraintes budgétaires », la fédération réclame une nouvelle fois l’inscription d’un droit à l’accompagnement dans le code de l’action sociale et des familles. Elle suggère également d’expérimenter des plateformes pluridisciplinaires d’accompagnement, permettant la coordination des actions. Autre piste : développer dans les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées « des chartes départementales de l’accompagnement social », définissant, à partir d’une analyse des besoins, « l’offre nécessaire à développer, les articulations entre les différents dispositifs, leur répartition selon les publics, leur mutualisation, leurs financements ».