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Une ronde de dispositifs

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A la croisée du travail social et de la santé mentale, de nombreux dispositifs ont été créés pour prendre en charge les adolescents de l’agglomération lyonnaise qui mettent les institutions en difficulté.

Christian Laval et Bertrand Ravon ont identifié quatre générations de dispositifs, qui ont été progressivement mis en place dans l’agglomération lyonnaise, depuis une trentaine d’années, pour venir en aide aux adolescents. Ce sont des modalités interinstitutionnelles de prise en charge qui, pour la plupart d’entre elles, se sont déployées à l’articulation du médico-social, de la pédopsychiatrie, de la protection de l’enfance, de la politique de la ville et de la protection judiciaire de la jeunesse. Les trois premières générations sont constituées de dispositifs thématiques – toujours interdisciplinaires et fonctionnant dans une logique de décloisonnement des interventions.

Ouvrir l’institution

Il y a d’abord, au début des années 1980, la thématique de l’accès aux soins psychiatriques, mais en dehors de l’hôpital ou bien à l’intérieur de celui-ci par l’aménagement de services spécifiques aux adolescents. Dans le premier cas, cela suppose qu’il y ait des psychiatres qui sortent de l’hôpital – ce qui donnera par exemple lieu à la mise en place, dans le sud-ouest de l’agglomération, d’une instance de liaison entre psychiatres et travailleurs sociaux, le « Forum adolescent ». Dans le cas de la création d’unités d’hospitalisation psychiatrique pour adolescents, ce sont les travailleurs sociaux, par ailleurs en charge des jeunes patients, qui rentrent à l’hôpital. « Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de déterritorialiser les lieux du soin psychiatrique en s’ouvrant à d’autres pratiques et à d’autres savoirs pour tenter d’assurer la continuité du soin en direction d’adolescents mettant à mal les institutions de prise en charge classique (établissements socio-éducatifs ou psychiatriques) », expliquent les chercheurs, pour qui cette transformation de l’accès au soin psychiatrique pour les adolescents en grande difficulté signe le passage de la psychiatrie à la santé mentale.

A cet égard, la notion de « souffrance psychique » a joué un rôle central. Elle est au cœur des dispositifs de deuxième génération, qui ont été montés à la fin des années 1980 autour de la thématique de l’écoute. Ces lieux d’écoute fonctionnent aussi bien à l’intérieur des institutions, celles de la psychiatrie et du travail social notamment, qu’à l’extérieur de celles-ci. « Ce sont des dispositifs qui rassemblent en réseau des psychologues plutôt que des psychiatres et, parmi les travailleurs sociaux, surtout des éducateurs », précise Bertrand Ravon. Afin que les adolescents se rapprochent des « écoutants », ces derniers assouplissent les conditions de la rencontre. Les lieux d’écoute, du type « point accueil écoute jeunes » de Lyon, « se présentent, à l’inverse des institutions sociales ou de soins classiques, comme des lieux où les exigences relatives à l’accès et à l’engagement du public visé sont réduites au minimum ».

Une troisième thématique, au milieu des années 1990, va avec la notion d’insertion, d’activation, de responsabilisation : il s’agit de faire bouger les jeunes. Les professionnels, qui participent à ces dispositifs « de capacitation », au sens de capacité à agir, sont des accompagnateurs du type mission locale, politique de la ville, des éducateurs qui travaillent dans les chantiers d’insertion. « On est là plutôt dans de l’interinstitutionnel intertravail social et insertion, donc dans de l’accompagnement social au sens fort du terme, même si souvent des psys – psychiatres, psychologues, infirmiers, ça dépend des dispositifs – interviennent aussi », détaille Bertrand Ravon. Il y a également, dans cette troisième génération, les programmes de réussite éducative, qui se situent, eux, au carrefour du travail social et de l’Education nationale, et se soucient souvent aussi de la santé mentale des adolescents repérés initialement à travers leurs « fragilités » scolaires. « Travailleurs sociaux, professionnels de santé et enseignants critiques sur l’inadaptation des collèges pour répondre aux décrocheurs vont fabriquer des sas de reprise de l’école, mais qui sont en dehors de ses murs. »

« Dispositifs au carré »

Enfin, dans les années 2000, une quatrième génération de dispositifs voit le jour. « Nous les avons appelés “dispositifs au carré” parce qu’ils visent à synchroniser les interventions qui sont éclatées dans les différents dispositifs des trois premières générations », commente Bertrand Ravon. L’idée n’est plus tant d’innover que de « redistribuer, compte tenu des échecs vécus, les forces en présence, afin de rendre l’action à nouveau efficace ». La maison des adolescents du Rhône, qui ouvre à Lyon en 2007, s’inscrit dans cette perspective de remaillage du réseau sanitaire, social et éducatif de prise en charge. Son objectif est double : d’une part, offrir aux adolescents et à leur entourage un lieu d’accueil, d’accompagnement et de soins ambulatoires global ; d’autre part, proposer aux professionnels un plateau de travail commun favorisant la cohérence des actions menées et organisant des expertises interprofessionnelles sur des situations individuelles.

Autres instances de concertation et de délibération, le Comité des mineurs en grande difficulté du Rhône, parfois nommé « commission ados difficiles », voit le jour en septembre 2000, et le comité départemental de prise en charge partagée en 2008. Tous deux sont destinés à « mettre de l’huile dans les rouages interinstitutionnels et dans les connexions interprofessionnelles ».

La création à Lyon, en 2006, du diplôme universitaire « adolescents difficiles » s’inscrit dans la même logique. Ciblant des professionnels du soin, du travail social, de l’Education nationale et même de la police et de la gendarmerie, cette formation est un lieu d’échanges où les participants « identifient, (re)mobilisent […] et réarticulent différentes ressources propres à faire face aux pannes d’action qu’ils vivent sur le terrain ».

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