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Mesures socio-judiciaires : vers un modèle de justice restaurative ?

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Cette nouveauté législative est passée un peu inaperçue : la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a inscrit la justice restaurative dans le droit français, prévoyant qu’« à l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative ». Selon les termes de la réforme, cette mesure permet « à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission ».

Qu’est réellement cette approche aux contours flous, et comment peut-elle irriguer les pratiques d’accompagnement des justiciables ? La fédération des associations socio-judiciaires Citoyens et justice et l’Association de recherche en criminologie appliquée (ARCA)-Observatoire des violences ont décidé de s’engager dans une réflexion commune sur le sujet. En présence de représentants du Comité interministériel de prévention de la délinquance, du ministre de la Justice et de plusieurs associations, les deux organisations ont, le 15 janvier, signé une convention de partenariat visant notamment à mener – durant 18 mois environ sur six sites pilotes– une recherche-action sur la « conceptualisation et l’opérationnalisation de la justice restaurative », et à élaborer des parcours de formation.

Après l’apparition de la justice restaurative dans les débats publics sur la réforme pénale, sa médiatisation a eu tendance à se concentrer « sur la focale réductrice de la rencontre entre la victime et l’auteur, une approche caricaturale qui nie les travaux déjà menés en France, explique Denis L’Hour, directeur général de Citoyens et justice. Or, depuis quarante ans, les pratiques développées par les associations socio-judiaires ont porté les balbutiements de la justice restaurative, un concept qui a du mal à émerger. » Selon le criminologue belge Lode Walgrave, qui est intervenu sur le sujet en 2013 lors des journées d’études de l’Ecole nationale de la magistrature, la justice restaurative, qui s’oriente « en priorité vers la façon de réparer les dommages, la souffrance et la perturbation sociale causée par un délit », met l’accent sur le préjudice et non sur le traitement pénal du délinquant. Dans cette logique participative, l’implication de l’auteur du délit dans l’effort de réparation contribue à la fois à l’objectif de « faire justice » et de réinsertion. « Le couple auteur-victime a du sens du point de vue judiciaire et de la prise en charge », estime Erwan Dieu, directeur de l’ARCA. Quelles que soient les définitions adoptées, leur point commun est en effet de proposer « une approche globale du lien social », avec pour objectif la réparation de la victime, la réinsertion de l’auteur et la lutte contre la récidive ou la réitération, considère Véronique Dandonneau, chargée de projet chez Citoyens et justice. Elle souligne que les mesures socio-éducatives sont justement nées de cette mission : « Si des ajustements sont nécessaires pour les mettre en phase avec toutes les exigences de la justice restaurative, les fondements y sont. » La rencontre et le tiers doivent dans ce cadre être investis d’un rôle majeur, mais il « ne s’agit pas de concevoir une mesure spécifique ».

C’est pourquoi le réseau souhaite examiner cette approche notamment au regard la médiation pénale – pour laquelle « il s’agit de réaffirmer les principes initiaux définis en 1993 et qui ont été brouillés par les modifications législatives et les objectifs de gestion des flux » –, mais aussi de la réparation pénale, de certaines mesures collectives comme les stages de citoyenneté, du contrôle judiciaire socio-éducatif, ou bien même de certaines interventions dans le cadre de la contrainte pénale. « Les Canadiens et les Belges ont développé des pratiques comme les rencontres détenus-victimes, la médiation restaurative, les cercles de soutien… Notre approche se veut différente, elle vise à repérer dans les pratiques ce qui marche et à examiner les axes à développer dans l’accompagnement », ajoute Véronique Dandonneau. Le champ de cette exploration est ouvert, puisque l’une des expérimentations devrait s’appuyer sur les réflexions engagées par la Sauvegarde du Val-d’Oise dans le cadre des mesures d’assistance éducative en milieu ouvert mises en œuvre en cas de violences sexuelles intrafamiliales, en parallèle de la procédure pénale concernant l’auteur. La Sauvegarde du Val-d’Oise et l’association Jean-Coxtet, cofinanceurs de la démarche, y sont associées par un contrat de recherche. Les partenaires de cette initiative souhaitent, in fine, ouvrir des pistes d’innovation à partir de l’expertise existante. Une manière d’affirmer la fonction originelle « d’intervention sociale des mesures socio-judiciaires », selon Véronique Dandonneau.

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