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La prévention spécialisée entre en résistance

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Bien que sollicitée pour lutter contre la radicalisation, la mission des éducateurs de rue est fragilisée dans un nombre croissant de départements. Le Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée en appelle à la « responsabilité » des pouvoirs publics.

Dans plusieurs départements – la Drôme, les Yvelines, l’Isère… –, des collectifs tirent depuis plusieurs mois la sonnette d’alarme : la prévention spécialisée, victime des contraintes budgétaires des conseils départementaux et de la réorganisation des priorités dans les politiques de prévention, est en péril. Après, au niveau national, les CEMEA (Centres d’entrainement aux méthodes d’éducation active) et le Collectif des associations citoyennes, c’est au tour du Comité national de liaison des acteurs de la prévention spécialisée (CNLAPS) de rendre publique sa vive inquiétude : alors que les éducateurs de rue, poussés sous les feux des projecteurs par les phénomènes de radicalisation violente, constituent un maillon reconnu de la prévention de la désocialisation et du maintien du lien social, « toute la profession attend que les autorités publiques prennent leurs responsabilités en maintenant les postes de travail sur les territoires, où ils sont parfois fortement menacés, voire ont déjà disparu ».

L’état des lieux dressé par le comité est alarmant. Rien que pour 2016, cette mission de l’aide sociale à l’enfance, qui ne fait cependant pas partie des dépenses obligatoires des conseils départementaux, est frappée par des réductions budgétaires dans près de dix départements supplémentaires, témoigne Eric Riederer, coordonnateur national du CNLAPS, évoquant des chutes allant de 5 à 50 %. Depuis que les coupes claires ont commencé, en 2011, deux départements ont totalement supprimé leur financement – le Loiret (Orléans a conservé une intervention gérée par la municipalité) et l’Yonne. Toujours selon les remontées de terrain dont il dispose, le comité comptabilise « 31 % de situations positives ou plutôt positives » avec un portage politique affirmé – et pour lesquelles les financements sont plutôt constants, avec quelques rares créations de postes –, 40 % de situations « en négatif » (celles qui enregistrent des diminutions budgétaires) et 29 % de situations « stabilisées » pour l’instant. Même si le phénomène est encore marginal, les appels à projets commencent, comme dans les Yvelines, à faire leur apparition dans le secteur. Autre fait nouveau depuis la loi portant nouvelle organisation de la République : « dans la Haute-Garonne, la prévention spécialisée fait partie de l’une des trois compétences transférée à la métropole au 1er janvier 2017 », indique Eric Riederer.

Attaques contre les missions

Parmi les situations délicates, celle de la Drôme vient, par exemple, démontrer que des postures politiques se mêlent parfois aux arguments budgétaires. Le président du conseil départemental, Patrick Labaune (LR), a ainsi expliqué, dans un communiqué du 27 novembre, vouloir « gagner en efficacité » en recentrant la prévention spécialisée sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville et en y substituant un dispositif « médiation sociale » pour les lycéens et collégiens dans certains territoires. Ce qui se traduit, indique Alexis Coutin, porte-parole du collectif Educs de rue de la Drôme, « par une baisse de budget de 54 % et un nombre de postes qui passe de 44 à un peu plus de 20 », mais aussi par une réduction du soutien aux communes, qui abondent le financement des équipes. Le collectif dénonce aussi les attaques portées contre les missions des éducateurs. Dans une interview donnée à France Bleu le 18 janvier, Patrick Labaune a en effet fustigé « l’échec de la prévention spécialisée », citant la position d’élus locaux. « Il ne parle pas des dizaines de courriers d’élus et de partenaires qui, au contraire, s’indignent et s’alarment de la disparition de cette mission de service public, ni même de ceux qui la maintiennent dans leur ville », s’était déjà indigné le collectif, s’étonnant qu’une évaluation de la prévention spécialisée n’ait pas été menée.

Ces remises en cause, multiformes et plus ou moins affirmées selon les territoires, sont mises en lumière quelques jours avant l’installation, prévue le 27 janvier par le secrétariat d’Etat chargé de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, d’un groupe de travail interministériel, composé notamment des réseaux associatifs, sur les enjeux et la mise en perspective de la prévention spécialisée. Ces travaux étaient programmés dans la feuille de route 2015-2017 pour la protection de l’enfance de Laurence Rossignol, qui a affiché sa volonté de « réaffirmer le rôle de la prévention spécialisée » dans le maintien du lien social et la lutte contre les décrochages. Dans le cadre de cette réflexion, le CNLAPS va lancer, en lien avec la Convention nationale des associations de protection de l’enfant et l’Uniopss, un chantier de « réactualisation de la cartographie de la prévention spécialisée », qu’elle va confier à un cabinet d’études sur la base d’un cahier des charges élaboré avec la direction générale de la cohésion sociale. « La dernière enquête date de 2002 et était concentrée sur les territoires “politique de la ville”, explique Eric Riederer. L’objectif est aussi de savoir qui sont les acteurs gestionnaires, leurs missions, l’évolution de leurs financements… » Si l’Etat semble vouloir s’impliquer davantage à travers le ministère des Affaires sociales, mais aussi celui de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, « quelles sont les perspectives qui vont nous être proposées ? », interroge Anne-Marie Fauvet, présidente du CNLAPS. « Ce qui n’est pas négociable, c’est le rattachement de la prévention spécialisée à la protection de l’enfance et le respect de tous ses principes », relève-t-elle, soulignant que cette mission n’est pas réductible à la lutte contre la radicalisation, même si c’est « un très bon outil pour travailler en amont et en aval » du processus. Le comité souhaite mobiliser l’Assemblée des départements de France sur la question. Dans le contexte de guerre ouverte engagée contre l’Etat sur les finances départementales, pas sûr que sa demande soit considérée comme une priorité.

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