Notre système de protection sociale sacrifie-t-il sa jeunesse au profit des plus âgés ? Pas vraiment, répond France Stratégie dans une récente note d’analyse(1) qui s’appuie sur l’examen des comptes de transferts nationaux pour constater que, si la hausse des dépenses de protection sociale depuis 30 ans a essentiellement bénéficié aux plus âgés, c’est « d’abord imputable à la démographie », en raison de la progression de leurs effectifs alors que les dépenses ont évolué de façon comparable entre les groupes d’âge. Cependant, la situation financière des plus jeunes s’est dégradée sur la période et « la pauvreté touche aujourd’hui 2,5 fois plus souvent les moins de 25 ans que les plus de 60 ans ».
Selon l’organisme d’expertise placé auprès du Premier ministre, le poids des dépenses liées à la protection sociale est passé de 23 % du produit intérieur brut (PIB) en 1979 à près de 31 % en 2011, en bénéficiant majoritairement aux plus de 60 ans. La part des dépenses dédiée à ces derniers représentait ainsi 17,2 % du PIB en 2011, soit deux fois plus que celle qui est consacrée aux moins de 25 ans, en incluant les dépenses d’éducation. En outre, « ces dépenses ont fortement augmenté sur les trente dernières années quand celles dédiées aux jeunes stagnaient ». Toutefois, « cela n’a rien de nouveau ni de choquant a priori puisque les besoins [en matière de santé notamment] et les logiques de redistribution ne sont pas les mêmes », juge France Stratégie. L’organisme rappelle en outre que les ressources de la protection sociale ont aussi été diversifiées sur la période, avec en particulier l’introduction de la contribution sociale généralisée (CSG), qui permet de mettre davantage à contribution les plus âgés, bien que « l’essentiel de l’effort reste consenti par les actifs ».
Au final, « les transferts nets de protection sociale (c’est-à-dire la différence entre les sommes perçues et prélevées) sont dix fois plus importants pour un individu de plus de 60 ans que pour un jeune de moins de 25 ans », résume France Stratégie, en jugeant que « ce déséquilibre ne pose pas seulement la question de l’équité mais également celle de la soutenabilité » budgétaire. Or, « compte tenu des niveaux de vie et de pauvreté des différentes classes d’âge et des niveaux relatifs, il semble difficile de réduire les transferts nets vers les plus jeunes et les individus d’âge actif, ce qui appellera dans les dix prochaines années une baisse du transfert net perçu globalement par les plus de 60 ans ».
Dans son rapport annuel 2015 également consacré à la protection sociale des jeunes(2), l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) relève de son côté que, sur 11 millions de jeunes, « nombre d’entre eux connaissent des parcours professionnels et personnels heurtés » avec pour conséquences des difficultés à entrer dans la vie active, avec un travail et un logement stables. « Quelles en sont les conséquences sur leur protection sociale : assurance maladie, maternité, accidents du travail, prestations familiales, allocations logement, indemnités chômage, retraites ? », s’interroge alors l’IGAS. L’inspection analyse l’ensemble des dispositifs sociaux existants, « devenus, au fil des réformes, complexes et difficilement lisibles », et formule, risque par risque, des pistes d’évolution à l’instar de la généralisation de la garantie jeunes, dont l’expérimentation vient, dans cet objectif, d’être prolongée par le gouvernement(3).
(1) « Les jeunes sont-ils sacrifiés par la protection sociale ? » – La Note d’analyse n° 37 – Janvier 2016 – Disponible sur
(2) La protection sociale des jeunes de 16 à 29 ans – Rapport 2015 – Disponible sur