Alors que les partenaires sociaux doivent, d’ici à quelques semaines, renégocier la convention d’assurance chômage, l’Unedic – qui gère le régime d’assurance chômage – a rendu public, le 18 janvier, un rapport de la Cour des comptes prônant une réforme des règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi(1). Quelques heures plus tôt, le chef de l’Etat avait justement émis le souhait, lors de ses vœux aux acteurs de l’entreprise de l’emploi (voir ce numéro page 5), que ces règles soient modifiées afin de favoriser le retour à l’emploi des chômeurs.
Dans ce rapport remis six jours plus tôt au bureau de l’Unedic, la Haute Juridiction financière considère que, « dans un contexte marqué depuis plusieurs décennies par un taux élevé de chômage, il n’est pas possible d’attendre de la seule reprise de la croissance la résorption de la dette de l’Unedic », qui devrait atteindre 29,4 milliards d’euros à la fin 2016, et même 35 milliards d’euros à la fin 2018. Un niveau « préoccupant »qui « soulève la question de la soutenabilité du régime » d’assurance chômage. La Cour des comptes appelle donc les partenaires sociaux à « effectuer des choix pour garantir sa pérennité ». D’autant que, selon elle, « la France se caractérise par un taux de remplacement (indemnisation/salaire) élevé par rapport aux autres pays de l’OCDE[2] (de l’ordre de 70 % du salaire moyen net pour un célibataire sans enfant). Elle est aussi l’un des pays dont le régime d’assurance chômage couvre le plus grand nombre de chômeurs avec une éligibilité acquise après quatre mois de travail, ce qui constitue la durée la plus courte des pays de l’OCDE. La durée maximale d’indemnisation est également l’une des plus élevées, avec 24 mois sans dégressivité, voire 36 mois pour les plus de 50 ans. Enfin, le montant maximal d’indemnisation (6 200 € net par mois) apparaît comme le plus élevé parmi les pays comparables. »
Du côté des recettes du régime d’assurance chômage, la Cour des comptes a identifié « trois paramètres essentiels » sur lesquels les partenaires sociaux pourraient agir :
→ l’assiette des contributions d’assurance chômage, qui est limitée à quatre fois le plafond de la sécurité sociale, ce qui représente 800 millions de pertes ;
→ le taux des contributions, qui est resté inchangé depuis 2007. Or 0,1 point de contribution supplémentaire représente un montant d’environ 500 millions d’euros ;
→ la modulation des contributions. Selon la cour, par exemple, augmenter de 1 point les contributions patronales pour les contrats à durée déterminée permettrait d’engranger 250 millions d’euros de recettes nouvelles.
En ce qui concerne les dépenses du régime d’assurance chômage, les partenaires sociaux pourraient, selon les magistrats de la rue Cambon, faire des économies en modifiant :
→ la durée d’affiliation requise pour ouvrir droit à des allocations de chômage. Ainsi, le passage de la durée d’affiliation de quatre à six mois représenterait une économie brute annuelle de 1,8 milliard d’euros. Toutefois, préviennent les magistrats financiers, « il faut tenir compte du fait qu’une partie de ce montant se reporterait sur les prestations de solidarité versées par l’Etat », entraînant donc un « coût pour les finances publiques » ;
→ la durée maximale d’indemnisation. Le rapport suggère de réserver la durée maximale d’indemnisation de trois ans aux plus de 55 ans, au lieu des plus de 50 ans aujourd’hui, ce qui engendrerait une économie de 450 millions d’euros ;
→ le mode de calcul de l’indemnisation. La Cour des comptes pointe notamment du doigt le principe « un jour cotisé, un jour indemnisé » et propose de passer à un ratio de 0,9 jour indemnisé pour un jour cotisé, ce qui représenterait une économie de 1,2 milliard d’euros.
Au-delà, la juridiction financière souligne le « coût élevé » du mécanisme dit d’activité réduite permettant à un allocataire de cumuler salaire et allocations de chômage, et qui peut « installer les salariés de certains secteurs dans la précarité ». Selon elle, ce mécanisme présente en outre des redondances avec le nouveau dispositif des droits rechargeables(3). Enfin, la Cour des comptes juge la durée de validité des conventions d’assurance chômage – deux ans – « trop courte » car elle ne permet pas, notamment, « de procéder aux évaluations nécessaires des dispositifs mis en place ».
(1) L’Unedic et sa gestion de l’assurance chômage – Observations définitives – Disponible sur
(2) L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est une organisation internationale d’études économiques, dont les 34 pays membres – des pays développés pour la plupart – ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché.