« Face aux contraintes d’un environnement de plus en plus normé, les managers du secteur aspirent à lever le nez du guidon et à retrouver le sens des finalités de leur action », explique Pierre-Olivier Monteil, docteur en philosophie politique, qui accompagne des organismes dans l’élaboration et la mise en place de chartes de management. Le rôle de ce document – encore peu répandu dans le social et le médico-social – est d’aider ces professionnels à accompagner leurs équipes. Cette charte donne des repères : en identifiant les valeurs essentielles pour le fonctionnement de l’organisation, elle aide à situer celles du management et celles qui guident l’action des salariés. Elle fournit un cadre clair grâce auquel ceux-ci vont pouvoir exercer leur mission en transparence et avec cohérence. Cette charte, dont l’objectif est de faire évoluer durablement les pratiques managériales, ne doit pas être vécue comme une contrainte mais comme un soutien.
S’il n’existe pas de méthode clé en main pour l’élaboration d’un tel outil, Pierre-Olivier Monteil conseille de « partir de ce dont l’association se réclame, donc d’un diagnostic ». Ce qui permettra de faire ressortir des valeurs phares, comme l’équité, le respect des différences, la transparence, l’humanité, l’engagement, etc. « Il y a autant de chartes que d’organisations, en fonction de leur culture, de leur histoire, de leurs missions. » Pour Eric Delavallée, auteur des 10 règles d’or du manager (éd. Eyrolles), la charte doit contenir des valeurs de deux natures : celles « pratiquées », déjà partagées au sein de l’organisme, et celles « déclarées », qui indiquent la direction dans laquelle la culture managériale doit évoluer. Mais « pas plus de six valeurs au total », afin de ne pas rendre le document inintelligible. Chaque valeur doit être illustrée par plusieurs normes de comportement. Concernant la méthodologie, Pierre-Olivier Monteil précise : « Un tel projet, porté par la direction, doit être réalisé en équipe et ne pas être imposé. La charte vient d’un travail d’écoute et d’échange avec les collaborateurs. »
Pour inscrire cette démarche dans la durée, amorcer et entretenir un questionnement de fond, il est important d’accompagner la mise en œuvre de la charte. A l’association COS (2 200 salariés, 45 établissements et services), que Pierre-Olivier Monteil a accompagnée en 2015, un cycle de formation des directeurs d’établissements a permis de problématiser les enjeux d’un tel outil(1). « Nous avons analysé ensemble le sens qu’ils donnaient aux mots de la charte afin de mettre de la “chair” autour des différents concepts », explique le consultant. Ensuite, il est nécessaire de communiquer ce document à l’ensemble des salariés et de le « faire vivre » au quotidien. Les changements au sein de l’organisme après la mise en place de cet outil sont difficiles à mesurer de façon objective. Cela peut se traduire par une amélioration du climat de confiance à l’égard des collègues, des chefs de service, de la direction, par un sentiment d’aller dans le même sens. Au Secours catholique, une enquête de satisfaction a été lancée auprès de l’ensemble du personnel au moment de la parution de la charte de management, en 2012. Une seconde enquête est menée depuis septembre 2015, afin de mesurer l’évolution de la satisfaction au travail.
« Pour réaliser sa charte, il est indispensable de se faire accompagner par un consultant, insiste Catherine Richard, directrice des ressources humaines au Secours catholique (1 000 salariés). Il est non seulement porteur d’une méthodologie, mais il a surtout un regard extérieur sur l’organisme. » Il y a trois ans, l’association souhaitait renforcer les compétences de ses managers et a estimé qu’une charte de management était un bon point d’entrée. Un travail « de longue haleine », mais « qui a permis aussi de valoriser les aspects positifs du management ». Un groupe de travail a d’abord été mis en place avec une dizaine de directeurs pour travailler sur l’élaboration des valeurs managériales, à partir d’une enquête sur les pratiques conduite auprès de l’ensemble du personnel. Le consultant a ensuite réalisé au sein de l’association des interviews de responsables aux profils variés. Sur cette base, six valeurs ont été retenues : trois que le Secours catholique portait déjà et qu’il devait solidifier (l’engagement, l’esprit d’équipe et l’épanouissement), et trois sur lesquelles il lui fallait travailler (la franchise, l’exigence et la responsabilité).
(1) Charte disp. sur