Adoptée définitivement le 30 novembre dernier par le Parlement, la mouture 2016 de la loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit dans la dynamique de redressement des comptes de la sécurité sociale engagée depuis plusieurs années. L’objectif est ainsi de ramener cette année le déficit de la sécurité sociale en-dessous des 10 milliards d’euros. Pour y parvenir, le taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) va augmenter de 1,75 % en 2016 (la hausse était de 2,1 % en 2015), soit une autorisation de dépenses de 185,2 milliards d’euros.
Au-delà de ces aspects financiers, le texte comporte un certain nombre de dispositions créatrices de droits. En premier lieu, alors que la sécurité sociale a fêté ses 70 ans l’an dernier, le législateur met en place une protection universelle maladie censée renforcer et simplifier l’accès aux prestations en nature de l’assurance maladie-maternité et remplacer la couverture maladie universelle (CMU) de base. Autre volonté du gouvernement traduite dans la loi : aider les personnes en contrat de travail précaires, mais aussi les seniors, à bénéficier d’une couverture complémentaire santé.
Par ailleurs, parallèlement au projet de loi de finances pour 2016, le texte simplifie le mode et les dates de revalorisation des prestations sociales attribuées par les organismes de sécurité sociale. Parmi les autres principales mesures, citons encore pêle-mêle : la généralisation à tout le territoire de l’expérimentation de la garantie des impayés des pensions alimentaires, le renforcement de la confidentialité et de la gratuité des actes en lien avec la prescription d’un contraceptif aux mineures d’au moins 15 ans, l’amélioration de la prise en charge par l’assurance maladie des victimes d’actes de terrorisme et l’aménagement du dispositif de cumul-emploi retraite plafonné.
La loi a été validée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 17 décembre 2015. Les sages ont toutefois censuré son article 35 au motif qu’il constituait un « cavalier législatif », c’est-à-dire qu’il était sans rapport avec l’objectif initial du texte. Cette disposition invitait le gouvernement à remettre au Parlement, dans un délai de un an, un rapport sur les conditions d’extension aux travailleurs handicapés accueillis dans les établissements ou services d’aide par le travail du bénéfice d’une couverture minimale en matière de complémentaire santé.
(A noter) Les dispositions concernant les établissements et services du secteur médico-social seront traitées dans un prochain numéro.
Afin, selon le gouvernement, d’« universaliser la prise en charge des frais de santé », de « simplifier les démarches pour les assurés comme pour les organismes gestionnaires » et de « garantir la continuité des soins », le texte met en place, à compter du 1er janvier 2016, un nouveau régime de protection universelle maladie – dit « PUMA » – qui permet d’ouvrir droit aux prestations en nature de l’assurance maladie-maternité, ou de maintenir ces droits, uniquement sur la base de deux critères :
→ le critère traditionnel de l’exercice d’une activité professionnelle ;
→ ou, à défaut, le critère de la simple résidence stable et régulière en France, jusque-là utilisé pour l’ouverture des droits à la CMU de base.
Auparavant, les critères d’ouverture de droits étaient multiples : activité professionnelle et résidence stable et régulière, mais aussi qualité d’ayant droit d’un assuré, perception d’un minima social, qualité de détenu, maintien de droits…
Pour justifier cette réforme, qui entraîne de nombreuses modifications au sein du code de la sécurité sociale, Michèle Delaunay, rapporteure (PS) de la loi à l’Assemblée nationale, relevait, par exemple, qu’il n’est « pas normal de constater qu’en 2015, dans notre pays, certains perdent momentanément leurs droits à la protection maladie parce que les démarches en cas de changement de régime [d’assurance maladie] sont complexes, redondantes, et qu’elles n’ont d’autre visée que de vérifier à quel titre un assuré a droit à l’assurance maladie, alors même qu’en vertu de la couverture maladie universelle, il a nécessairement droit à la prise en charge de ses frais de santé dès lors qu’il réside sur le territoire français ».
Selon la députée, « la couverture maladie universelle a sans conteste permis d’améliorer très sensiblement l’accès aux soins. Toutefois, dans les faits, de nombreuses ruptures dans la prise en charge des frais de santé sont encore constatées. Ces ruptures de droits tiennent essentiellement au fait que la prise en charge des frais de santé par la CMU n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsque l’assuré ne peut prétendre à la couverture maladie ni en raison de son activité professionnelle, ni de son rattachement à un assuré, ni de tout autre critère. Aussi, même lorsqu’ils résident de manière stable et régulière sur le sol français qui leur donne droit in fine à la couverture maladie [via la CMU de base], les assurés doivent indiquer à leur caisse le critère justifiant leur rattachement à l’assurance maladie, tel que leur activité professionnelle ou le rattachement à un assuré permettant de bénéficier du statut d’ayant droit. A défaut de pouvoir justifier de ces conditions, ils doivent effectuer des démarches pour bénéficier de la CMU de base auprès de la caisse de leur lieu de résidence. Ces règles imposent aux assurés des démarches qui n’ont d’autre but que de contrôler à quel titre ils ont droit à la couverture maladie, alors qu’ils y ont en réalité droit dès lors qu’ils résident en France de manière stable et régulière. Or le contrôle des justificatifs par les caisses peut se traduire, pour de multiples raisons, par des ruptures de droits des assurés » (Rap. A.N. n° 3129, tome II, Delaunay, octobre 2015, pages 8 et 60). Il peut en être ainsi en cas de déménagement, de changement de régime lié par exemple à la prise d’un nouvel emploi, à la séparation d’un couple ou à l’entrée dans des études supérieures.
La réforme opérée par la loi entraîne la disparition non seulement du statut d’ayant-droit majeur – qui est toutefois maintenu à titre provisoire jusqu’en 2020 – et du dispositif de maintien des droits aux prestations en nature, mais aussi de la CMU de base.
Sous réserve de dispositions transitoires, la PUMA est entrée en vigueur le 1er janvier 2016 (article 59, XIII de la loi). Deux décrets du 30 décembre 2015 sont venus préciser le dispositif et modifier les dispositions réglementaires nécessaires(1).
Depuis le 1er janvier 2016, toute personne qui travaille, ou lorsqu’elle n’a pas d’activité, réside en France de façon stable et régulière, a droit, en cas de maladie ou de maternité, à la prise en charge de ses frais de santé. Cette protection universelle porte donc sur les prestations en « nature » (remboursement des dépenses médicales et paramédicales et des frais d’hospitalisation). Les prestations dites en « espèces » (indemnités journalières en cas d’arrêt maladie ou de maternité, par exemple) demeurent liées à l’exercice d’une activité professionnelle, le code de la sécurité sociale (CSS) énonçant que les travailleurs sont garantis « contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus » (CSS, art. L. 160-1 nouveau).
Ainsi est abandonnée l’idée qui liait la couverture d’assurance maladie-maternité, en premier lieu, au fait de travailler. Un point qu’ont contesté certains parlementaires devant le Conseil constitutionnel. Mais celui-ci a considéré que « le législateur a uniquement modifié des règles de gestion de la prise en charge des frais de santé des personnes auxquelles est assurée cette protection sociale » et n’a pas remis en cause la garantie pour tous de la protection de la santé prévue au 11e alinéa du préambule de la Constitution.
Les caisses primaire d’assurance maladie n’auront donc plus à vérifier le respect des conditions d’ouverture des droits liée à l’activité professionnelle (nombre d’heures travaillées) et leur contrôle portera, le cas échéant, uniquement sur la condition de résidence.
L’exercice d’une activité professionnelle est apprécié selon les modalités prévues par l’article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale, que la loi a réécrit (CSS, art. L. 160-1 nouveau). Selon cet article, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale, quel que soit leur lieu de résidence et sous réserve des traités et accords internationaux régulièrement ratifiés et approuvés et des règlements européens, toutes les personnes qui exercent une activité professionnelle, permanente ou temporaire, à temps plein ou à temps partiel, sur le territoire français, qu’elle soit exercée pour le compte d’un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, ou qu’il s’agisse d’une activité professionnelle non salariée. De la même façon, sont affiliées toutes les personnes exerçant une activité professionnelle à l’étranger dès lors que, en vertu des règlements européens ou des conventions internationales en vigueur, elles sont soumises à la législation française de sécurité sociale.
(A noter) Des dispositions spécifiques sont prévues pour la prise en charge des frais de santé des membres de la famille des travailleurs détachés et des fonctionnaires en poste à l’étranger (CSS, art. L. 160-4).
La condition de résidence stable et régulière en France devient la condition alternative de l’ouverture des droits et est appréciée selon les règles prévues au nouvel article L. 111-2-3 du code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 160-1 nouveau). Lequel renvoie à un décret le soin de préciser les conditions d’appréciation de la stabilité de la résidence et de la régularité du séjour. Il est en outre précisé que toute personne qui déclare auprès d’une caisse primaire d’assurance maladie, selon des modalités qui doivent encore être fixées par décrets, ne pas bénéficier de la prise en charge des frais de santé doit pouvoir en bénéficier, sous réserve de justifier de son identité et de sa résidence stable et régulière (CSS, art. L. 160-5 nouveau).
Un décret du 31 décembre 2015(2), fixe les modalités d’appréciation de la condition de stabilité de la résidence. Selon ce texte, cette condition est satisfaite lorsque la personne concernée présente un justificatif démontrant qu’elle réside en France de manière ininterrompue depuis plus de 3 mois (CSS, art. D. 160-2). Cette condition est également satisfaite si l’intéressé présente un justificatif prouvant qu’il relève de l’une des catégories suivantes (CSS, art. D. 160-2) :
→ personnes inscrites dans un établissement d’enseignement ou venant en France effectuer un stage dans le cadre d’accords de coopération culturelle, technique et scientifique ;
→ personnes bénéficiaires, notamment, de l’une des prestations suivantes :
– prestations familiales,
– allocation de solidarité aux personnes âgées ou minimum vieillesse,
– allocation de logement sociale ou aide personnalisée au logement,
– prestations d’aide sociale aux familles ou à l’enfance définies au livre II du code de l’action sociale et des familles,
– allocation personnalisée d’autonomie,
– allocation d’éducation de l’enfant handicapé, allocation aux adultes handicapés, prestation de compensation du handicap ou allocation compensatrice,
– revenu de solidarité active ;
→ personnes reconnues réfugiées ou bénéficiaires de la protection subsidiaire, admises à ce titre, ou enregistrées par l’autorité compétente en qualité de demandeur d’asile et disposant du droit de se maintenir sur le territoire ;
→ personnes résidant en France au titre de la procédure de regroupement familial.
Le décret du 30 décembre 2015 ne prévoit que les modalités d’appréciation de la condition de stabilité de la résidence, et non celles de la condition de régularité qui, jusqu’à présent, faisait l’objet d’une interprétation plus ou moins stricte selon le critère d’affiliation à l’assurance maladie (ayant droit, bénéficiaire de la CMU de base…). En toute logique, un autre décret devrait donc venir préciser la façon d’apprécier la condition de régularité de la résidence en France.
La loi fixe également la liste des personnes qui, bien que résidant en France, ne peuvent pas bénéficier de la prise en charge de leur frais de santé au titre d’une résidence stable et régulière en France. Il s’agit de la liste applicable jusqu’alors dans le cadre de la CMU de base, qu’elle complète. Sont notamment visés les personnels diplomatiques et les personnes venues en France pour suivre un traitement médical ou une cure (CSS, art. L. 160-6 nouveau).
Enfin, il est prévu que, lorsqu’elles résident à l’étranger et n’exercent pas d’activité professionnelle, certaines personnes bénéficient tout de même, lors de leurs séjours temporaires en France, de la prise en charge de leurs frais de santé(3). Sont concernés les titulaires (CSS, art. L. 160-3 nouveau) :
→ d’une pension ou rente de vieillesse ou d’une pension de réversion française (sauf si celle-ci a été versée sous la forme d’un versement forfaitaire unique) ;
→ d’une rente ou d’une allocation d’accidents du travail et de maladies professionnelles allouée par un régime français ;
→ d’une pension de vieillesse substituée à une pension d’invalidité ou d’une pension d’invalidité française ;
→ de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants(4).
(A noter) Dans un souci de simplicité, la loi prévoit que les personnes qui ne sont pas affiliées à l’assurance maladie à titre professionnel peuvent demander à voir leurs droits aux prestations gérés par l’organisme dont relève leur conjoint, la personne à laquelle elle sont liées par un pacte civil de solidarité ou leur concubin, selon des modalités définies par décret (CSS, art. L. 160-17 nouveau).
La loi modifie plusieurs dispositions du code de la sécurité sociale pour prévoir les modalités du contrôle de la condition de stabilité de la résidence et de la régularité du séjour. Les nouvelles règles ainsi posées valent non seulement pour l’ouverture des prestations en nature de l’assurance maladie, mais également pour toutes les prestations de sécurité sociale impliquant une résidence stable et régulière, comme les prestations familiales (voir encadré ci-contre).
S’agissant plus spécifiquement des prestations d’assurance maladie, le législateur confie à l’Union nationale des caisses d’assurance maladie le soin d’élaborer un référentiel, homologué par l’Etat, « précisant les modalités de contrôle appliquées par les organismes assurant la prise en charge des frais de santé » au titre de la protection universelle maladie. Objectif : garantir le respect des conditions requises pour en bénéficier, notamment la condition de résidence tant pour les Français que pour les étrangers. Ce référentiel devra distinguer les procédures de contrôle faisant appel à des échanges d’informations de celles qui nécessitent un contrôle direct auprès des assurés sociaux (CSS, art. L. 114-10-3, I nouveau).
La loi prévoit également que, lorsqu’un organisme constate, après avoir effectué les vérifications nécessaires, qu’une personne n’a pas droit à la prise en charge des frais de santé par la sécurité sociale, il doit lui notifier son constat et l’inviter à présenter ses observations ainsi que, le cas échéant, les pièces justificatives nécessaires au maintien de ses droits. A défaut de transmission de ces pièces ou observations, ou si celles-ci sont insuffisantes pour justifier le maintien des droits, l’organisme met fin au service des prestations et en informe l’intéressé. Un décret doit encore préciser ce dispositif (CSS, art. L. 114-10-3, II et III nouveau).
Les personnes affiliées sous conditions de résidence stable et régulière en France doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle si :
→ leurs revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France sont, au cours de l’année considérée, inférieurs à un seuil qui sera fixé par décret. Pour les personnes mariées ou liées par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles du conjoint ou partenaire doivent également être inférieurs au même seuil (CSS, art. L. 380-2 modifié). Selon l’étude d’impact de la loi, ce seuil devrait s’établir à environ 10 % du plafond de la sécurité sociale (soit 3 861,60 € par an en 2016) ;
→ elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée. Il en est de même, le cas échéant, pour leur conjoint ou partenaire.
Les personnes redevables de la cotisation seront donc celles « qui ne sont pas assujetties par ailleurs à la cotisation maladie sur des revenus d’activité ou de remplacement et qui n’appartiennent pas à un foyer fiscal dont l’un des membres est déjà assuré sur critère professionnel. Il s’agit donc principalement des personnes qui ne reçoivent pas de revenus d’activité, ou dont les revenus d’activité sont inférieurs [au] seuil [qui sera] fixé par décret », a explicité Gérard Bapt, rapporteur (PS) de la loi à l’Assemblée nationale (Rap. A.N. n° 3129, tome I, Bapt, octobre 2015, page 210).
Afin d’éviter des effets de seuils, la loi introduit un mécanisme de lissage du seuil de revenus d’activité au-delà duquel la cotisation n’est pas due. Ce mécanisme s’applique lorsque les revenus d’activité sont compris entre le seuil et la moitié de ce seuil. Dans ce cas, l’assiette de la cotisation fait l’objet d’un abattement dans des conditions qui seront fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d’activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil (CSS, art. L. 380-2 modifié).
Le montant de la cotisation est fixé en pourcentage du montant des revenus non professionnels qui dépasse un plafond déterminé par décret(5). Sont retenus les revenus fonciers, les capitaux mobiliers, les plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, les bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et les bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l’article 1417 du code général des impôts. Servent également au calcul de l’assiette de la cotisation, lorsqu’ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l’article 1417 du code général des impôts, l’ensemble des moyens d’existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la protection universelle maladie a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit. Un décret doit encore déterminer le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis (CSS, art. L. 380-2 modifié).
Cette cotisation est recouvrée l’année suivant celle qui a été prise en considération pour l’évaluation des revenus (soit en 2017 pour l’année 2016) (CSS, art. L. 380-2 modifié).
(A noter) Les élèves et étudiants des établissements d’enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et des classes du second degré préparatoires à ces écoles qui s’acquittent d’ores et déjà de la cotisation forfaitaire étudiante sont exonérés du paiement de la cotisation (CSS, art. L. 381-4 et L. 381-8 nouveaux).
Du fait de la création de la protection universelle maladie, la notion d’ayant droit majeur d’un assuré social n’a plus lieu d’être et est progressivement supprimée. En revanche, les mineurs demeurent des ayants droit.
Pour mémoire, un ayant droit est une personne qui bénéficie des prestations versées par un régime de sécurité sociale non à titre personnel, mais du fait de ses liens avec un assuré. Jusque-là, les enfants d’un assuré social bénéficiaient de la qualité d’ayant droit, sous conditions, jusqu’à l’âge de 21 ans. Les personnes vivant à la charge de l’assuré ainsi que les ascendants, descendants, alliés et collatéraux de l’assuré pouvaient également, sous certaines conditions, être rattachés au régime de sécurité sociale de l’assuré.
Avec la reconnaissance du critère de résidence stable et régulière comme porte d’entrée pour le bénéfice de la prise en charge des frais de santé, la notion d’ayant droit majeur perd de sa pertinence. Désormais, chaque assuré majeur qui n’a pas d’activité professionnelle dispose d’une affiliation personnelle à l’assurance maladie au titre de sa résidence stable et régulière au France. En conséquence, le nouvel article L. 160-2 du code de la sécurité sociale, tel qu’il est inséré par la loi, réduit le périmètre des ayants droit aux enfants mineurs et la notion d’ayant droit majeur disparaît des différents codes où il en est fait mention.
« La disparition du statut d’ayant droit pour les personnes majeures emporte une conséquence essentielle : les changements de situation personnelle n’auront désormais plus d’incidence sur les droits des assurés sans activité professionnelle. A l’avenir, en cas de mariage, de séparation ou de deuil, l’assuré continuera à avoir des droits en propre, indépendamment de la situation de son conjoint ou de son ex-conjoint », a expliqué la rapporteure Michèle Delaunay. « Cette mesure permettra également une reconnaissance des droits propres aux femmes sans activité professionnelle, qui constituent aujourd’hui l’essentiel de la catégorie des ayants droit majeurs » (Rap. A.N. n° 3129, tome II, Delaunay, octobre 2015, page 69).
Cette disparition va toutefois se faire progressivement. L’étude d’impact de la loi explique en effet que la bascule de ces personnes dans le statut d’assuré à titre personnel dès le 1er janvier 2016 « impliquerait l’accomplissement préalable d’opérations de gestion pour effectuer dans les conditions habituelles la gestion et le versement des prestations à ces personnes ». Ainsi, la prise en charge des frais de santé des personnes majeures ayant la qualité d’ayant droit au 31 décembre 2015 – 3,2 millions de personnes pour le seul régime général – reste effectuée par rattachement à l’assuré social dont elles dépendent et par les organismes dont elles relèvent à cette date jusqu’au 31 décembre 2019 (art. 59, XIII, C de la loi).
Selon la rapporteure Michèle Delaunay, la bascule vers un statut d’assuré social à part entière s’effectuera (Rap. A.N. n° 3129, tome II, Delaunay, octobre 2015, page 70) :
→ dès que les personnes deviennent affiliées à un régime de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle ;
→ de manière automatique, à compter du 1er janvier 2020 ;
→ à la demande de l’intéressé avant cette date.
Un enfant peut toujours bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé en tant qu’ayant droit d’un assuré social sous plusieurs conditions (CSS, art. L. 160-2 nouveau) :
→ être mineur. Le statut d’ayant droit prend fin le 1er septembre de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de sa majorité, qu’il poursuive ou non des études dans un établissement d’enseignement supérieur ;
→ ne pas exercer d’activité professionnelle ;
→ être à la charge de l’assuré ;
→ être lié à lui par une filiation, y compris adoptive, légalement établie, ou bien être pupille de la Nation avec l’assuré comme tuteur, ou encore être un enfant recueilli ;
→ ne pas avoir demandé à bénéficier à titre personnel de la prise en charge de ses frais de santé (voir encadré ci-contre).
Sans changement, les enfants mineurs pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance peuvent, à la demande des personnes ou des établissements qui en assurent l’accueil ou la garde, être identifiés de façon autonome au sein du régime de l’assuré social auquel ils sont rattachés, ce qui doit permettre de faciliter la prise en charge de leurs soins. En effet, les ou les établissements qui assurent la garde ou l’accueil des mineurs bénéficient alors, pour le compte de l’assuré, de la prise en charge des frais de santé de ce dernier (CSS, art. L. 160-2 nouveau).
Désormais, les personnes qui cessent de remplir les conditions pour relever d’un régime obligatoire d’assurance maladie-maternité bénéficient, à compter de la date à laquelle ces conditions ne sont plus remplies, uniquement du maintien de leurs droits aux prestations en espèces (indemnités journalières), pendant une période définie par décret en Conseil d’Etat (CSS, art. L. 161-8 modifié). Auparavant, ce dispositif de maintien de droits s’appliquait non seulement aux prestations en espèces, mais également aux prestations en nature, pendant des périodes qui pouvaient être différentes. Avec la mise en place de la PUMA, le dispositif de maintien de droits aux prestations en nature de l’assurance maladie-maternité n’a plus lieu d’être.
Toutes les dispositions du code de la sécurité sociale évoquant un tel dispositif de maintien des droits aux prestations en nature des assurances maladie-maternité (en cas, par exemple, de chômage ou de reprise du travail pour les bénéficiaires de la prestation partagée d’éducation de l’enfant) sont modifiées en conséquence.
Le dispositif de la protection universelle maladie que crée la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 entraîne la disparition de la couverture maladie universelle de base, créée en 1999, et l’abrogation, en conséquence, de l’article L. 380-1 du code de la sécurité sociale (art. 32, III, A de la loi). Toutefois, la prise en charge des frais de santé des personnes qui bénéficiaient au 31 décembre 2015 de la CMU de base reste assurée par les organismes chargés de la gestion du régime dont elles relevaient à cette date, jusqu’à ce qu’elles entrent dans l’une des situations d’ouverture du droit aux prestations en nature en fonction de leur situation (décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015, art. 4, II). Pour mémoire, destinée à toutes les personnes résidant de manière stable et régulière sur le territoire français et ne pouvant être rattachées à l’assurance maladie à un autre titre, la CMU de base permettait une affiliation automatique au régime général d’assurance maladie pour la prise en charge des prestations en nature.
En revanche, la CMU complémentaire (CMU-C), qui offre, sous condition de ressources, une protection complémentaire santé gratuite type « mutuelle » – avec, notamment, la prise en charge du ticket modérateur, du forfait journalier, des franchises médicales et de certains frais d’optique ou dentaires – demeure en vigueur.
à suivre…
L’ouverture des droits aux prestations en nature de l’assurance maladie-maternité (remboursement des consultations, examens, médicaments et frais d’hospitalisation) est, depuis le 1er janvier 2016, uniquement fondée sur deux critères de prise en charge : l’exercice d’une activité professionnelle ou, à défaut, une résidence stable (plus de 3 mois ininterrompus) et régulière en France. Conséquences : la notion d’ayant droit majeur va s’éteindre progressivement, le dispositif de maintien des droits aux prestations en nature est supprimé et la couverture maladie universelle de base disparaît. Les personnes affiliées sur critère de résidence stable et régulière doivent acquitter une cotisation dès lors que le montant de leurs revenus professionnels est inférieur à un seuil qui sera fixé par décret et qu’ils ne perçoivent ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage.
Dans ce numéro
I. La création de la protection universelle maladie
A. Les conditions d’ouverture des droits
B. La réduction du champ de la notion d’"ayant droit"
C. La suppression du maintien des droits aux prestations en nature
D. La disparition de la CMU de base
Dans un prochain numéro
II. Un accès facilité à une complémentaire santé
III. La modification des règles de revalorisation des prestations
IV. Les dispositions concernant la famille
V. Les mesures relatives à l’assurance vieillesse
• Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 et décision du Conseil constitutionnel n° 2015-723 DC du 17 décembre 2015, J.O. du 22-12-15.
• Décret n° 2015-1865, n° 2015-1882 et n° 2015-1883 du 30 décembre 2015, J.O. du 31-12-15.
• Décret n° 2016-1 du 2 janvier 2016, J.O. du 3-01-16.
• Arrêté du 2 janvier 2016, NOR : AFSS1531591A, J.O. du 3-01-16.
• Questions-réponses de la direction de la sécurité sociale du 29 décembre 2015, disponible sur
Il revient aux organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale d’organiser le contrôle de l’effectivité et du respect de la condition de résidence pour l’octroi des prestations qu’ils attribuent (prestations de frais de santé, prestations familiales, pensions de vieillesse…). Ce contrôle doit être réalisé, « à chaque fois que possible », à partir des vérifications opérées par un autre organisme de sécurité sociale (CSS, art. L. 114-10-1 nouveau). Sans changement, ils sont tenus de vérifier lors de l’affiliation et périodiquement que les assurés étrangers satisfont à la condition de régularité de leur situation en France (CSS, art. L. 114-10-2 nouveau).
Pour faciliter les échanges d’informations, les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, les caisses assurant le service des congés payés et Pôle emploi sont autorisés à se communiquer tous renseignements nécessaires à l’établissement du respect des conditions de résidence prévues pour l’ouverture des droits et le service des prestations (CSS, art. L. 114-12 modifié).
En outre, le répertoire national d’identification des personnes physiques – répertoire national commun aux organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, aux caisses assurant le service des congés payés, aux organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite complémentaire ou additionnel obligatoire ainsi qu’à Pôle emploi – peut désormais comprendre les informations permettant d’attester du respect des conditions de résidence (CSS, art. L. 114-12-1 modifié). Par ailleurs, les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale, les caisses assurant le service des congés payés, Pôle emploi, les agents des administrations fiscales, ceux des administrations chargées de l’application de la législation sociale et du travail et des organismes de protection sociale peuvent utiliser le numéro d’inscription à ce répertoire national dans le cadre de leurs échanges d’informations, sous réserve que ces derniers soient « strictement nécessaires au contrôle du respect des conditions de résidence prévues pour l’ouverture des droits et les service des prestations » (CSS, art. L. 114-12-4 nouveau).
Sans changement, un enfant qui atteint l’âge de 16 ans peut demander à bénéficier, à titre personnel, de la prise en charge de ses frais de santé en cas de maladie ou de maternité (CSS, art. L. 160-2 nouveau). Une possibilité mise en place pour le cas où le rattachement à un assuré (parent, tuteur) pose des problèmes de confidentialité (par exemple, pour une jeune fille souhaitant se faire prescrire un moyen de contraception). Pour ce faire, le mineur doit effectuer sa demande auprès de l’organisme d’assurance maladie auquel est affilié l’assuré dont il est l’ayant droit. Dès réception de cette demande, l’organisme doit lui ouvrir droit, à titre personnel, à la prise en charge de ses frais de santé et lui remettre un document attestant de sa qualité d’assuré (CSS, art. D. 160-1).
Par ailleurs, comme auparavant, tout mineur âgé d’au moins 16 ans qui poursuit des études dans un établissement d’enseignement supérieur bénéficie automatiquement de la prise en charge des frais de santé à titre personnel (CSS, art. L. 160-2 nouveau).
(1) Décrets n° 2015-1865 et n° 2015-1882 du 30 décembre 2015, J.O. du 31-12-15.
(2) Décret n° 2015-1882 du 30 décembre 2015, J.O. du 31-12-15.
(3) Pour ces personnes, en cas d’hospitalisation, la prise en charge des frais est subordonnée à un contrôle effectué dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
(4) Sur cette aide, voir ASH n° 2929 du 16-10-15, p. 36.
(5) Le site Internet de l’assurance maladie (