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Travailleurs handicapés en ESAT : la décision de la Cour de cassation ne ferme pas le débat

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La décision du 16 décembre ne va pas dans le sens d’une modification du statut des usagers des ESAT. Mais les associations veulent continuer à réfléchir à son évolution.

Très attendue par le secteur protégé, la décision du 16 décembre de la Cour de cassation relative à l’affaire « Fenoll » (voir ce numéro, page 46) laisse les fédérations perplexes. La Haute Juridiction estime que si la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qu’elle avait saisie sur cette affaire, considérait, dans son arrêt du 26 mars dernier(1), que les travailleurs handicapés des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) étaient des travailleurs au sens du droit communautaire, ils ne peuvent pas revendiquer le bénéfice d’un droit à congés payés au même titre qu’un salarié car, étant des usagers, ils ne sont pas titulaires d’un contrat de travail. Cette décision va-t-elle clore les débats ouverts à la suite de l’arrêt de la CJUE du 26 mars ? Ce dernier avait fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le secteur, certains l’ayant interprété comme la remise en cause du statut du travailleur d’ESAT, ce qui avait poussé la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées à envisager la constitution d’un groupe de travail sur son évolution. De leur côté, les responsables associatifs avaient considéré cet arrêt comme une bonne occasion de lancer une réflexion sur l’évolution de ce statut hybride à mi-chemin entre production et accompagnement. En septembre, neuf organisations, dont l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), la Fegapei (Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées), l’Association des paralysés de France et Andicat (Association nationale des directeurs et cadres d’ESAT) ont ainsi lancé un groupe de travail sur le sujet(2).

« Nous sommes surpris du rejet de la Cour de cassation. Autant la décision de la CJUE était intéressante, riche et ouvrait quelques portes car elle pointait du doigt des éléments susceptibles d’évoluer, autant la Cour de cassation plaide pour le statu quo. Elle dit moins de choses que la CJUE, c’est à se demander à quoi cela a servi de saisir la CJUE », s’étonne Thierry Nouvel, directeur général de l’Unapei. Moins surpris par cette décision, Gérard Zribi, président d’Andicat, n’en est pas moins déçu : « Il y a un consensus pour que rien ne bouge en matière de droits des travailleurs handicapés en ESAT et je pense que c’est une lourde erreur. Cela ne va pas dans le sens d’une émancipation des personnes handicapées et des positions des instances internationales, en particulier du Bureau international du travail qui considère qu’un travail sans droit s’apparente à du travail forcé. C’est une position défensive qui va à l’encontre du cours de l’histoire, sauf à considérer que les ESAT deviennent des centres occupationnels de jour. » Interrogés récemment sur leur position, les adhérents d’Andicat ont voté à 37 % en faveur du maintien en l’état du statut juridique actuel et à 11 % pour l’adoption d’un statut relevant du code du travail avec d’éventuels aménagements et protections. 52 % sont favorables au maintien du statut actuel avec des droits additionnels, telle la participation aux instances de concertation de l’entreprise (CHSCT par exemple).

Le sujet est donc loin d’être clos et le groupe de travail interassociatif va continuer à se réunir. « L’arrêt de la CJUE était un bon prétexte pour lancer un travail de fond dans le sens de l’évolution du droit des travailleurs d’ESAT, on va continuer à réfléchir sur l’opportunité de faire évoluer favorablement ou non le statut des travailleurs », explique Thierry Nouvel. Même position du côté de la Fegapei : cet arrêt « prend le contre-pied d’extrapolations tendant à laisser entendre que les travailleurs handicapés accompagnés en ESAT allaient devenir des salariés, estime Sylvain Renouvel, directeur délégué aux affaires sociales à la fédération. Reste que s’il y a des contentieux, comme celui qui vient d’être tranché, ou encore des demandes d’indemnités de licenciement en cas de réorientation par la CDAPH [commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées], cela signifie que, neuf ans après son entrée en vigueur, le statut actuel est perfectible. Cette décision de la Cour de cassation fait certes retomber la pression et nous sommes donc moins pressés, mais il semble pertinent de poursuivre notre réflexion au sein du groupe de travail. » Plus réservé, Gérard Zribi doute que les travaux puissent, à la suite de la décision de la Cour de cassation, aller plus loin.

Notes

(1) Voir ASH n° 2904 du 3-04-15, p. 38.

(2) Voir ASH n° 2929 du 16-10-15, p. 11.

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