Le gouvernement avait annoncé, lors du comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté du 6 mars 2015(1), son intention de généraliser dans les territoires les plus fragiles un dispositif de suivi renforcé de jeunes en voie d’exclusion – on parlait alors de « Pack deuxième chance » –, expérimenté dans le Rhône depuis 2013 dans les quartiers de la politique de la ville. Dans une circulaire commune, les ministres de la Justice, de l’Emploi, de l’Intérieur et de la Ville ont délivré aux préfets leurs consignes afin qu’ils déploient le dispositif – rebaptisé « Pacte de la deuxième chance » – d’ici au 1er février 2016. Ce déploiement doit se faire « prioritairement dans les 100 quartiers de la politique de la ville qui concentrent en particulier les interventions publiques au titre des zones de sécurité prioritaire, des réseaux d’éducation prioritaire REP/REP + et des projets nationaux ou régionaux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ».
Le Pacte de la deuxième chance a l’ambition d’apporter une réponse « à la carte » afin de « remobiliser les jeunes de 16 à 25 ans les plus en difficulté, particulièrement sous-qualifiés et en situation de quasi-délinquance […], expliquent les ministres, puis de les amener soit vers une formation qualifiante, un emploi aidé et enfin un emploi autonome ». « Il s’agit donc d’organiser un suivi proche, réactif et sur la durée. »
Pour bénéficier du dispositif, les jeunes doivent remplir les conditions cumulatives suivantes :
→ être âgés de 16 à 25 ans et vivre légalement en France ;
→ résider dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
→ être sans emploi, diplôme ou formation menant vers l’emploi ;
→ être en situation de prédélinquance ou de délinquance avec un fort risque de récidive. Autrement dit, « des jeunes probationnaires ou sous main de justice » ou bien encore des jeunes qui, « sans relever systématiquement de l’action pénale ou de l’accompagnement judiciaire, forment localement des noyaux d’incivilité qui contribuent à la dégradation de l’atmosphère des quartiers concernés ».
Ces jeunes sont repérés par différents acteurs : service de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), éducateurs spécialisés, adultes-relais, médiateurs et associations de quartier, chefs d’établissement scolaire, Pôle emploi, missions locales, chantiers d’insertion, etc.
Le dispositif implique une démarche volontaire de la part du jeune concerné. Du reste, « dans un souci de responsabilisation », les ministres jugent important de la contractualiser, afin que l’intéressé s’engage à assurer son insertion (ponctualité, présence effective aux entretiens…). En outre, s’agissant des mineurs, les titulaires de l’autorité parentale doivent être systématiquement associés à la démarche. Le pacte implique également la constitution d’un réseau d’entreprises partenaires, dont l’adhésion est matérialisée par la signature d’une charte ou d’une convention avec le préfet. Concrètement, ces entreprises « s’engagent à étudier positivement les cas qui leur sont proposés […], à embaucher dans la mesure du possible un ou deux jeunes par an au moins et à faciliter l’insertion de ces jeunes et leur intégration dans leur nouvel environnement professionnel ».
Le dispositif passe encore par la mise en place de cellules restreintes opérationnelles chargées d’organiser le suivi actif des jeunes repérés. Leur composition est la suivante :
→ un membre du corps préfectoral, qui préside la cellule (systématiquement) ;
→ le directeur de l’unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploiou son adjoint ;
→ un délégué du préfet et/ou, selon les situations locales, un membre volontaire d’une mission locale, de Pôle emploi et un représentant de la PJJ et/ou de l’administration pénitentiaire qui connaît parfaitement le quartier dans lequel le jeune réside, et un membre représentant le conseil départemental au titre de l’aide sociale à l’enfance ;
→ une personnalité « ayant une autorité forte du fait de son expérience » (par exemple le directeur d’un centre de formation ou toute autre personne intervenant dans le domaine de l’insertion).
Ce format peut varier selon les territoires et une ou plusieurs cellules peuvent être créées dans les quartiers visés en fonction des volumes de jeunes concernés et des capacités de mobilisation des services de l’Etat et de leurs partenaires.
Chaque cellule doit prendre en charge en continu six jeunes et se réunir a minima une fois par mois (sans le corps préfectoral). Leur mission : faire le lien entre les entreprises, les centres de formation et les jeunes concernés, « pour leur proposer des parcours efficaces vers l’insertion, la formation et l’emploi ».
La circulaire détaille les rôles des membres de la cellule. En dehors du préfet (ou sous-préfet), tous doivent mobiliser les jeunes par des entretiens téléphoniques ou physiques, déterminer le dispositif le plus adapté en fonction du profil et de la motivation des intéressés, répondre aux demandes d’appui des jeunes et les accompagner dans leurs démarches d’insertion. Les délégués du préfet, la personnalité qualifiée et/ou le professionnel de la PJJ et/ou du SPIP sont plus particulièrement chargés d’assurer un contact permanent et opérationnel avec les jeunes (la circulaire parle d’un contact téléphonique au moins une fois par semaine). « Cette équipe de terrain pilote le parcours du jeune et constitue sa référence au sein de la cellule. »
Le travail des cellules « n’est pas de créer des outils nouveaux mais d’utiliser ceux existants », insistent les ministres. « L’objectif est d’apporter une réponse renforcée, rapide, mobilisatrice en matière de formation et d’emploi. » Compte tenu de la tranche d’âge visée, les missions locales doivent être prioritairement mobilisées pour travailler aux différentes solutions d’insertion possibles.
La durée du suivi d’un jeune et l’intensité de ce suivi sont fonction de la nature des difficultés auxquelles il est confronté. « Ainsi, un contact téléphonique avec un jeune ayant trouvé un emploi pourra être maintenu à une fréquence plus espacée, pendant les six mois qui suivent le retour à l’emploi », indique la circulaire.
Si on estime à trois mois le temps de suivi moyen d’un jeune, chaque cellule devrait accompagner 24 jeunes par an.