Changement d’air

Tout a commencé par une proposition des éditions Guérin, spécialisées dans l’alpinisme. La commande ? Accompagner « des jeunes gens pas encore majeurs, plus ou moins en délicatesse avec la justice », en séjour de rupture avec deux éducateurs et une psychologue, et jouer « l’écrivain de service » entre deux lieux-dits savoyards aux noms prometteurs, Romme et Jérusalem. Impossible de refuser pour Dominique Fabre, romancier du chômage et de la banlieue, lecteur de Frison-Roche et élevé par une famille d’accueil en Haute-Savoie : « Ça me plaisait, tout ça, la montagne, les jeunes gens et leurs éducateurs, tout ça m’intriguait. Et puis parfois, on a seulement envie de prendre le large, histoire de se changer les idées. » Un 12 octobre, l’écrivain s’embarque donc aux côtés de cinq adolescents suivis par la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), deux éducateurs – « les deux Max » – et une psychologue, la seule femme du groupe. Se demandant bien ce qu’il va pouvoir écrire. Sans prendre de notes, faisant confiance à sa « mémoire d’éléphant pour les petites choses ». Le résultat, c’est En passant (vite fait) par la montagne, référence à l’association éponyme organisatrice de la marche(1). Un récit faussement naïf, dont la trame va crescendo, à mesure que les jeunes progressent sur les sentiers, se dévoilent, découvrent la neige, les nuits sous la tente et une certaine forme de camaraderie. Pourtant enseignant lui-même, Dominique Fabre s’avoue « épaté » de voir combien les éducateurs « se donnent », s’investissent auprès des jeunes pour leur faire ressentir la plénitude gratuite du marcheur, pour « briser cette chaîne d’un foyer à l’autre, d’une formation à l’autre, d’un juge pour enfants à l’autre dans certains cas ». Sans pour autant se faire d’illusions : « On peut les aider, ils en sont sûrs, rapporte l’écrivain, mais pour aussi fortes que soient les relations qu’ils créent avec ces jeunes, ils ne sont que de passage. » Espérant seulement que ce goût de la montagne « leur servira dans leur vie ».