« S’il y a un état d’urgence sécuritaire, il y a aussi un état d’urgence économique et social. » Au-delà de cette formule qui a fait écho à leur propre expression utilisée quelques heures plus tôt, les vœux aux Français du chef de l’Etat, le soir du 31 décembre, n’ont pas – hormis une annonce sur la formation des chômeurs – répondu aux attentes des membres du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement et de l’hébergement des personnes sans abri et mal logées. Ses représentants s’étaient réunis le matin même pour « exprimer ce que l’on aimerait entendre » de la bouche du président, a expliqué Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre et porte-parole du Collectif, à l’occasion de cette rencontre. Avant de souligner que l’allocution présidentielle allait se tenir « dans un contexte très tendu, sur le front de la sécurité mais aussi sur ceux de la question sociale et du mal-logement, deux sujets que le collectif considère comme maltraités ».
Le pays se trouve en effet dans une « situation d’urgence sociale », a renchéri Florent Gueguen, directeur général de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), également porte-parole du Collectif, qui rassemble 34 associations. « Cette réunion a été organisée pour lancer une alerte au président de la République. Tous les signaux de la pauvreté sont au rouge, mais on a l’impression que récemment les questions sociales sont sorties des radars gouvernementaux et des priorités des politiques publiques ». Sans contester l’état d’urgence sécuritaire, le collectif souhaiterait que le gouvernement décrète également l’« état d’urgence social ».
Les deux responsables associatifs ont rappelé tous les indicateurs qui témoignent de l’évolution inquiétante de la situation sur le front du mal-logement et de l’exclusion, qu’il s’agisse de l’augmentation du nombre de personnes vivant dans des bidonvilles (20 000 selon la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement), de celle des personnes sans abri – plus de 50 % en dix ans, « un chiffre qui n’a pas alerté plus que cela », s’est étonné Christophe Robert –, de la saturation du 115, du nombre de personnes mal logées (3,8 millions d’après les chiffres de l’INSEE), de l’augmentation des impayés de loyers et de charges… « L’exclusion et le mal-logement s’enracinent dans notre pays », a martelé le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre. « Le phénomène est particulièrement vrai dans les grandes villes, mais on le voit également apparaître dans des communes plus petites et en milieu rural, notamment s’agissant des problèmes de précarité énergétique. »
Premiers touchés par cette crise : les jeunes, confrontés aux logements les plus chers (les plus petits), à qui l’on demande le plus grand nombre de garanties que beaucoup ne sont pas en mesure d’apporter, qui ont les revenus les plus fragiles… L’une des conséquences est le recours massif à l’hébergement chez des tiers, comme l’a montré une enquête récente de la Fondation Abbé-Pierre(1). Et ceux qui ne peuvent faire appel à la solidarité familiale, dans un contexte où les foyers de jeunes travailleurs et les centres d’hébergement sont saturés, se retrouvent dans des situations de « galère ». « Les jeunes sont martyrisés par la crise économique, c’est la population à la fois la plus touchée et la moins protégée », a dénoncé Florent Gueguen, en rappelant qu’un quart des personnes hébergées en CHRS ont moins de 25 ans. Une situation sur laquelle le collectif souhaiterait que celui qui s’est présenté comme le « président de la jeunesse » agisse enfin. « On attend toujours le tournant social de François Hollande », a ainsi déclaré Christophe Robert. « Il lui reste un an et demi pour le faire. Qu’il mette la même énergie, la même ambition et les mêmes moyens sur ces questions que sur celles de l’état d’urgence ou du pacte de stabilité. »