Quel est le profil des jeunes relevant de l’amendement « Creton » à la loi du 13 janvier 1989, qui permet le maintien temporaire de jeunes adultes de plus de 20 ans en établissements pour enfants handicapés, dans l’attente d’une place dans une structure pour adultes(1) ? La DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) s’est penchée sur le sujet, qui « dessine en creux les besoins » en termes d’accueil des personnes handicapées. Et renvoie aussi aux risques d’aggravation du manque de places dans les établissements pour enfants.
Son étude, réalisée à partir de l’enquête ES-Handicap 2010, révèle que, au 31 décembre 2010, un peu moins de 6 000 jeunes majeurs relevaient de ce dispositif, soit 5,6 % de la population des établissements pour enfants handicapés(2). Ils étaient près de 5 000 en 2006, date de la précédente enquête. Leur nombre a donc augmenté de 20 % en quatre ans, tandis que celui des places dans les établissements pour enfants handicapés est resté stable au cours de la même période. Les jeunes concernés sont en grande majorité (77 %) accueillis dans des instituts médico-éducatifs (IME), dont ils représentent 7 % des usagers. Cette proportion est de 6 % dans les établissements pour déficients moteurs et s’élève à 13 % dans les établissements pour enfants ou adolescents polyhandicapés (EEP). Les autres types d’établissements sont moins concernés, « mais tous, excepté les établissements pour déficients auditifs, ont vu cette proportion augmenter depuis 1995, juste après l’entrée en vigueur de l’amendement », souligne la DREES.
La majorité (59 %) des jeunes adultes concernés sont des garçons, une prédominance toutefois un peu moins importante que dans l’ensemble des publics des établissements spécialisés pour enfants (65 %). Environ 71 % des jeunes concernés avaient entre 18 et 21 ans au moment de l’enquête, et 6 % avaient 25 ans ou plus. Seuls quelques cas exceptionnels (0,5 %) relevaient encore du dispositif après 30 ans. Une situation qui pourrait néanmoins évoluer, pointe la DREES : « En Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Midi-Pyrénées, Picardie et Alsace, ils sont au moins 10 % à avoir 25 ans ou plus. » Ces publics sont souvent non scolarisés (62 %), et ceux qui sont scolarisés le sont à 90 % dans un établissement médico-social, contre moins de 5 % dans un établissement scolaire.
Parmi les jeunes relevant de l’amendement « Creton », les déficiences les plus sévères et intellectuelles sont surreprésentées. Ainsi, 43 % de ces usagers présentent un retard mental moyen ou profond, 16 % un retard mental léger et 14 % ont un polyhandicap (déficiences mentales et motrices associées). Un quart des personnes polyhandicapées âgées de 20 à 30 ans, soit plus de 800 personnes, sont maintenues dans un établissement pour enfants au titre de l’amendement « Creton » (elles sont environ 2 500 dans des structures pour adultes). Cette proportion était d’un tiers en 2001, relève la DREES, rappelant que « les établissements pour polyhandicapés sont particulièrement concernés par le manque de places, à l’origine du recours au dispositif Creton ». Plus d’un tiers des usagers relevant de l’amendement « Creton » courent un risque vital en l’absence d’une aide humaine ou technique constante. En institut médico-éducatif (IME) par exemple, 27 % relevant du dispositif ont besoin d’aide humaine pour communiquer, contre 13 % des autres jeunes de 16 ans ou plus, et 58 % ne savent pas lire, contre 36 %.
Environ 3 800 jeunes relevant de l’amendement « Creton » sont sortis, en 2010, des établissements où ils étaient pris en charge, soit 13 % des personnes ayant quitté une structure pour enfant. Les deux tiers de ces sortants avaient entre 20 et 21 ans au 31 décembre 2010 et 79 % 22 ans ou moins. Toutefois, 21 % sont sortis l’année de leurs 23 ans ou plus tard, proportion qui double à la sortie d’un établissement pour polyhandicapés. Plus les jeunes sont lourdement handicapés, plus la sortie peut être tardive.
Seuls 3 % des jeunes qui relevaient de l’amendement « Creton » ont quitté leur établissement pour exercer ou rechercher une activité professionnelle en milieu ordinaire. Conformément à la logique du dispositif, qui consiste à attendre une place dans le secteur spécialisé, ils sont plus nombreux que les autres sortants de 18 ans et plus à se diriger vers un foyer d’accueil médicalisé ou une maison d’accueil spécialisée, ou encore vers les foyers occupationnels ou les foyers de vie. Près de 37 % se sont orientés vers une activité professionnelle en milieu protégé (établissement ou service d’aide par le travail ou entreprise adaptée). Environ 6 % des sortants se retrouvent à domicile, sans aucune prise en charge ou orientation médico-sociale.
(1) L’accueil peut être prolongé au-delà de l’âge de 20 ans ou, si l’âge limite pour lequel l’établissement agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l’attente de l’intervention d’une solution adaptée. La CDAPH se prononce sur une orientation vers un type d’établissement pour adultes, tout en maintenant le jeune, par manque de place disponible, dans l’établissement dans lequel il était accueilli avant l’âge de 20 ans.
(2) Parmi les 20 ans ou plus accueillis dans les établissements pour enfants, tous ne relèvent pas de l’amendement « Creton », soit parce que la limite d’âge de la structure est supérieure à 20 ans, soit parce qu’ils ne sont pas sur liste d’attente dans une structure médico-sociale pour adultes handicapés.