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Proposition de loi « prostitution » : le défenseur des droits opposé au délit de racolage et à la pénalisation du client

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Dans un avis du 16 décembre concernant la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées(1) – qui doit être examinée en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 27 janvier prochain, après l’échec de la commission mixte paritaire(2) –, le défenseur des droits souscrit « pleinement à la volonté du législateur de renforcer les moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle ». Mais regrette que, dans ce texte, « les personnes prostituées soient uniformément perçues comme des victimes ». Jacques Toubon rappelle à cet égard que « les prostitué-e-s ne sont pas toutes et tous victimes de traite » et que la prostitution revêt une « réalité polymorphe » qui n’est pas reflétée dans le texte qui « tend à faire l’amalgame entre prostitution et traite ».

Des réserves sur le parcours de sortie

Le défenseur des droits émet, par ailleurs, de « sérieuses réserves » sur le « parcours de sortie » que prévoit de créer la proposition de loi, notion qui lui « semble particulièrement inadaptée car elle oblige l’inscription des personnes prostituées dans une procédure prédéfinie sans permettre, une fois encore, la prise en compte de la diversité de leur situation ». Jacques Toubon estime notamment que l’obligation pour les personnes concernées « de cesser la prostitution si elles veulent pouvoir bénéficier de cette assistance ou protection est problématique » et préconise plutôt « un accès inconditionnel aux dispositifs d’accompagnement social, sanitaire et professionnel ».

Suppression du délit de racolage et de la pénalisation du client

Il relève en revanche « avec satisfaction » la suppression du délit de racolage(3), jugeant que « le caractère utile de la garde à vue des personnes prostituées interpellées pour racolage, dans le but de réunir des informations dans le cadre de la lutte contre le proxénétisme, est loin d’être toujours constaté comme le relève l’exposé des motifs » de la proposition de loi. Sans compter que ce délit a, selon lui, « largement dégradé les conditions de santé et d’exercice des personnes qui se prostituent et [que sa mention] dans les casiers judiciaires des personnes concernées nuit profondément à leur réinsertion sociale et professionnelle ».

Le défenseur des droits est également satisfait de la suppression de l’article 16 de la proposition de loi qui prévoyait la pénalisation du client par la mise en place d’une contravention sanctionnant le recours à la prostitution. Article dont il ne souhaite pas la réintégration. Selon Jacques Toubon, cette mesure, fondée sur le modèle suédois, n’est pas « la plus efficace pour “réduire la prostitution et pour dissuader les réseaux de traite et de proxénétisme de s’implanter sur les territoires” et encore moins “la solution la plus protectrice pour les personnes qui resteront dans la prostitution” comme annoncé dans la proposition de loi ». D’après lui, « l’impact d’une telle disposition sur le phénomène prostitutionnel en France s’annonce limité, voire nul ». En revanche, elle risque d’avoir des effets néfastes sur la santé et la sécurité des personnes prostituées en déplaçant « l’exercice de la prostitution de rue dans des zones toujours plus reculées et/ou isolées, empirant les conditions d’exercice déjà difficiles », et en les exposant davantage à la violence de certains clients et aux contaminations au VIH et/ou aux hépatites virales. « Enfin, en entretenant l’amalgame entre travail du sexe et délinquance, la pénalisation de la prostitution accroît la vulnérabilité juridique des prostitué-e-s parfois victimes de harcèlement policier, de gardes à vue abusives et d’humiliations », écrit Jacques Toubon.

Absence de données fiables

Le défenseur des droits salue, en outre, l’obligation faite au gouvernement de présenter un rapport sur l’application de la loi en souhaitant cependant que celui-ci « permette également d’élaborer des données publiques fiables et partagées sur le système prostitutionnel », les seules disponibles émanant des services de police et des associations de terrain.

Notes

(1) Avis du défenseur des droits n° 15-28 du 16 décembre 2015 – Disponible sur http://goo.gl/R5OwFA.

(2) Composée de sept députés et de sept sénateurs, la commission mixte paritaire est chargée d’élaborer un texte commun sur les dispositions qui n’ont pas été adoptées dans les mêmes termes par les deux chambres du Parlement.

(3) Le 14 octobre dernier, le Sénat a validé la suppression, par l’Assemblée nationale, du délit de racolage passif, censé donc être définitivement enterré. Or, en commission mixte paritaire (CMP), les sénateurs LR ont refusé d’approuver un texte qui ne maintiendrait pas un système de sanction pour les personnes prostituées. Les parlementaires ont donc préféré opter pour une CMP « non conclusive », renvoyant le texte pour une dernière lecture à l’Assemblée nationale, cette dernière devant avoir le dernier mot.

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