Avant son arrivée au cabinet Delebarre, jamais la jeune avocate lilloise Claire Verspieren n’avait entendu parler de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). « Pas un mot en cinq années d’études de droit, et c’est pourtant le plus gros tribunal de France ! », s’exclame-t-elle la première fois qu’elle met les pieds dans cette « usine à audiences », reléguée à Montreuil (Seine-Saint-Denis), « sur une ancienne friche industrielle ». Habitué des lieux, son patron a établi sa propre classification des demandeurs d’asile : « les mythos, les dingos, les sados et les masos ». Les juges, eux, se répartissent entre « branleurs, nazis et curés ». Autant dire que quand une jeune Guinéenne se jette dans le canal de la Deûle, en pleine braderie de Lille, après le rejet de sa demande d’asile, le dossier ne met pas longtemps à atterrir sur le bureau de ce fin connaisseur. Et c’est Claire Verspieren, Malienne albinos au look scandinave, qui est chargée des intérêts de la jeune femme. Sans se douter que l’affaire va l’entraîner dans les méandres du droit des étrangers, dans les couloirs d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile… et jusqu’au stade de Conakry. Ancien journaliste, Pierre Barrot a vécu treize ans en Afrique, avant de travailler plusieurs années à la CNDA (d’où sa connaissance intime de la juridiction). Avec Balivernes pour un massacre, il signe un roman enlevé (son troisième), qui mêle gastronomie chti et expressions malinké, fiction romanesque et réflexion sur le droit des étrangers – une matière ingrate aux aboutissements imprévisibles. Résultat ? Un polar aux rebondissements multiples, à la fois distrayant et instructif.
Balivernes pour un massacre. Terminus Lille-Flandres
Pierre Barrot – Ed. Wartberg – 11,90 €