Le Premier ministre a présenté le 23 décembre en conseil des ministres, le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation, que le chef de l’Etat avait annoncé lors du Congrès réuni à Versailles le 16 novembre dernier, deux jours après les attentats ayant frappé la France et tué 130 personnes.
Au-delà de l’inscription dans la Constitution du 4 octobre 1958 de l’état d’urgence – actuellement fixé par une simple loi ordinaire –, ce texte modifie l’article 34 de la Constitution pour y inscrire qu’une loi peut prévoir de déchoir de la nationalité française une personne née française mais détenant une autre nationalité, « lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ». Une mesure qui divise la classe politique, y compris au sein du gouvernement.
Rappelons que cette possibilité existe déjà, à l’article 25 du code civil, pour les binationaux qui ont acquis la qualité de Français depuis 15 ans ou moins et qui sont condamnés pour certains crimes ou délits tels qu’une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme(1). En revanche, les Français n’ayant pas d’autre nationalité ne peuvent pas être concernés car, toujours selon l’article 25 du code civil, la déchéance de nationalité ne peut avoir pour effet de rendre une personne apatride. Pour le défenseur des droits, ce projet, qu’il désapprouve, revient donc « à graver dans le marbre de notre norme supérieure une division fondamentale des Français en deux catégories, à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la Constitution » qui énonce, dans son article 1er, que la France « assure l’égalité devant la loi devant tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Le gouvernement affirme, lui, dans l’exposé des motifs du texte, que « l’élargissement des cas de déchéance de nationalité française contribuera […] à renforcer la protection de la société française, en permettant notamment de procéder à l’éloignement durable du territoire de la République, par la voie de l’expulsion, des personnes dont le caractère dangereux est avéré par la condamnation définitive dont elles ont fait l’objet et à interdire leur retour sur le territoire ».
Comme il s’agit d’un projet de loi constitutionnelle, le texte doit recevoir l’aval de l’Assemblée nationale et du Sénat séparément, puis d’une majorité des trois cinquièmes au Parlement réuni en congrès à Versailles. Très controversée dans la majorité, la disposition prévoyant la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français va nécessiter, pour être adoptée, le soutien de l’opposition qui est, pour le moment, également partagée sur ses intentions de vote. Si le texte passe ce cap, une loi ordinaire devra ensuite fixer les modalités d’application de la mesure, notamment la liste des crimes concernés.
(1) Selon le ministère de l’Intérieur, cette possibilité est peu utilisée puisque seules 26 déchéances de nationalité ont été prononcées depuis 1973, dont 13 pour terrorisme.